Palais de justice paris
Palais de justice de Paris. ©Wikipedia communs

Douha Mounib, « la sage-​femme de Daesh » jugée à Paris jusqu'à mercredi

La cour d'assises spé­ciale de Paris juge, à par­tir de ce lun­di, une femme de 32 ans pour « asso­cia­tion de mal­fai­teurs ter­ro­riste ». La jus­tice lui reproche notam­ment d'avoir contri­bué « au pro­jet civi­li­sa­tion­nel de l’EI » en accou­chant une dizaine de femmes. 

Trois jours pour juger la sin­cé­ri­té des regrets et la per­sis­tance, ou non, de l’adhésion à l’idéologie dji­ha­diste. La cour d’assises spé­cia­le­ment com­po­sée de Paris juge Douha Mounib pour « asso­cia­tion de mal­fai­teurs ter­ro­ristes » à par­tir de ce lun­di 27 février. La jeune femme de 32 ans est accu­sée d’avoir rejoint la zone irako-​syrienne en 2015 et d’avoir pra­ti­qué une dizaine d’accouchement de femmes de com­bat­tants dji­ha­distes. Un pro­cès par­ti­cu­lier tant le pro­fil de Douha Mounib est sin­gu­lier par­mi ceux des « reve­nantes » de Syrie. Car outre sa radi­ca­li­sa­tion assu­mée, c’est le rôle actif de sage-​femme qu’elle a tenu au sein de Daesh qui interpelle. 

Alors que s’ouvre son pro­cès aujourd'hui, Le Parisien a recons­ti­tué son par­cours. À l’automne 2013, Douha Mounib a 23 ans. Elle est alors étu­diante en troi­sième année d’école de sage-​femme à Nîmes dans le sud-​est de la France lorsqu’elle décide de ral­lier une pre­mière fois les rangs de Daesh en Syrie. Comme nombre de jeunes femmes, elle se radi­ca­lise rapi­de­ment sur Internet en pas­sant des heures à regar­der des vidéos. Comme nombre de jeunes femmes, elle épouse un com­bat­tant déjà sur place en Syrie, qu’elle ne connaît pas, via Internet. Elle quitte pré­ci­pi­tam­ment son école et se rend au Maroc chez ses grands-​parents puis en Turquie avant de pas­ser la fron­tière turco-syrienne.

Rôle de sage-femme 

Une gros­sesse dif­fi­cile contraint cepen­dant Douha Mounib à revoir ses plans et à ren­trer en France cou­rant 2014, rap­porte Le Parisien. Elle accouche d'un fils au prin­temps, qui décède quelques jours seule­ment après sa nais­sance. La jeune femme n’a alors plus qu’une seule idée en tête : retour­ner en Syrie. Pour finan­cer son voyage, elle va jusqu’à voler les bijoux de sa belle-​mère. Elle se rema­rie une nou­velle fois avec un com­bat­tant de Daesh qui a déjà un fils d’une pré­cé­dente union et tente à plu­sieurs reprises de rega­gner la Syrie. Sans suc­cès, elle est à chaque fois refou­lée par les auto­ri­tés turques. 

C'est en juillet 2015, sous l’identité de sa mère, que Douha Mounib par­vient à pas­ser la fron­tière turco-​syrienne. Elle passe ensuite près de deux ans dans les rangs de Daech où elle accouche d’une petite fille en 2016. Puis elle quitte l’État Islamique (EI) fin 2016 et rejoint une ville sous contrôle de l’Armée syrienne libre. Elle est ensuite inter­pel­lée en Turquie en mars 2017 puis rapa­triée en France après plu­sieurs mois en centre de rétention. 

Pour les enquêteur·trices, l’implication de Douha Mounib dans l’entreprise ter­ro­riste ne fait aucun doute. Il s’agit d’une dji­ha­diste à part entière et non seule­ment une femme sou­mise à un mari com­bat­tant. Lors de son séjour en Syrie, elle a acti­ve­ment ser­vi la pro­pa­gande de Daesh sur les réseaux sociaux, mais a aus­si aidé une dizaine de femmes à accou­cher grâce à sa for­ma­tion de sage-​femme. C’est d’ailleurs cette deuxième fonc­tion « hau­te­ment sym­bo­lique » qui consti­tue pour l’accusation l’un des élé­ments du « sou­tien idéo­lo­gique et logis­tique » à l’organisation ter­ro­riste, car elle a ain­si par­ti­ci­pé « au pro­jet civi­li­sa­tion­nel de l’EI », estiment les juges d’instruction, rap­porte Le Parisien.

Ce que conteste for­mel­le­ment Douha Mounib. « Je tiens à indi­quer que je n’ai jamais eu l’idée de faire de mes enfants de futurs moud­ja­hi­dines. De la même manière, lorsque j’accouchais les femmes (…), je ne le fai­sais jamais avec le pro­jet d’accoucher des com­bat­tants futurs », a‑t-​elle décla­ré selon le quo­ti­dien. Pendant l’instruction, Douha Mounib a dit être par­tie pour des rai­sons « huma­ni­taires », bien qu’elle recon­naisse aus­si avoir vou­lu inté­grer un camp d’entraînement pour femmes.

Spectaculaire ten­ta­tive d’évasion

Incarcérée depuis son retour en France à la mai­son d’arrêt de Fresnes (Val-​de-​Marne), Douha Mounib était sor­tie de l’anonymat à l’automne 2021 après une spec­ta­cu­laire ten­ta­tive d’évasion. Elle était par­ve­nue à creu­ser un trou dans le mur de sa cel­lule à l’aide d’une cuillère et d’un cou­teau puis à esca­la­der plu­sieurs murs d'enceintes à l’aide d’une corde faite de draps et de vête­ments. Son éva­sion s’était ter­mi­née par son inter­pel­la­tion sur le che­min de ronde de la pri­son. Pour ce fait, elle sera jugée plus tard. Mais cela consti­tue, pour l’accusation, une preuve sup­plé­men­taire de « la dan­ge­ro­si­té de son pro­fil » et de « la dis­si­mu­la­tion dont elle est capable pour par­ve­nir à ses objec­tifs », pré­cise Le Parisien.

En effet, au fil de l’instruction, Douha Mounib n’a rien renié de son enga­ge­ment auprès de Daesh et de son par­cours tout en expli­quant avoir com­pris s’être « trom­pée ». D’après le jour­nal, elle a affir­mé qu’elle avait été « dés­illu­sion­née » sur l’organisation ter­ro­riste, ses actions vio­lentes et ses atten­tats, et qu’elle consi­dé­rait désor­mais Daech comme « une secte de tyrans ». « Daech m’a ven­du du rêve en fait », a‑t-​elle affir­mé. « J’ai réa­li­sé après la nais­sance de ma fille que l’idéal ne cor­res­pon­dait pas à la réa­li­té », a‑t-​elle encore exprimé.

Pour son avo­cat, Maître Joseph Hazan, l’enjeu de ce pro­cès qui va durer trois jours sera de déter­mi­ner la sin­cé­ri­té des pro­pos de Douha Mounib ain­si que de son degré d’implication au sein de l’organisation isla­miste. « La cour devra iden­ti­fier avec pré­ci­sion les res­sorts qui ont nour­ri sa déter­mi­na­tion à rejoindre l’EI, et notam­ment son carac­tère obses­sion­nel. Elle devra réel­le­ment s’interroger sur la dan­ge­ro­si­té qu’elle repré­sente aujourd’hui, après cinq ans de déten­tion pro­vi­soire, une dan­ge­ro­si­té que j’entends fer­me­ment contes­ter », a‑t-​il décla­ré auprès du Parisien. Douha Mounib encourt trente ans de réclu­sion cri­mi­nelle. Le ver­dict est atten­du mer­cre­di 1er mars.

Lire aus­si I Syrie : la France rapa­trie 15 femmes et 32 enfants de camps djihadistes

Partager
Articles liés

Inverted wid­get

Turn on the "Inverted back­ground" option for any wid­get, to get an alter­na­tive sty­ling like this.

Accent wid­get

Turn on the "Accent back­ground" option for any wid­get, to get an alter­na­tive sty­ling like this.