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Des françaises manifestent pour réclamer le droit de vote à Nantes, le 27 octobre 1934, lors d'un congrès du Parti radical-socialiste. © AFP

“L’égale de l’homme” : il y a 80 ans, les Françaises obte­naient le droit de vote

Il y a quatre-​vingts ans, le droit de vote était accor­dé aux Françaises. À moins de deux mois des élec­tions euro­péennes, des aînées racontent l’importance qu’a revê­tue pour elles ce nou­veau droit et leur sen­ti­ment de fier­té en se ren­dant pour la pre­mière fois de leur vie aux urnes pour les muni­ci­pales de 1945.

C’était le 21 avril 1944. Grâce à une ordon­nance du gou­ver­ne­ment pro­vi­soire du géné­ral de Gaulle à Alger, les femmes deve­naient élec­trices et éli­gibles. Un an plus tard, le 29 avril 1945, elles dépo­saient pour la pre­mière fois leur bul­le­tin dans l’urne pour élire leur maire. “On est deve­nue l’égale de l’homme. À par­tir de ce jour-​là, on a aus­si été capables d’avoir des opi­nions poli­tiques”, témoigne Marcelle Abadie, 104 ans aujourd’hui.

Bien droite dans son fau­teuil, à Paris, Jacqueline Didier, 101 ans, se plonge dans ses sou­ve­nirs : “J’étais étu­diante en his­toire à Toulouse, mais j’étais ins­crite sur les listes élec­to­rales de Gourdon, chez moi, dans le Lot.” C’est accom­pa­gnée de son père que la jeune femme s’est ren­due à la mai­rie. “Le jour du vote, il m’a expli­qué com­ment ça fonc­tion­nait : ‘Tu prends le papier là et ensuite tu le mets là’.

Les chiffres de par­ti­ci­pa­tion des femmes à ce pre­mier scru­tin ne sont pas dis­po­nibles. Un peu plus de 26 mil­lions de Français·es étaient alors inscrit·es sur les listes élec­to­rales, mais au moment du vote, de nom­breux hommes étaient encore pri­son­niers de guerre ou dépor­tés. “On sait que les femmes sont allées voter, même si beau­coup d’entre elles ne s’intéressaient pas for­cé­ment à la poli­tique”, rap­pelle Anne-​Sarah Bouglé-​Moalic, doc­teure en his­toire à l’Université de Caen-​Normandie et spé­cia­liste de la ques­tion du vote des femmes en France. “Il faut com­prendre qu’elles avaient gran­di en enten­dant que, de toute façon, la poli­tique, ce n’était pas pour elles : c’était l’affaire du mari ou du père.”

Lire aus­si l Paris : les Archives natio­nales exposent l'ordonnance ins­ti­tuant le droit de vote des femmes

“Il faut aller voter !”

Autre cri­tère impor­tant : le milieu social et cultu­rel. Les voi­sines de Marcelle Abadie, à Pantin (Seine-​Saint-​Denis), femmes au foyer pour la plu­part, ne sont pas toutes allées voter. “Je leur ai dit : ‘Vous avez tort ! On l’a deman­dé ce droit, main­te­nant qu’on l’a, il faut aller voter !’. La France a atten­du la moi­tié du XXe siècle pour garan­tir les mêmes droits poli­tiques aux femmes qu’aux hommes, bien après d’autres pays : l’Australie en 1901, la Finlande en 1906, la Norvège en 1913, le Danemark en 1915, l’Allemagne en 1918, les États-​Unis en 1920, le Royaume-​Uni en 1928…

à Limoges, pour Madeleine Charrière, aujourd’hui décé­dée, la ques­tion d’aller ou non dépo­ser son bul­le­tin ne s’est pas posée. “Maman était très fière d’aller voter. Elle se sen­tait inves­tie d’un pou­voir”, raconte sa fille aînée, Brigitte, 10 ans en 1945, qui se sou­vient très bien des dis­cus­sions poli­tiques entre sa mère et son grand-​père avo­cat, alors que son père était tou­jours pri­son­nier en Allemagne. Un sen­ti­ment de fier­té, c’est aus­si ce qu’a res­sen­ti Marcelle Abadie. Elle avait alors 25 ans, tra­vaillait dans une com­pa­gnie d’assurances à Paris et n’entendait pas se faire dic­ter ses choix. “Je tra­vaillais, je gagnais de l’argent et je fai­sais ce que je vou­lais”, insiste-​t-​elle, pré­ci­sant n’avoir jamais voté comme son mari, fonc­tion­naire de police.

Quelques mois après les élec­tions muni­ci­pales, les femmes ont à nou­veau exer­cé leur devoir civique. Le 21 octobre 1945 ont eu lieu les pre­mières élec­tions légis­la­tives de l’après-guerre. “Trente-​trois femmes ont été élues à l’Assemblée, soit un peu plus de 5 %”, indique l’historienne Anne-​Sarah Bouglé-​Moalic, dont Madeleine Braun, ancienne résis­tante, deve­nue en 1946 la pre­mière vice-​présidente de l’Assemblée natio­nale. Depuis ce pre­mier vote, Jacqueline Didier et Marcelle Abadie n’ont jamais man­qué une élec­tion. Et Marcelle en est per­sua­dée : “Un jour, il y aura une femme pré­si­dente en France.”

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