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Le 7 mars 2023 à Paris © A.C.

Dans la mani­fes­ta­tion pari­sienne contre la réforme : « Les femmes ne sont pas des dindes, la farce amère ne pas­se­ra pas »

La sep­tième jour­née de mobi­li­sa­tion contre la réforme des retraites a réuni 700.000 per­sonnes dans les rues pari­siennes selon la CGT. Reportage.

Dans pas moins de 200 villes en France ce mar­di, on mani­fes­tait aus­si pour dire non à la réforme des retraites à l'appel de l'intersyndicale. En paral­lèle, sur les routes, dans les ports ou encore les raf­fi­ne­ries, des gré­vistes ont répon­du au mot d'ordre de « blo­quer le pays ». Une mobi­li­sa­tion défi­ni­ti­ve­ment pla­cée sous le signe du chiffre 7 : ce 7 mars marque la sep­tième jour­née de mani­fes­ta­tions, et la dis­po­si­tion du pro­jet de loi la plus cri­ti­quée – celle du départ à la retraite à l'âge de 64 ans contre 62 actuel­le­ment – est conte­nue dans son article 7, lequel pour­rait d'ailleurs être étu­dié ce jour même au Sénat. A Paris, c'est dans le 7ème arron­dis­se­ment, métro Sèvre-​Babylone, qu'était fixé le rendez-​vous qui, n'en jetez plus, a réuni pas moins de 700.000 per­sonnes selon la CGT.

Si l'enjeu était de créer du contraste, le pari est réus­si : l'ambiance pain-​saucisse – La Rue Ketanou se déga­geant du cor­tège et de ses hauts par­leurs a de quoi tran­cher avec ce quar­tier très chic de la rive gauche d'où se sont ébranlé·es les manifestant·es en direc­tion de la place d'Italie dans le 13ème arron­dis­se­ment. Des employé·es de bou­tiques de luxe s'extirpent des rideaux tirés des vitrines pour l'occasion afin d'immortaliser le moment avec leurs télé­phones. « Heureusement qu'ils mani­festent pour nous », lance une ven­deuse de vête­ments à sa col­lègue, visi­ble­ment pas trop contra­riée de ne pas accueillir de clientes.

« En-​dessous du Smic, c'est de la sur­vie, c'est pas une vie. »

Claudie, 62 ans, accom­pa­gnante d'enfants en situa­tion de handicap. 

Dans la foule de dizaines de mil­liers de manifestant·es, on croise des jeunes, des moins jeunes, des cheminot·es, des infirmier·ères, des profs, des ouvrier·ères, des habitué·es de la contes­ta­tion sociale comme des novices. « Libraires en colère, y en a marre des bas salaires », entonne un petit cor­tège déter­mi­né. A ses côtés, on croise, Claudie, « bien­tôt 62 ans », qui attrape l'oeil avec sa pan­carte « Les femmes ne sont pas des dindes, la farce amère ne pas­se­ra pas, non c'est non ! »

« Je ne vois pas pour­quoi les femmes devraient payer le prix fort de cette réforme alors que les hommes gagnent déjà mieux leur vie », développe-​t-​elle quand on amorce la conver­sa­tion. La der­nière fois, celle qui est depuis peu accom­pa­gnante d'enfants en situa­tion de han­di­cap en CDD s'était ren­due à la mani­fes­ta­tion avec une pan­carte là encore tour­née vers les femmes, grandes per­dantes de la réforme pré­pa­rée par le gou­ver­ne­ment : « Ménage + gros­sesse + emploi = trois vies en une bien usantes. » En ce qui la concerne, Claudie ne sau­rait dire quand elle pour­ra par­tir et avec quel mon­tant de pen­sion. « Là, j'ai besoin de gagner des tri­mestres parce que j'ai fait des études, j'ai com­men­cé tard, j'ai fait du temps par­tiel, énumère-​t-​elle. Je vais tenir autant que je peux. J'ai fait une simu­la­tion mais il faut que je la refasse parce que c'est com­pli­qué avec au moins trois caisses de retraite dif­fé­rentes. » Et d'indiquer que, pour elle, une retraite accep­table cor­res­pon­drait au Smic : « En-​dessous, c'est de la sur­vie, c'est pas une vie. »

Lire aus­si I Les femmes seront péna­li­sées par la réforme des retraites

Défendre des prin­cipes d'égalité

Alors qu'un « pink bloc » LGBT entonne un joyeux « même si Macron ne veut pas nous on est là, pour l'honneur des tra­vailleurs et pour une retraite heu­reuse » en mar­chant direc­tion place d'Italie, le point d'arrivée de la mani­fes­ta­tion, on tombe sur un jeune homme en robe d'avocat, qui pré­fère pas­ser le relais de l'interview à ses consœurs de l'Union des jeunes avo­cats (UJA) quand il apprend que c'est pour Causette. Anne-​Laure Casado, 36 ans et pré­si­dente du syn­di­cat et Olivia Roche, 32 ans et vice-​présidente, toutes deux membres du bar­reau de Paris, nous expliquent être là pour défendre « les prin­cipes d'égalité de l'UJA, remis en ques­tion par cette réforme qui sanc­tionne les femmes avant tout, quelle que soit leur pro­fes­sion ».

Sans savoir encore si le régime auto­nome des avocat·es dis­pa­raî­tra avec la réforme, vu les allers-​retours des amen­de­ments sur le sujet, Anne-​Laure Casado et Olivia Roche expliquent qu'a prio­ri, l'allongement de la durée de coti­sa­tion et le recul de l'âge légal concer­ne­ront tout de même la pro­fes­sion. « Au sein de la pro­fes­sion comme ailleurs, ce sont les avo­cates qui sont péna­li­sées par la paren­ta­li­té en ce qu'elles voient leurs car­rières hachées », observe Olivia Roche. Face à l'inflexibilité du gou­ver­ne­ment, Anne-​Laure Casado affirme gar­der « l'espoir que néan­moins, il finisse par entendre ce que la rue a à lui dire ».

« Il faut se battre pour nos acquis sociaux, qui doivent être pré­ser­vés pour nos enfants. »

Marie François, conseillère muni­ci­pale délé­guée à la Culture et au Patrimoine de Chevilly-​Larue dans le Val-de-Marne

Même opti­misme chez Marie François, conseillère muni­ci­pale délé­guée à la Culture et au Patrimoine de Chevilly-​Larue dans le Val-​de-​Marne, venue avec conjoint et enfants. « La mobi­li­sa­tion est très forte, il y a beau­coup de per­sonnes qui ne sont pas habi­tuées des manifs, je pense qu'Emmanuel Macron ne peut que nous entendre… Même si ça me pose ques­tion qu'il ne soit jamais en France lors des jour­nées de mobi­li­sa­tion [le pré­sident finit actuel­le­ment une tour­née de visites en Afrique, ndlr]. » L'élue du Parti com­mu­niste vise le renon­ce­ment du gou­ver­ne­ment à la réforme mais puisque « cela semble un peu uto­pique » ne ferme pas la porte à « d'autres formes de négo­cia­tions ». En jetant un œil aux trois enfants qui l'accompagne, grève dans les crèches et les écoles oblige, elle sou­pire : « Il faut se battre pour nos acquis sociaux, qui doivent être pré­ser­vés pour nos enfants. »

Lire aus­si I Retraites : dans le cor­tège d'Angoulême, on veut croire que « c’est encore négociable »

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