Liberté des femmes de recourir à l’IVG versus liberté des soignant·es de ne pas la pratiquer : la garantie de la clause de conscience des médecins sera l’un des points de débat lors de l’examen du projet de loi pour inscrire l’IVG dans la Constitution, demain, au Sénat.
Le garde des Sceaux et le rapporteur du projet de loi ont beau avoir répété que la clause de conscience des médecins n’était pas menacée par l’inscription de l’IVG dans la Constitution, une partie de la droite sénatoriale s’inquiète. Leur crainte : qu’une fois constitutionnalisée, la liberté des femmes de recourir à l’IVG l’emporte sur la liberté des médecins de ne pas la pratiquer.
Aujourd’hui, les médecins disposent en effet d’une double clause de conscience. La première, générale, leur permet de refuser de réaliser un acte médical, pour des raisons professionnelles ou personnelles – à l’exception des cas d’urgence vitale. La seconde, spécifique, a été introduite en 1975 avec la loi Veil et la légalisation de l’avortement : elle permet aux médecins, sages-femmes et aux personnels qui participent à l’acte (infirmier·ère, par exemple) de ne pas le pratiquer. Dans les deux cas, les médecins doivent alors en informer immédiatement leur patient·e et l’orienter vers une équipe médicale compétente en la matière. Mais à la veille de l’examen du projet de loi sur la constitutionnalisation de l’IVG, des sénateurs·rices s’inquiètent que cette clause de conscience spécifique des médecins soit mise à mal.
Que pourrait changer l'inscription de l'IVG dans la Constitution ?
Ce que craint une partie de la droite sénatoriale, c’est qu’une fois la liberté de recourir à l’IVG consacrée dans la Constitution, celle-ci se traduise par des jurisprudences opposables à des médecins qui ne souhaiteraient pas pratiquer l’IVG et les contraignent ainsi à les réaliser. “Si la liberté d’interrompre la grossesse est garantie à la femme dans la Constitution, n’est-ce pas supérieur à la clause de conscience, reconnue par la loi Veil et le règlement ?” s’interroge ainsi Bertrand de Rochambeau, président du Syndicat national des gynécologues-obstétriciens de France (Syngof).
“Ne faut-il pas intégrer dans la Constitution que les soignants puissent opposer leur clause de conscience ?” demande-t-il. Tout en constatant que “les médecins les plus âgés, qui ont connu une époque où des avortements clandestins pratiqués par des non-soignants provoquaient des séquelles pour les femmes, sont plus attachés à l’IVG que les jeunes générations qui n’ont pas connu cette époque”.
Le sujet sera donc discuté au Sénat : des sénateurs·rices de droite, dont le chef de file LR Bruno Retailleau, ont déposé un amendement pour inscrire dans la Constitution la liberté des “professionnels de santé de ne pas être tenus” de “pratiquer” ou “concourir” à une IVG. Parmi ces élu·es, beaucoup sont favorables à la reconnaissance constitutionnelle de l’IVG, mais disent souhaiter un “équilibre”. En clair : que “le droit reconnu aux médecins de ne pas pratiquer les IVG”, “en raison de leur conscience”, soit porté “au même niveau juridique que la liberté d’y recourir”, comme l’a expliqué à l’AFP la rapporteure du texte (rattachée LR) Agnès Canayer.
Considérée comme “un frein à l’IVG” par le Planning familial, cette clause de conscience est, au contraire, régulièrement remise en cause par la gauche et les associations féministes. Des propositions de loi, déposées par l’ex-ministre de la Famille Laurence Rossignol en 2018, puis par l’ex-députée Albane Gaillot (LREM) en 2020, ont tenté de la supprimer, en vain.
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