Congé second parent : un sala­rié licen­cié pour en avoir bénéficié

Mercredi, Le Parisien a révé­lé le récit d’un cadre de 42 ans per­sua­dé d’avoir été licen­cié pour avoir pris son congé second parent. Il avait le Code du tra­vail pour lui, mais ses supérieur·es ont ten­té de le dis­sua­der de prendre les 25 jours aux­quels il avait droit. À son retour, il a été accueilli par une lettre de licenciement.

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© Alex Bodini

Depuis le 1er juillet 2021, les règles ont chan­gé pour les hommes et les les­biennes salarié·es qui sou­haitent béné­fi­cier du congé second parent. Le quo­ta de jours pour un enfant à naître, ou un enfant adop­té, a dou­blé, pas­sant de 14 à 28, dont sept jours obli­ga­toires. Les trois jours du congé de nais­sance res­tent à la charge de l'employeur, tan­dis que les 25 jours res­tants sont indem­ni­sés par la Sécurité sociale. Les nais­sances mul­tiples (jumeaux, tri­plés…) donnent tou­jours droit à sept jours sup­plé­men­taires. De quoi per­mettre au second parent de mieux pro­fi­ter des pre­miers moments avec son nou­veau né. Si, en théo­rie, c’est un droit, en pra­tique les choses peuvent se révé­ler plus com­pli­quées. C’est ce qu’illustre Le Parisien à tra­vers le témoi­gnage de Martin1 dans un article publié mer­cre­di 31 mai. 

Martin, alors âgé de 42 ans, occu­pait un poste de cadre dans les nou­velles tech­no­lo­gies. En 2022, il apprend que sa femme est enceinte et annonce fiè­re­ment à ses équipes la nou­velle. Son entre­prise pro­gres­siste sur le papier octroyait même jusqu’à trois mois de dis­po­ni­bi­li­té aux pères pour res­ter auprès de leur nouveau-​né, raconte Le Parisien. Alors quand Martin a appris qu’il allait deve­nir papa pour la deuxième fois, il a déci­dé de faire valoir son droit au congé second parent. Il ne l’avait pas fait à la nais­sance de son pre­mier enfant et était retour­né au tra­vail trois jours plus tard. « C’était trop tôt, je n’ai rien vu des pre­miers moments », se souvient-​il auprès du Parisien.

Licencié pour « insuf­fi­sance professionnelle » 

Début de l'année 2022, le cadre fait part de son choix à sa direc­tion. Le moins que l’on puisse dire est que la nou­velle a été fraî­che­ment accueillie : « Ne prends pas ton congé. Je te don­ne­rai plu­tôt quelques après-​midi de temps en temps », lui conseille son patron.

Des mois de bras de fer s’engagent alors entre le sala­rié et sa direc­tion, les rela­tions se dété­riorent et Martin doit faire face à des phrases cin­glantes au quo­ti­dien : « Ta réponse ne m’intéresse pas » ; « tu ne sais pas mana­ger » ; « tu n’as pas de vision », rap­porte Le Parisien. Mais Martin a quand même pris son congé second parent.

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Arrive le moment de la reprise du tra­vail, et une mau­vaise sur­prise de taille attend Martin. Pour son retour, le sala­rié a été accueilli par une lettre de licen­cie­ment pour « insuf­fi­sance pro­fes­sion­nelle ». Martin en est per­sua­dé, ce motif ne tient pas : « Six mois avant, j’étais le mana­ger de l’année ! », ironise-​t-​il selon Le Parisien. Pour lui, c’est bien la prise du congé second parent que ses supérieur·es ont vou­lu lui faire payer.

Des hommes qui craignent pour leur carrière 

Mais le cas de Martin n’est pas iso­lé. Olivier, direc­teur de pro­jet dans une socié­té du CAC 40, contraint de gar­der l’anonymat, a annon­cé la gros­sesse de sa femme en sep­tembre 2022 : « Mes patrons ont com­pris que, si je par­tais, ils allaient devoir prendre le relais. » Olivier demande son congé second parent. Les consé­quences sont désas­treuses. « Mon éva­lua­tion de fin d’année est catas­tro­phique. Mes notes de frais sont scru­tées dans les moindres détails. On essaie de me rendre plus noir que ce que je suis », déclare-​t-​il au Parisien

Et par­fois, le congé second parent, même s’il est posé inté­gra­le­ment, n’est qu’une façade. « L’un de mes col­lègues l’a pris mais on lui a dit de res­ter connec­té », s’agace Olivier. Le faible taux de recours au congé second parent, qui est de 79% dans les entre­prises de 10 à 49 salarié·es selon le Centre d'études et de recherches sur les qua­li­fi­ca­tions (Cereq) s’explique en rai­son de « la mécon­nais­sance des droits et l’absence d’anticipation » (ils doivent en faire la demande au moins un mois à l’avance), selon le quotidien. 

« Avant qu’un col­lègue m’en parle, je ne savais même pas que j’y avais droit ! », recon­naît Olivier. Les hommes ont aus­si « inté­gré ce qui se passe pour les femmes avec le congé mater­ni­té et craignent les effets sur leur car­rière », complète-​t-​il. Si la loi a évo­lué, les men­ta­li­tés, elles, peinent visi­ble­ment à le faire. Depuis son licen­cie­ment, Martin a retrou­vé un tra­vail, mais il garde le goût amer de l’épreuve pas­sée. « Si j’avais un autre enfant, je ne repren­drais pas mon congé pater­ni­té », confie-​t-​il au Parisien. 

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  1. le pré­nom a été modi­fié[]
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