Le dernier volet du magazine d’investigation, diffusé ce jeudi soir sur France 2, révèle que Fabien Vanhemelryck a défendu en personne deux policiers de Pau qui avaient roué de coups pendant treize minutes un adolescent menotté. Radiés et condamnés par la justice, ils ont finalement été réintégrés.
Les révélations sont accablantes. Intitulé Police : quand les syndicats font la loi, le dernier numéro du magazine d’investigation Complément d’enquête, qui sera diffusé ce jeudi 1er novembre à 23 heures sur France 2, s’attaque aux dérives des syndicats policiers. L’une d’elles, notamment, concerne la réintégration de deux policiers radiés de la police nationale et condamnés par la justice pour « violences volontaires en réunion sur mineur ». Selon un procès-verbal consulté par le magazine, Fabien Vanhemelryck, le responsable du syndicat policier Alliance, a tout fait pour réintégrer deux agents de Pau (Pyrénées-Atlantiques), rapporte France Info en amont de la diffusion.
L’histoire que raconte Complément d’enquête commence entre les murs du commissariat de Pau le 20 octobre 2019. En pleine nuit, un mineur de seize ans, fortement alcoolisé et porteur d’une matraque, est arrêté par la police en centre-ville. En cause ? Des nuisances sonores dont se plaignent les riverain·es. Il est amené au commissariat. Menotté à un banc, l’adolescent agité aurait commencé à insulter les policiers et aurait tenté de faire un croche-pied à l’un d’eux.
Treize minutes de violences
C’est alors que Lionel D. et Jean-Christophe V. se ruent sur lui. Les deux policiers répondent avec une série de gifles, de coups-de-poing et de coups de pied. Ils piétinent le jeune homme toujours menotté dans le dos, l’insultent, lui crachent dessus et lui font une clé de bras. Selon le rapport des enquêteur·trices de l’IGPN établi par la suite, Jean-Christophe V. lui frotte également la tête contre le sol « à de nombreuses reprises ». Un médecin accordera à l’adolescent quinze jours d’interruption temporaire de travail pour une double perforation du tympan ainsi que des multiples lésions aux bras.
Au total, la scène d’une grande violence, filmée par la caméra-piéton d’un autre policier présent à ce moment-là, dure treize minutes. « C'est d'une violence inouïe. [Ils] lui mettent des coups de pied dans la tête, ils veulent prendre l'armoire et lui jeter dessus », confie un autre agent, témoin direct de la scène, interrogé par Complément d'enquête. « On avait l'impression d'être dans un film. On était scotchés, ça nous a scié les guiboles. Après, on s'est interposés devant le jeune qui criait, nous appelait au secours, qui nous demandait de l'aide. Il y a des choses qui marquent, dans votre vie. Et ça, ça en fait partie. »
Radiation de courte durée
La vidéo est immédiatement transmise au parquet de Pau qui se saisit de l'affaire. Une enquête est ouverte. En juillet 2021, Lionel D. et Jean-Christophe V. écopent en appel de quinze mois de prison avec sursis, d’une amende, et d’une peine d’inéligibilité qui entraîne de fait leur radiation de la police nationale. Une radiation finalement de courte durée.
Complément d’enquête indique qu’au lendemain de leur condamnation, le syndicat policier Alliance lance une cagnotte « de soutien » en interne, « afin de les aider dans cette période difficile ». Lionel D. et Jean-Christophe V. sont tous deux adhérents. « Merci pour la solidarité dont vous ferez preuve », stipule le mail dont le magazine d’investigation s’est procuré une copie.
Le patron d'Alliance monte au créneau
Puis, toujours selon Complément d’enquête, Fabien Vanhemelryck, le patron d’Alliance, s’implique en personne lors d’une réunion le 2 décembre 2021 entre les représentant·es de l’administration policière et les pontes des grands syndicats de police. Les échanges sont consignés sur procès-verbal, que le magazine a également pu consulter. On y lit que les cas de Lionel D. et Jean-Christophe V. sont débattus sur la table : les deux hommes souhaitent redevenir policiers.
Selon Complément d’enquête, l’administration s’y oppose au départ. « Les faits sont graves et se déroulent en plus dans l'enceinte même du commissariat (…). Ces policiers n'auraient jamais dû avoir ce genre de comportement », critique notamment le directeur central de la sécurité publique, Laurent Mercier.
Des faits considérés comme « une erreur de parcours isolée »
Autre difficulté mise en avant par le magazine d’investigation : Lionel D. et Jean-Christophe V. ont désormais un casier judiciaire. Or, pour être fonctionnaire de police, le casier ne doit comporter aucune mention incompatible avec l’exercice des fonctions, cela englobe une condamnation pour violences. Selon le magazine, le syndicaliste Fabien Vanhemelryck a balayé ces réticences par ces mots : « La perte de la maîtrise de soi et l'excès d'énervement ne devraient pas contraindre à les radier. (…) Malheureusement, la justice a été intransigeante. (…) Ils sont bien notés, n'ont jamais eu de sanction. (…) Ils ont eu le courage de reconnaître les faits [et] se sont excusés auprès du mineur. (…) Je demande donc leur réintégration. »
La réunion se conclut avec un avis favorable quant à la réintégration des deux policiers. Depuis, Lionel D. et Jean-Christophe V. ont retrouvé leur poste et exercent à la sécurité publique de Pau. Sollicités via leur avocate, ils n’ont pas répondu aux demandes d’interviews du magazine.
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« Les faits ont été considérés comme une erreur de parcours isolée », assure aujourd'hui le ministère de l'Intérieur pour expliquer ce revirement. Interrogé par Complément d’enquête, le syndicaliste Fabien Vanhemelryck tire une fierté d'avoir sauvé deux de ses adhérents de la révocation. « Bien sûr qu'ils ont leur place dans la police, sinon je ne les aurais pas défendus. Je peux vous le dire droit dans les yeux, à 400%, à 500% si vous voulez ! Pourquoi ? Parce que ces agents ont été sanctionnés. En effet, ce qu'ils ont fait, ce n'est pas nécessaire, c'est condamnable et ils ont été condamnés. En effet, nous nous devions, à Alliance, de les défendre. »
Regardez ce numéro de Complément d'enquête, intitulé Police : quand les syndicats font la loi, ce jeudi 1er décembre à 23 heures sur France 2, puis en replay sur France.tv.
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