Alors que le ministre de l'Education nationale, Gabriel Attal, a annoncé vouloir interdire l'abaya à l'école, un décryptage s'impose sur ce sujet sensible.
Dimanche 27 août, le ministre de l’Education nationale Gabriel Attal a annoncé sa volonté d’interdire l’abaya à l’école. Ces robes longues portées par certaines élèves musulmanes font l’objet de plus en plus de signalements de la part des proviseurs qui réclamaient des consignes claires de la part du ministère. Pour mieux comprendre ce sujet complexe, Causette a posé cinq questions à Anne-Laure Zwilling, anthropologue des religions au CNRS
Causette : Qu’est-ce qu’une abaya ?
Anne-Laure Zwilling : La définition est aussi large que celle d’une robe. La plupart du temps c’est un vêtement noir, long et ample avec des manches. Mais il en existe de différents types, avec une ceinture, par exemple, des manches plus ou moins amples, ou même des formes plus sportives.
Est-ce un vêtement religieux ?
A‑L. Z. : Si par vêtement religieux on entend “conçu et porté uniquement dans une intention religieuse”, comme la soutane ou l’habit de moine par exemple, alors non, ce n’est pas un vêtement religieux, mais plutôt culturel. L’abaya est principalement portée dans les pays du Maghreb et du Golfe, notamment l’Arabie saoudite, mais pas dans tous les pays de tradition musulmane. Tout dépend de l’intention avec laquelle elle est portée. On peut la comparer aux vêtements de certaines femmes de religion juive, qui portent des collants opaques et des jupes longues. A priori, ils n’ont rien de religieux, mais ils peuvent être portés dans un souci de pudeur par certaines croyantes, tout comme l’abaya. La seule différence, c’est que cette dernière est moins passe-partout en France qu’une jupe longue bleue marine.
L’abaya peut-elle faire partie des signes ou tenues religieux·ses interdits à l’école dans le cadre de la loi de 2004 ?
A‑L. Z : La loi de 2004 interdit "le port de signes ou tenues par lesquels les élèves manifestent ostensiblement une appartenance religieuse". Mais des décisions de justice ont étendu cette définition à des vêtements qui ne sont pas religieux par nature, mais portés pour des prétextes religieux. Il faudrait donc déterminer pour quel motif chaque jeune fille porte l’abaya. Mais ce n’est pas si simple, les raisons peuvent mélanger tradition, religion, complexes vis-à-vis de son corps… C’est exactement la même question que le burkini dans l’espace public.
Le port de l’abaya est-il plus répandu dans les établissements scolaires qu’avant en France ?
A‑L. Z : C’est difficile à évaluer. Il se peut qu’il y ait un effet de mode, mais il est difficile à mesurer. Ces derniers mois, les signalements des établissements scolaires ont en effet augmenté. Mais il se peut qu’ils soient plus nombreux à cause d’une circulaire du ministère de l’Education nationale diffusée en novembre qui encourage ce type de signalements. Cela ne veut pas nécessairement dire que de plus en plus de jeunes filles en portent.
Pourquoi le gouvernement cible ce vêtement en particulier ?
A‑L. Z : Il y a une crainte que l’abaya soit le symptôme de la progression d’un islam radical, ce qui peut-être le cas dans une minorité de cas, mais y voir un signe systématique est un peu exagéré. De manière générale, les crispations se concentrent sur les tenues des filles, qui se voient imposer des contraintes vestimentaires de tous les côtés. Laissons-les donc s’habiller comme elles le veulent !