Créés en 2002, les centres éducatifs fermés sont censés être une alternative à la prison pour les mineur·es délinquant·es. Ils accueillent en moyenne 1 500 jeunes chaque année. À partir de 2021, le gouvernement attaque la construction de vingt nouveaux centres. Pourtant, aucun bilan du dispositif n’a été fait, malgré de nombreux dysfonctionnements. Causette dresse un état des lieux.
« Au début, je fuguais beaucoup, ça me rendait fou d’être enfermé. » Quelques années après son passage en centre éducatif fermé (CEF), Ahmed1 raconte cet épisode avec un peu de gêne. Condamné un peu avant ses 17 ans pour différents délits, il est envoyé en 2017 dans l’une de ces cinquante et une structures que compte la France. « Le premier mois, tu n’as le droit à aucune sortie, tu restes au centre, explique le jeune homme. Tu passes des tests scolaires et physiques, tu vois un médecin, un psychologue, et tu apprends les règles : les horaires, le règlement intérieur, le comportement à avoir. C’était très compliqué pour moi de suivre les règles et de respecter l’autorité. Sauf que tes sorties dépendent de ton comportement. J’ai dû attendre trois mois pour voir ma famille le week-end. » Créés par la loi dite Perben de 2002, les centres éducatifs fermés accueillent chacun douze jeunes de 13 à 18 ans, filles et garçons, mineur·es multirécidivistes ou ayant commis des actes d’une particulière gravité. À l’époque, une partie des responsables politiques répètent que les enfants sont de plus en plus violent·es et qu’il faut une réponse supplémentaire. Ce dispositif vient alors se positionner comme la dernière marche avant la prison.
Une efficacité non prouvée
Près de vingt ans plus tard, le gouvernement envisage de construire des centres supplémentaires. Pourtant, l’efficacité du dispositif n’a jamais été prouvée. Pire : en 2018, la Contrôleure générale des lieux de privation de liberté alerte sur les faiblesses de ces structures, les violences qui y ont cours et l’insuffisance des projets éducatifs2. À ces dysfonctionnements s’ajoute surtout une absence de politique d’évaluation et de suivi des jeunes placé·es en CEF : il n’y a pas de chiffres ou d’études pour prouver que, en vingt ans, ce dispositif ait véritablement permis d’éviter la prison et de réinsérer les mineur·es délinquant·es. La mission sénatoriale de 2018 sur l’enfermement des mineur·es, même si elle s’est montrée favorable au développement de ces établissements, a également alerté sur le manque de statistiques pour les évaluer et suivre[…]
- Les prénoms ont été modifiés.[↩]
- Rapport d’activité 2018 de la Contrôleure générale des lieux de privation de liberté, Adeline Azan. Éd. Dalloz.[↩]