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AgroParisTech / Centre de Grignon © Nicolas Duprey - Flickr

AgroParisTech : 17 cas de viols recen­sés après une enquête interne

L’école d’ingénieur AgroParisTech a annon­cé avoir sai­si le pro­cu­reur de Paris ce lun­di 20 juin, dès le len­de­main des révé­la­tions d’une enquête interne fai­sant état de 17 viols et d’une cen­taine d’agressions sexuelles. 

AgroParisTech est l’une des écoles d'ingénieur·es les plus fémi­ni­sées, comp­tant presque 65% de femmes en 2021. Elle semble pour­tant loin d’être exemp­tée de cas de vio­lences sexistes et sexuelles subies par ses étudiant·es. Pour cause, la direc­tion de la grande école a signé un cour­rier à la pro­cu­reure de Paris le lun­di 20 juin, après avoir reçu un rap­port interne signa­lant 17 viols au sein de l’établissement, dont 16 femmes et une per­sonne non-​binaire. « L’ampleur de ces vio­lences est into­lé­rable », a affir­mé Laurent Buisson, le direc­teur de l’école, à l’AFP. 

L’enquête a été menée en décembre der­nier par une asso­cia­tion étu­diante d’AgroParisTech, la Cellule de sen­si­bi­li­sa­tion et d’information sur la sexua­li­té (Cassis). Un ques­tion­naire a été envoyé à plus de 2000 étudiant·es de quatre pro­mo­tions dif­fé­rentes, et a obte­nu 566 réponses com­plètes, dont celles de 67,7 % de femmes. Et comme le décrit le com­mu­ni­qué de presse publié le mar­di 21 juin par l’association, « les résul­tats de cette der­nière enquête font état d’un nombre alar­mant de VSS [vio­lences sexistes sexuelles, ndlr] »

En effet, sur le rap­port de l’enquête publié sur leur compte Instagram, Cassis recense 526 cas de « com­por­te­ments ou pro­pos dis­cri­mi­na­toires ou à conno­ta­tion sexuelle » (vio­lences sans contact phy­siques), le plus sou­vent lors d’événements fes­tifs, 131 per­sonnes (23% des répondant·es) vic­times d’agressions sexuelles dont 76% de femmes. Dix élèves ont été vic­times de steal­thing, un retrait du pré­ser­va­tif sans consen­te­ment, et selon Le Monde, au moins 58,8% de ces agres­sions sexuelles ont été com­mises par des hommes, « la majo­ri­té des témoi­gnages ne sachant pas pré­ci­ser si l’agresseur était homme ou femme, du fait d’une consom­ma­tion exces­sive d’alcool et-​ou de stu­pé­fiants », écrit le jour­nal. L’association constate que la majo­ri­té de ces VSS sont per­pé­trées par des étudiant·es, mais qu’une dizaine de cas pro­viennent du per­son­nel enca­drant. Et le plus inquié­tant, 17 viols auraient été subi par des étudiant·es durant leur sco­la­ri­té, déclare Cassis en pré­ci­sant que « 64,7 % des viols auraient été com­mis alors que la vic­time n’était pas en état de savoir ou dire s’il ou elle était consentant·e », à cause de la consom­ma­tion de stu­pé­fiants ou d’alcool. 

Face à ces chiffres extrê­me­ment pré­oc­cu­pants, le direc­teur Laurent Buisson a réagi : « Pour la période cou­verte par cette enquête, c’est-à-dire les quatre der­nières pro­mo­tions, nous savions déjà qu’il y avait eu des affaires. Il y avait eu deux sai­sines de la sec­tion dis­ci­pli­naire, avec des sanc­tions, et des signa­le­ments au pro­cu­reur de la République. Mais là, ce dont on a pris la mesure, c’est le nombre d’affaires qui ne sont pas par­ve­nues jusqu’à nous. » 

La cel­lule de sen­si­bi­li­sa­tion et de lutte contre les VSS à AgroParisTech avait en effet été mise sur pieds en automne 2019 suite à deux cas de vio­lences sexuelles lors d’une soi­rée étu­diante. Siham Lachgar, co-​responsable du dis­po­si­tif de lutte contre les vio­lences sexistes et sexuelles à AgroParisTech, incite toutes les vic­times à por­ter plainte. « On assiste à une libé­ra­tion de la parole mais sur­tout à libé­ra­tion de l'écoute. Et il est très impor­tant que les vic­times nous fassent confiance et qu'elles osent venir nous par­ler », rapporte-​t-​elle à Franceinfo, assu­rant l’école prête à les accompagner. 

Nouveau plan d’action

La Cellule de sen­si­bi­li­sa­tion a éta­bli un constat clair : « 36,2 % des répon­dantes et répon­dants estiment que les VSS ne sont qu’un léger pro­blème au sein d’AgroParisTech ; 12,9 % que ce n’est pas un pro­blème du tout ». Cassis décrit un « fos­sé entre l‘appréciation du pro­blème des VSS par les étu­diantes et étu­diants, la mini­mi­sa­tion par leurs auteurs et autrices des actes recen­sés et la réa­li­té des vio­lences com­mises au sein de l’école », et un « déta­che­ment pro­fond et dan­ge­reux d’une par­tie de la com­mu­nau­té étu­diante envers ces ques­tions. » 

Pour faire face à cette grave indif­fé­rence, l'association a annon­cé dans son com­mu­ni­qué l’instauration d’un nou­veau plan d’action, co-​construit avec la direc­tion pour la ren­trée de sep­tembre 2022. Parmi les mesures éta­blies : une for­ma­tion à l’organisation d’évènements sûrs sera obli­ga­toire pour les membres des asso­cia­tions fes­tives ; un appel à volon­taires pour être référent·e VSS va être lan­cé dès la ren­trée ; un ques­tion­naire du même type sera mené chaque année ; la cel­lule d’écoute des VSS sera ren­for­cée ; et des par­te­na­riats avec des asso­cia­tions ou des pres­ta­taires externes à l’école et spécialisé·es sur ces ques­tions seront mis en place. 

En outre, Cassis pré­co­nise la créa­tion d’un nou­veau poste à temps plein dédié à la lutte contre les VSS pour pro­fes­sion­na­li­ser la mis­sion et pour « reti­rer une trop lourde res­pon­sa­bi­li­té » à l'association étu­diante. Cassis déclare en effet que l’ampleur de ces VSS « dépasse de loin leur capa­ci­té d’action », ce dont Laurent Buisson est plei­ne­ment conscient. « Il fal­lait en pas­ser par cette étape d’appropriation du sujet par les étu­diants, indique-​t-​il, mais nous devons désor­mais nous tour­ner vers un par­te­naire extérieur. » 

Cette enquête fait écho aux autres cas de VSS au sein d’écoles d’ingénieurs tout aus­si pres­ti­gieuses. Le par­quet d’Evry avait ouvert une enquête pour viols et agres­sions sexuelles à Polytechnique en avril der­nier, après la publi­ca­tion d’un ques­tion­naire interne fai­sant état de l’ampleur des faits. De la même façon, après avoir révé­lée une cen­taine de faits de VSS, l’école CentraleSupélec a été visée par une enquête simi­laire par la pro­cu­reure d’Evry en octobre 2021. 

Lire aus­si : Polytechnique : une étu­diante sur quatre vic­time d'agressions sexuelles, 11 viols ou ten­ta­tives, depuis 2018

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