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Rassemblement organisé par le collectif Nous Toutes. Place du Châtelet, Paris, le 21 juin 2022. A.T.

À Paris, des fémi­nistes votent pour la démis­sion de Damien Abad et Gérald Darmanin du gouvernement

À l’appel du collectif féministe Nous toutes, une centaine de personnes s’est rassemblée ce lundi soir à Paris, pour protester contre la présence au gouvernement des ministres Damien Abad et Gérald Darmanin, tous deux visés par des accusations de violences sexuelles. Par un vote symbolique, iels demandent leur démission.

Les militant⸱es féministes ont joué les prolongations des élections législatives. Une centaine de personnes se sont rassemblées, ce lundi soir, place du Châtelet à Paris, pour un vote un peu particulier. Un vote informel sur fond de colère et de revendications. Un vote symbolique surtout. À chaque petit bulletin plié en quatre puis glissé dans l’urne de fortune, le même « A voté pour la démission de Damien Abad et de Gérald Darmanin ! » est lancé. À la différence des législatives, ici, les bulletins annotés ne valent pas vote nul, bien au contraire. « Vous pouvez écrire dessus tout ce que vous voulez dire à Élisabeth Borne et Emmanuel Macron », encourage la militante Fatima Benomar, au micro.

Comme un présage, le vote symbolique est intervenu la veille de la traditionnelle « démission de courtoisie », déposée ce mardi matin, par la Première ministre, Elisabeth Borne. Une démission toutefois refusée par le président pour permettre au « gouvernement [de] demeurer à la tâche et [d']agir en ces jours » a fait savoir l'Élysée. Dans l'immédiat, aucun remaniement ministériel n'est à prévoir, D. Abad et G. Darmanin restent donc, pour l'heure, à leur poste.

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Rassemblement organisé par le collectif Nous Toutes. Place du Châtelet, Paris, le 21 juin 2022. A.T.

Deux nominations dénoncées hier soir par les militant·es présent·es place du Châtelet. Au côté de Fatima Benomar, deux jeunes femmes tiennent fermement deux cartons sur lesquels sont inscrits « Pas de violeur à l’Intérieur » et « Pas d’enfoiré aux Solidarités ». Le collectif féministe Nous Toutes est à l’origine de ce rassemblement organisé pour protester contre la présence au gouvernement de Damien Abad et Gérald Darmanin, tous deux accusés de violences sexuelles. Le premier, ex-président du groupe Les Républicains (LR) à l’Assemblée, a été nommé ministre des Solidarité en mai dernier en dépit d’un signalement pour des faits présumés de viols adressé à LREM et LR puis maintenu malgré des témoignages publiés dans Mediapart.

Le second, visé par une plainte pour viol (le parquet a requis un non-lieu en janvier 2022) et accusé d’avoir profité de sa position dominante d’élu à la ville de Tourcoing pour obtenir des faveurs sexuelles en 2009, s’est vu reconduit place Beauvau. « Des postes clés de la lutte pour l’égalité hommes-femmes, dénonce Pauline Baron, membre de Nous Toutes. Darmanin, en tant que premier flic de France, est chargé de la formation des forces de l’ordre sur la gestion des violences sexistes et sexuelles. Tandis que Damien Abad, à la tête du ministère des Solidarités, dirige les comités départementaux de lutte contre ces violences. » 

Lire aussi I Colère et ras-le-bol : au rassemblement féministe contre le « gouvernement de la honte »

Un rassemblement organisé « à la hâte, suite au troisième témoignage révélé le 14 juin par Mediapart au sujet de Damien Abad et au résultat des élections législatives », précise Fatima Benomar à Causette. Dimanche soir, Damien Abad (Divers droite) et Gérald Darmanin (Ens) ont effectivement tous deux étaient réélus sans peine dans leur circo respectives de l’Ain (57,86% des voix pour Damien Abad ) et du Nord (57,62% pour Gérald Darmanin ). Une réélection qui leur permet, comme le veut la tradition, de se maintenir dans le gouvernement d’Elisabeth Borne. « Comme Emmanuel Macron se réfère au fait que ces deux ministres ont été reconduits par le vote des électeurs, on vous invite à venir déposer un bulletin demandant à ce qu’ils soient dégagés du gouvernement », lance Fatima Benomar à la petite foule massée devant elle. Le collectif prévoit ensuite d’envoyer ces bulletins à l’Elysée, à l’intention du président et de la Première ministre Elisabeth Borne.

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Rassemblement organisé par le collectif Nous Toutes. Place du Châtelet, Paris, le 21 juin 2022. A.T.

Laure est l’une des premières à venir glisser son bulletin. D’un ton assuré, cette secrétaire médicale de 34 ans, nous explique être venue ce soir « pour exprimer sa colère de maintenir au plus haut niveau de l’État, des hommes mis en cause dans des affaires de violences sexuelles ». Un maintien qui a sonné pour la jeune femme « comme un coup de massue » dimanche soir. Même sentiment chez Camille, 26 ans, qui s’affaire, accroupie, à écrire « Dégagez ! » sur son bout de papier. Pour elle, le maintien à leurs postes ministériels envoie un signal délétère aux femmes victimes de violences sexuelles. « Ça contribue à la banalisation de la culture du viol et au renforcement de celle du tabou, dénonce-t-elle. Aujourd’hui les victimes ont beau parler, ont beau témoigner, les hommes mis en cause restent à leur place. »

« Est-ce qu’un ministre mis en cause pour viols peut dignement représenter l’intérêt général ? »

 Fiona Texeire, cofondatrice de l’Observatoire des violences sexistes et sexuelles en politique.

De leur côté, Damien Abad et Gérald Darmanin ont toujours nié les faits qui leur ont été reprochés. Le premier « réfute catégoriquement » les accusations d’agressions sexuelles portées aujourd'hui par trois femmes. Le parquet a d'ailleurs fait savoir qu'il n'ouvrirait pas d'enquête préliminaire « en l'état ». Quant au second la plainte pour viol à son encontre déposée en 2017 a d’abord été classée sans suite, puis relancée en 2020 avant que le parquet de Paris ne requière un non-lieu en janvier 2022.  

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Rassemblement organisé par le collectif Nous Toutes. Place du Châtelet, Paris, le 21 juin 2022. A.T.

« Est-ce qu’un ministre mis en cause pour viols peut dignement représenter l’intérêt général ? Est-ce que le maintien au gouvernement d’hommes mis en cause pour viol est cohérent avec l’objectif annoncé de faire de nouveau la lutte contre les violences sexistes et sexuelles, la grande cause du quinquennat ? », demande au micro Fiona Texeire, cofondatrice de l’Observatoire des violences sexistes et sexuelles en politique. Une question également posée dans une tribune publiée ce lundi après-midi sur le site du Monde, dans laquelle 188 femmes exigent la démission du ministre des Solidarités.

Moralité et exemplarité

Fiona Texeire s’interroge également sur la responsabilité de l’État en tant qu’employeur : « Dans n’importe quelle entreprise, si la direction ne lançait pas d’enquête interne, la responsabilité de l’employeur serait engagée. » Pour Annie Lahmer, conseillère régionale écologiste d’Ile-de-France, la réponse est sans appel : « Il en va de la moralité et de l’exemplarité de l’État », soutient-t-elle à Causette. L’élue a fait partie des quatre femmes qui, en 2016, ont déposé plainte contre Denis Baupin, ancien vice-président EELV de l’Assemblée nationale, pour des faits d’agressions sexuelles – il a quitté la vie politique en 2017 après le classement sans suite de l’enquête pour prescription.

De l’affaire Baupin à celle de Darmanin, Annie Lahmer trouve que « si les choses commencent à changer à gauche avec une prise de conscience des partis » - elle évoque pour cela la mise à l’écart du candidat LFI Taha Bouhafs - « à droite, on en est encore très loin ». « On se rend bien compte que le gouvernement n’a pas envie de faire d’introspection », déplore-t-elle auprès de Causette.  

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Annie Lahmer, conseillère régionale écologiste d’Ile-de-France. Place du Châtelet, Paris, le 21 juin 2022. A.T.

Malgré tout, Annie Lahmer souhaite faire « confiance » à Elisabeth Borne. Interrogée sur les accusations visant Damien Abad le 15 juin lors d’un déplacement dans sa circo du Calvados, la Première ministre a exhorté les femmes victimes à déposer plainte, estimant qu'« il faut permettre à la justice d’établir les faits ».

Si aucun remaniement ministériel n'est à l'ordre du jour, la défaite de certain⸱es ministres dans d’autres circonscriptions dimanche, devrait nous y conduire « dans les prochains jours », a annoncé la porte-parole du gouvernement, Olivia Grégoire, ce lundi. Une fenêtre de tir pour les membres du collectif Nous Toutes : « Tout n’est pas encore perdu, c’est fondamental de ne rien lâcher ni sur Abad, ni sur Darmanin ». Au micro, les militantes l’assurent : « On fera d’autres rassemblements si ça ne bouge pas ». Les résultats du vote de ce soir n'ont pas été dévoilés, mais, à voir les applaudissements et la dizaine de pancartes, nul doute quant à son issue. 

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