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Rassemblement Nous Toutes et Me Too Politique contre le nouveau gouvernement © Louise Huet

Colère et ras-​le-​bol : au ras­sem­ble­ment fémi­niste contre le « gou­ver­ne­ment de la honte »

Les col­lec­tifs Nous Toutes et Me Too Politique se sont ras­sem­blés hier à Paris, accom­pa­gnés de militant·es et d’élu·es, pour mani­fes­ter contre la pré­sence de Damien Abad, Gérald Darmanin et Eric Dupont-​Moretti au gou­ver­ne­ment, les deux pre­miers accu­sés de viols et le der­nier connu pour ses remarques sexistes. Causette est par­tie à la ren­contre des manifestant·es pour entendre leur colère et leurs revendications. 

Le mes­sage pos­té sur l’événement Facebook de la mobi­li­sa­tion était clair : « Pas de vio­leur à l'intérieur et aux soli­da­ri­tés, pas de com­plice à la jus­tice ! » Le rendez-​vous, fixé le mar­di 24 mai à 18h place Saint-​Augustin à Paris avait été don­né pour dénon­cer le main­tien d’Éric Dupont-​Moretti, Garde Sceaux et pour­fen­deur du mou­ve­ment MeToo, et Gérald Darmanin, ministre de l’Intérieur accu­sé de viol. C’était avant la défla­gra­tion de l’enquête de Mediapart, same­di 21 mai, révé­lant que deux femmes accu­saient le nou­veau ministre des Solidarités Damien Abad de viol. D’autant plus, donc, de rai­sons de battre le pavé ce mar­di, à l’appel des col­lec­tifs Nous Toutes et Me Too Politique.

Parmi les 300 contes­ta­taires selon les chiffres de l’AFP, des élues telles que Sandrine Rousseau, can­di­date de la Nupes aux légis­la­tives à Paris, Alice Coffin, conseillère EELV à la Mairie de Paris ou encore Manon Aubry, élue La France Insoumise. Les pan­cartes fiè­re­ment bran­dies, les manifestant·es ont chan­té, crié, applau­di, et fait entendre leur indignation.

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Anne-​Sophie © L.H.

Anne-​Sophie, 46 ans, pro­fes­seure des écoles  : « Je suis super en colère que ces nomi­na­tions ne pro­voquent pas plus de réac­tion. Quand on nomme quelqu’un, on regarde leur CV, leur pas­sif. On parle de repré­sen­tants des Français là, c’est impor­tant, et on a l’impression qu’on nous crache des­sus. Mais je suis pleine d’espoir parce que les jeunes ont beau­coup plus conscience de tout ça, les géné­ra­tions futures sont encore plus en colère que moi. Je le vois, j’ai des élèves qui écrivent des petites his­toires sur des hommes qui se per­mettent de tou­cher des femmes, “c’est inad­mis­sible !” disent-​elles, alors qu’elles n'ont que 10 ans. » 

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Jean. © L.H.

Jean, 38 ans, sala­rié au Samu social : « Toute une par­tie de la popu­la­tion n’a pas encore conscience de ce qu’il se passe, je le vois avec mes proches, dans mon métier. J’ai l’impression que ça n’avance pas assez vite. Pour les hommes de mon entou­rage, leur pre­mière réac­tion est de remettre en cause la parole des femmes ou de se sen­tir visés, eux. Mais j’essaie de leur en par­ler, de les sensibiliser. »

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Alice Coffin © L.H.

Alice Coffin, élue éco­lo­giste à la Mairie de Paris : « Un des pro­blèmes majeurs de toutes ces affaires, c’est le fonc­tion­ne­ment même du par­ti poli­tique. Il se consti­tue sur des rap­ports de domi­na­tion pour don­ner du pou­voir à cer­tains, et avant tout pri­vi­lé­gier l’intérêt du par­ti dans sa glo­ba­li­té plu­tôt que l’intérêt des per­sonnes. L’affaire Abad montre bien une défaillance totale des ins­tances, et sur­tout un retard et un déca­lage avec la socié­té : les par­tis sont main­te­nant moins per­ti­nents sur les ques­tions de vio­lences sexistes et sexuelles que les entre­prises pri­vées, et elles ont encore beau­coup de che­min à faire, c’est dire ! Lutter contre ce gou­ver­ne­ment et contre ces vio­lences en poli­tique, ça se fera dans la rue, moi j’y crois, mais on n’y arri­ve­ra pas sans mobi­li­sa­tion interne dans ces ins­ti­tu­tions, sans pres­sions au sein des par­tis. Mais les fémi­nistes conti­nuent de faire peur. Est-​ce que j’ai de l’espoir ? Moi je ne fonc­tionne pas à l’espoir, je fonc­tionne à l’action. »

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Etienne Charles © L.H.

Etienne Charles, 22 ans, étu­diant en archi­tec­ture : « Au départ, j’ai hési­té à venir à la mobi­li­sa­tion parce que je me suis deman­dé si ça me concer­nait. Puis j’ai pas mal réflé­chi, j’en ai par­lé à mes amies et j’ai réa­li­sé à quel point c’était impor­tant mal­gré tout. Le pro­blème du patriar­cat, ça concerne tout le monde. Quand j’ai vu les accu­sa­tions contre Damien Abad, ça m’a beau­coup cho­qué. Je pense que les vio­lences sexuelles concernent de plus en plus les hommes. Je le vois avec mon père : il était d’abord réfrac­taire sur toutes ces ques­tions. Il a un peu nié le viol que ma soeur a subi, et main­te­nant avec le recul, il s’en veut. »

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Fatima Benomar. © L.H.

Fatima Benomar, membre de la coor­di­na­tion natio­nale de Nous Toutes : « Le “en même temps” a ses limites. On en a ras-​le-​bol. Nommer un ministre, c’est à la dis­cré­tion d’une cheffe d’un gou­ver­ne­ment. Autant ne pas prendre le risque de nom­mer à la tête de minis­tères très stra­té­giques des hommes accu­sés ou soup­çon­nés de viols. Il me semble qu’on peut quand même choi­sir quelqu’un d'autre, il y a assez de monde pour ne pas prendre ce risque. Il faut envoyer le mes­sage à ces hommes qu’il n’y aura pas d’impunité, sinon, ils conti­nue­ront d’adopter des com­por­te­ments ignobles au sein des par­tis. Nous, les fémi­nistes, je pense qu’on a fait le bou­lot, on a réus­si à faire chan­ger la peur de camp. Maintenant, il est temps que le pou­voir poli­tique prenne ses res­pon­sa­bi­li­tés. »  

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Louis Boyard © L.H.

Louis Boyard, 21 ans, can­di­dat NUPES aux légis­la­tives dans la 3e cir­cons­crip­tion du Val-​de-​Marne et étu­diant en droit : « Je par­ti­cipe au ras­sem­ble­ment pour récla­mer de l’exemplarité en poli­tique. Pour moi, en poli­tique, quand une per­sonne est accu­sée de viol ou d’agression sexuelle, elle doit par­tir. La lutte contre le patriar­cat, ça me semble être un devoir poli­tique et la res­pon­sa­bi­li­té de nos diri­geants d’y faire face. Ce com­bat doit impor­ter autant aux hommes qu’aux femmes, parce qu’ils res­tent les prin­ci­paux concer­nés et ils doivent appor­ter leur sou­tien. À par­tir du moment où la jus­tice sera capable de cor­rec­te­ment trai­ter ces accu­sa­tions, nous n’aurons plus besoin de mener de telles actions. Ces mobi­li­sa­tions servent aus­si à chan­ger les men­ta­li­tés, et on conti­nue­ra de se battre jusqu’à ce que ce soit fait. »

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Nathalie. © L.H.

Nathalie, 25 ans, étu­diante ins­ti­tu­trice : « Partout où on regarde, dans le milieu de l’éducation, il y a énor­mé­ment de failles et de man­que­ments, ça ne me semble pas près de chan­ger avec notre gou­ver­ne­ment et une grande cause du quin­quen­nat jamais res­pec­tée. Quand j’ai vu la com­po­si­tion du gou­ver­ne­ment, j’étais écoeu­rée qu’on stagne tou­jours autant. On fait des actions, on mani­feste, on ren­contre des per­sonnes incroyables à qui il est arri­vé des choses ter­ribles, mais on ne nous écoute pas, on ne nous écoute jamais. J’aimerais qu’il y ait une prise de conscience géné­rale, mon­trer que ça va plus loin qu’une mani­fes­ta­tion, que des petites pan­cartes qu’on bran­dit. Que tout le monde se réveille un peu. »

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Anne-​Claire Boux © L.H.

Anne-​Claire Boux, élue éco­lo­giste à la Mairie de Paris : « C’est tou­jours les mêmes sché­mas. Il y a la res­pon­sa­bi­li­té des par­tis, et celle des élus. Il faut qu’à l’intérieur des ins­ti­tu­tions, on crée des com­mis­sions de déon­to­lo­gie sur ces sujets-​là puisqu'il faut faire une dif­fé­rence entre la jus­tice et l’éthique. C’est à la jus­tice de condam­ner, sauf que quand on a une posi­tion de pou­voir, on doit mettre en place un prin­cipe de pré­cau­tion, tant que la jus­tice n’a pas ren­du son ver­dict. Ce prin­cipe de pré­cau­tion devrait être appli­qué dans les par­tis pour les inves­ti­tures, comme dans les exécutifs. » 

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Sarah © L.H.

Sarah, 43 ans, méde­cin hos­pi­ta­lier et can­cé­ro­logue, mili­tante EELV : « Je n’attendais pas grand-​chose de ce gou­ver­ne­ment, mais je suis quand même extrê­me­ment déçue. J’ai l’impression d’être très impuis­sante, mais on a atteint le point de bas­cule. Même si ces hommes accu­sés ne sont pas condam­nés, il y a une dénon­cia­tion publique, et ça c’est génial. Ça envoie le mes­sage que l’impunité n'est pas totale et peut-​être que ça pré­vient cer­tains crimes. Les com­por­te­ments pro­blé­ma­tiques et le sexisme se voient de façon insi­dieuse dans mon métier. On est 70% de femmes à l’hôpital, mais plus on monte en grade, moins les femmes sont pré­sentes. J’ai l’impression qu’être une femme me confère une perte de chance dans toutes les sphères de ma vie. » 

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