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©Mélodie Descoubes

Procès Heard/​Depp : la condam­na­tion de #MeToo ?

Édito. Mercredi, la longue bataille juri­dique et média­tique entre Amber Heard et Johnny Depp s’est sol­dée par deux condam­na­tions. Les ex-​époux qui pour­sui­vaient chacun·e l’autre pour dif­fa­ma­tion ont été reconnu·es cou­pables des faits repro­chés. Amber Heard devra ver­ser 15 mil­lions d’euros de dom­mages et inté­rêts à Johnny Depp pour avoir accu­sé – sans le nom­mer – ce der­nier de vio­lences conju­gales dans une tri­bune publiée en 2018 par le Washington Post. De son côté, l’acteur est condam­né à ver­ser 2 mil­lions d’euros à son ex-conjointe.

Mais il se pour­rait que le feuille­ton judi­ciaire qui a pas­sion­né l’Amérique – et bien au-​delà – pen­dant six semaines se soit conclu par une troi­sième condam­na­tion. Celle de #MeToo. Chaque vague fémi­niste s’est sol­dée par un retour de bâton, un back­lash comme on dit. Chaque avan­cée du droit des femmes a été sui­vie dans l’Histoire d’une offen­sive réac­tion­naire, comme le démon­trait en 1991 la fémi­niste amé­ri­caine Susan Faludi dans son essai Backlash. Il suf­fit de regar­der le retour en arrière qu’opère en ce moment les États-​Unis sur le droit à l’avortement pour le croire. 

Le pro­cès Heard-​Depp est un par­fait et criant exemple d’une mise en abîme sexiste. Les débats étaient retrans­mis en direct sur Cour TV, une chaîne spé­cia­li­sée dans les domaines de police-​justice, ambiance cour de jus­tice et New York, uni­té spé­ciale. Voyeurisme en plus, morale en moins. Pendant six semaines, le public, ral­lié majo­ri­tai­re­ment à la cause de Depp, a scru­té les moindres faits et gestes d’Amber Heard pour dis­cré­di­ter sa parole. Chaque par­celle de l’argumentaire d’Amber Heard a été pas­sée au peigne fin. La marque de maquillage qu’elle a uti­li­sée pour camou­fler ses héma­tomes, les détails sca­breux de leur vie sexuelle en pas­sant par l’attitude et la tenue de l’actrice pen­dant le pro­cès. Sur les réseaux, le hash­tag #JusticeForJohnnyDepp a même atteint des som­mets de miso­gy­nie. Heard serait la men­teuse, Depp la vic­time. Certain·es allant même jusqu’à sou­hai­ter la mort d’Amber Heard, la jugeant res­pon­sable de la mise au ban de l’acteur par Disney et la Warner

Est-​il donc l’heure du retour de bâton pour #MeToo ? Si Heard et Depp ont tous deux étés jugés res­pon­sables par la jus­tice amé­ri­caine, il est clair que pour l’opinion publique, Heard est de loin la plus fau­tive. Cela fait cinq ans que chaque vague #MeToo entraîne une libé­ra­tion mas­sive de la parole des femmes vic­times de vio­lences. Cela fait cinq ans que les fémi­nistes s’évertuent sans relâche à entre­prendre un chan­ge­ment cultu­rel et socié­tal sur la prise en compte de cette parole. Voilà donc que s’opère un gros revers pour le mou­ve­ment : l’issue média­tique de ce pro­cès et sa sym­bo­lique pour­raient non seule­ment dis­sua­der cer­taines vic­times de vio­lences conju­gales de témoi­gner, mais c’est aus­si une claque à toutes les actrices, chan­teuses, jour­na­listes qui ont un jour été trai­tées de men­teuses parce qu’elles dénon­çaient un homme puis­sant et recon­nu. À cette liste s’ajoute main­te­nant le nom d’Amber Heard. 

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