KST 0621 0002 A
Dans la chambre de Kazimierz (60 ans), à Niedrzwica Duza. © Kasia Strek/panos pictures pour Causette

Pologne : sur­vivre en zones anti-lgbt

Depuis 2019, encou­ra­gées par le par­ti conser­va­teur au pou­voir, une cen­taine
de com­munes du sud-​est de la Pologne se sont pro­cla­mées « zones sans idéo­lo­gie LGBT ». Les per­sonnes LGBT qui y vivent subissent har­cè­le­ments, agres­sions, menaces de mort. Et sont sou­vent contraintes à l’exil. Causette s’est ren­due sur place pour entendre leur voix et ren­con­trer celles et ceux qui les sou­tiennent ou les persécutent.

Il n’a jamais fait bon être une per­sonne LGBT dans la très catho­lique Pologne. Mais, depuis deux ans, leur vie a viré au cau­che­mar. En 2019, face à la mon­tée d’actes homo­phobes et trans­phobes, le maire de Varsovie et un des chefs de l’opposition, Rafal Trzaskowski, signe un texte pro­té­geant les per­sonnes LGBT. Une pro­vo­ca­tion pour de très nom­breux élu·es de la région située au sud-​est de Varsovie, à envi­ron deux heures de route, autour du chef-​lieu, Lublin. Une zone occu­pant un tiers du pays. Nous sommes le long de la fron­tière ukrai­nienne, là où les men­ta­li­tés sont les plus conservatrices. 

KST 0521 9645 A 1


Andrej Kuszyk est de ceux qui pensent que l’idéologie LGBT vient
du com­mu­nisme. © Kasia Strek/​panos pic­tures pour Causette

En réponse, une cen­taine de maires de cette région signent donc un autre texte, sans valeur juri­dique aux yeux de la jus­tice inter­na­tio­nale ou de l’Union euro­péenne, mais néan­moins bien réel : une charte pro­cla­mant leurs com­munes « zones sans idéo­lo­gie LGBT ». L’idée vient du pré­sident de la République, Andrzej Duda, qui vise alors un deuxième man­dat (il sera réélu en 2020). Lui-​même publie une charte de la famille qui com­prend des enga­ge­ments pour « inter­dire la pro­pa­ga­tion de l’idéologie LGBT dans les ins­ti­tu­tions publiques » et s’oppose au mariage de per­sonnes de même sexe et à l’adoption par celles-ci. 

“Néo-​bolchevisme”

Le dis­cours des par­ti­sans des « No LGBT zones » est le sui­vant : les per­sonnes LGBT prônent une idéo­lo­gie rele­vant d’un « néo-​bolchevisme ». Elles veulent sexua­li­ser les enfants, quand il ne s’agit pas de les vio­ler. Dans un mee­ting élec­to­ral, Andrzej Duda déclare que « les enfants doivent être pro­té­gés des agres­sions sexuelles et des adop­tions par des couples du même sexe ». Début mars, Clément Beaune, le secré­taire d’État fran­çais char­gé des Affaires euro­péennes, a vou­lu visi­ter une de ces zones « anti-​LGBT » pour pro­tes­ter contre leur sec­ta­risme. Mais les auto­ri­tés polo­naises l’ont contraint à faire marche arrière. Clément Beaune a par­lé de « scan­dale abso­lu » et pro­mis de reve­nir. Entre-​temps, Causette a fait le déplacement. 

Pulawy est une com­mune de 47 000 habi­tants sans grand charme, à une heure trente au sud-​est de Varsovie. À vol d’oiseau, l’Ukraine est à 50 kilo­mètres. Le maire de la com­mune a signé la charte anti-​LGBT. Assis dans un café devant un thé brû­lant, Andrej Kuszyk, l’un des conseillers muni­ci­paux, énonce sa détes­ta­tion du « mul­ti­cul­tu­ra­lisme qui vient de l’Ouest, avec cette idéo­lo­gie qui met en péril la socié­té polo­naise. On a dépas­sé les limites de l’acceptable. Les droits des mino­ri­tés sont supé­rieurs à ceux de la majo­ri­té ». Lui aus­si assure que l’idéologie LGBT vient du com­mu­nisme. « Le com­mu­nisme revient sous la forme d’un arc-​en-​ciel. » Trop malin pour cela, il ne pro­non­ce­ra aucune insulte à l’encontre des per­sonnes homo­sexuelles. Ajoutant même : « Je m’en fous de qui couche avec qui, ça ne me regarde pas. » Mais der­rière le mariage entre per­sonnes du même sexe, il voit poindre des risques de sexua­li­sa­tion des enfants et de pédo­phi­lie. Et d’ajouter : « Je ne suis pas homo­phobe, mais je m’interroge : quand une per­sonne se prend pour Napoléon, on l’interne à l’hôpital psy­chia­trique, mais quand un homme dit qu’il est une femme, on le laisse tran­quille ? » Charmant. 

« On a dépas­sé les limites de l’acceptable. Les droits des mino­ri­tés sont supé­rieurs à ceux de la majorité »[…]

Vous êtes arrivé.e à la fin de la page, c’est que Causette vous passionne !

Aidez nous à accom­pa­gner les com­bats qui vous animent, en fai­sant un don pour que nous conti­nuions une presse libre et indépendante.

Faites un don

La suite est réservée aux abonné·es.

identifiez-vous pour lire le contenu

ou

abonnez-vous

 

Partager
Articles liés
LH BIKERNI 032019 050

Inde : l'échappée belle des Bikerni

Chaque week-end, les membres du premier club indien de motocyclisme féminin sillonnent, sur des deux-roues mythiques, les routes du pays. Ces motardes revendiquent leur droit à l’aventure et à l’autonomie. Un défi dans une société patriarcale.