Les trois hommes condamnés en première instance à des peines légères – allant jusqu’à deux ans de prison ferme – ont écopé en appel, vendredi 14 avril, à vingt ans de prison ferme pour le principal accusé et dix ans pour les deux autres.
En première instance, la clémence de la justice avait indigné l’opinion marocaine. Vendredi 14 avril, la cour d’appel de Rabat a alourdi les peines des trois hommes accusés de viols à répétition sur une fillette. L’un des accusés a été condamné à vingt ans de prison ferme, les deux autres à dix ans de réclusion ferme chacun. Leur condamnation fin mars à des peines plus légères – allant jusqu’à deux ans de prison ferme –avait suscité l’indignation, ce qui avait poussé le ministère public à faire appel.
« Nous sommes satisfaits du verdict qui a rendu justice à la victime, ceci dit nous n’avons pas compris pourquoi deux accusés ont écopé de 10 ans chacun seulement », a réagi l’avocat de la famille de la victime, Abdelfattah Zahrach, auprès de l’Agence France Presse (AFP), rapporte franceinfo. Comme en première instance, les trois hommes étaient poursuivis pour « détournement de mineure » et « attentat à la pudeur sur mineure avec violence ». Selon le Code pénal marocain, ils encouraient jusqu’à trente ans de prison ferme. Le procureur du roi avait d’ailleurs requis cette peine à l’encontre des accusés qui ont nié en bloc les accusations devant la cour. La partie civile avait demandé au début de l’audience jeudi que le « viol » soit ajouté aux chefs d’accusations. Une requête rejetée par le juge.
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Pourvoi en cassation
L’avocat de la famille envisage désormais le pourvoi en cassation. « Nous allons nous pourvoir en cassation après consultation avec la famille de la victime, car nous ne comprenons pas pourquoi les deux accusés n’ont été condamnés qu’a 10 ans de prison alors qu’ils méritent tous une lourde peine compte tenu de la monstruosité des actes commis », a précisé Abdelfattah Zahrach auprès de l'AFP, rapporte la chaîne de télévision Africanews.
Sanaa, onze ans au moment des faits, a « subi des viols à répétition sous la menace » pendant des mois en 2021, par trois voisins de sa ville de Tiflet, située au nord-ouest du Maroc entre Rabat et Meknès. Les trois hommes l’ont menacée de tuer sa famille si elle parlait. C’est la grossesse de Sanaa, dont elle s’est rendu compte presque au terme, engendrée par les multiples viols, qui a mis un terme aux violences sexuelles, a déclenché les poursuites en justice et a permis l’arrestation des hommes. Quinze jours après, Sanaa accouchait d’un petit garçon. Le principal violeur et géniteur de l’enfant a été identifié par des analyses ADN.
La fillette a depuis été prise en charge par l’Institut national de solidarité avec les femmes en détresse (Insaf). « Sanaa recommence à sourire peu à peu mais elle reste choquée », a déclaré à l’AFP la secrétaire générale de l’Insaf après le procès en appel, rapporte Le Monde. Aidée financièrement par l’Insaf, elle a commencé une formation de coiffeuse à Rabat.
L'espoir d'une jurisprudence
Le verdict en première instance avait provoqué une vague de colère et d’écœurement chez les associations marocaines de défense des droits humains. Ces dernières ont donc vécu les peines prononcées en appel comme un soulagement. « C’est une grande avancée par rapport à la décision de première instance. Le message est quand même passé pour dire qu’au Maroc, on ne viole pas des petites filles marocaines dans l’impunité », a observé Ghizlane Mamouni, présidente de l’association féministe marocaine Kif Mama Kif Baba qui lutte contre les inégalités de genre, auprès de RFI.
Les associations espèrent désormais que cette affaire fera jurisprudence dans un pays où les auteur·trices de violences faites aux femmes et aux filles bénéficient souvent d’une justice clémente. Le Monde rappelle ainsi que, selon une étude publiée en 2020 par le collectif marocain Masaktach qui dénonce les violences faites aux femmes, 80 % des prévenus condamnés pour viol (sur la base de 1 169 procès) ont écopé de peines inférieures à celles prévues par le Code pénal marocain. « On espère que cette affaire sera un exemple pour d’autres procès et j’espère que les magistrats prendront en considération les douleurs et la souffrance des victimes », a affirmé Amina Khalid, secrétaire générale de l’Insaf à RFI.