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La Cour suprême des États-Unis. ©Mark Thomas

Le Missouri est le pre­mier État amé­ri­cain à inter­dire l'avortement après la déci­sion de la Cour suprême

La Cour suprême des États-​Unis est reve­nue, ven­dre­di 24 juin, sur l’arrêt his­to­rique Roe vs Wade, qui recon­naît depuis près d’un demi-​siècle le droit à l’avortement. Désormais chaque État amé­ri­cain sera libre d'autoriser, de res­treindre ou d’interdire l’IVG. 

L’Amérique vient de faire un bond dans le pas­sé. Retour quarante-​neuf ans en arrière. La Cour suprême – à majo­ri­té ultra-​conservatrice (six juges sur neufs) – vient d’officialiser, ce 24 juin, sa déci­sion d’annuler l’arrêt emblé­ma­tique Roe v. Wade, qui garan­tis­sait depuis 1973, un droit consti­tu­tion­nel d’accès à l’avortement pour les Américaines. Le texte consti­tu­tion­nel per­met­tait à toutes les femmes d’avorter jusqu’au stade dit de « via­bi­li­té » du fœtus : soit autour de vingt-​deux semaines de grossesse.

Dans la fou­lée, le Missouri est deve­nu le pre­mier à inter­dire com­plè­te­ment l’IVG, a annon­cé son ministre de la jus­tice, Éric Schmitt. « C’est un jour monu­men­tal pour le carac­tère sacré de la vie », a‑t-​il décla­ré sur Twitter. Le Missouri sera cer­tai­ne­ment le pre­mier d’une longue série. Au total, treize États amé­ri­cains conser­va­teurs avaient adop­té ce qu’on appelle des « trig­ger laws », des lois « de déclen­che­ment » conçues pour entrer en vigueur et inter­dire l’IVG dès le déman­tè­le­ment de l’arrêt Roe v. Wade. Au Kentucky, en Louisiane et dans le Dakota du Sud, l’effet a été immé­diat : à la seconde ou la Cour suprême a ren­du son arrêt, l’avortement est deve­nu un crime.

Dans les dix autres États – l’Idaho, le Tennessee, le Texas, l’Arkansas, le Mississippi, le Dakota du Nord, l’Oklahoma, l’Utah et le Wyoming, les lois s’appliqueront après un délai de trente jours ou une simple vali­da­tion du pro­cu­reur géné­ral ou du gou­ver­neur, comme vient de le faire celui du Missouri. D’autres comme le Michigan, l’Arizona, la Virginie-​Occidentale ou le Wisconsin, qui dis­posent de lois anti-​IVG anté­rieures à Roe v. Wade, viennent de les voir sou­dai­ne­ment exhu­mées suite à l’annulation de l’arrêt. À ceux-​là s'ajoutent une dou­zaine d’autres États qui devraient suivre avec une inter­dic­tion pure et simple, ou un délai légal réduit à six ou huit semaines. Au total, l’avortement est sérieu­se­ment mena­cé – voire bien­tôt illé­gal – dans plus de la moi­tié des États du pays. 

« Il est déjà arri­vé que la Cour suprême change sa juris­pru­dence mais pour ins­tau­rer ou res­tau­rer un droit, jamais pour le sup­pri­mer », a décla­ré le pro­fes­seur de droit de la san­té Lawrence Gostin auprès de l'AFP. Un revi­re­ment his­to­rique donc de plus d’un demi-​siècle qui, s’il était atten­du depuis plu­sieurs semaines avec la révé­la­tion début mai du brouillon de déci­sion du juge de la Cour suprême Samuel Alito, n’en appa­raît pas moins dra­ma­tique pour les femmes et les filles du pays. L’avortement n’est pas deve­nu illé­gal dans l’ensemble du pays mais, faute d’inscription dans la loi fédé­rale, désor­mais, chaque État amé­ri­cain sera libre d’autoriser, de res­treindre ou d’interdire l’IVG, comme c’était le cas jusqu’en 1973.

Un mince espoir exis­tait encore avec le vote mi-​mai au Sénat du Women Health Protection Act (WHPA), qui devait per­mettre d’inscrire le droit à l’IVG dans la loi ren­for­çant le texte consti­tu­tion­nel. Un espoir vite dou­ché : la majo­ri­té conser­va­trice du Sénat a voté non et les der­nières digues ont sauté.

Lire aus­si I Droit à l’IVG aux États-​Unis : les ultimes recours

Conséquence de cette déci­sion his­to­rique : dans cer­taines villes du Sud du pays, les femmes sou­hai­tant inter­rompre leur gros­sesse devront par­cou­rir plus de 1000 km pour se rendre dans la cli­nique d’un État voi­sin. Les femmes pauvres du pays auront donc plus de dif­fi­cul­tés que les autres à accé­der à l'IVG. « Vous res­sen­tez sans doute beau­coup d’émotions – de la dou­leur, de la colère, de la confu­sion. C’est nor­mal. Nous sommes avec vous et nous n’arrêterons jamais de nous battre pour vous », a pro­mis la prin­ci­pale orga­ni­sa­tion de plan­ning fami­lial amé­ri­caine. La menace qui pla­nait sur le droit à l'avortement depuis des semaines avait moti­vé de nombreu·ses Américain·es, majo­ri­tai­re­ment des femmes de tous les âges, à se mobi­li­ser dans les rues du pays. Ce ven­dre­di, dès l'annonce de la déci­sion, des manifestant·es ont afflué par cen­taines vers Washington. « La bataille est urgente mais pas ter­mi­née », a rap­pe­lé la maire de Washington, Muriel Bowser. Le pré­sident des États-​Unis, Joe Biden, qui avait déjà pro­mis d’agir par décret pour pro­té­ger l’accès à l’IVG, a fait savoir qu'il s'exprimera dans la soirée. 

Lire aus­si I Menaces sur le droit à l'avortement : vagues de mani­fes­ta­tions à tra­vers les États-Unis

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