La journaliste Marina Ovsiannikova, célèbre pour avoir interrompu le journal d’une chaîne nationale russe avec une affiche contre l’offensive en Ukraine, a été accusée de discréditer l’armée russe et devra donc payer une amende de 800€. Une condamnation légère qui en interroge certain·es.
Pour la deuxième fois en l’espace de deux mois, Marina Ovsiannikova, la fameuse journaliste russe qui avait surgi sur le plateau d’une chaîne pro-Kremlin en brandissant une pancarte pour dénoncer la guerre en Ukraine, a été condamnée à une amende symbolique de 50 000 roubles, soit 800€, ce jeudi 28 juillet. Elle s’exposait pourtant à quinze ans d’emprisonnement.
Un tribunal à Moscou a établi cette peine pour cause de « discréditation » des forces armées russes, une infraction créée par le gouvernement de Vladimir Poutine au début du mois de mars pour réprimer les critiques et l’opposition. Comme le rapporte l’AFP et Le Monde, sa prise de parole le 13 juillet dernier, lors du procès d’un opposant politique, Ilia Iachine, était dans le viseur de la justice. Elle s’était déplacée pour exprimer son soutien au député, arrêté pour « diffusion de fausses informations » sur l'armée et condamnée à deux mois de détention provisoire.
A cette occasion, la journaliste de 44 ans avait qualifié l’opération en Ukraine de « crime » auprès des journalistes, ce qui lui a été reproché lors de son propre procès. Quatre jours plus tard, le 17 juillet, Marina Ovsiannikova avait été brièvement interpellée, puis relâchée dans la journée, mais elle risquait bien une amende « équivalente à 600–900 dollars », comme l’avait souligné son avocat à France Info.
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Des accusations « absurdes »
A la sortie de l’audience, ce jeudi 28 juillet, Marina Ovsiannikova a déclaré que « toutes ces accusations étaient absurdes » et que ce procès avait « été organisé pour [lui] faire peur, pour agir contre ceux qui sont contre cette guerre », raconte Libération. Elle a également dénoncé les chiffres officiels pour soutenir ses propos : « Les sondages qu’on nous montre disent que 80 % de la population soutient Poutine et soutient l’opération spéciale. C’est évidemment faux. Qui ose dire à Moscou qu’il ne soutient pas l’opération spéciale ? »
Marina Ovsiannikova est loin d’en être à sa première action anti-guerre. Mi-mars, la journaliste devenait mondialement connue pour avoir brandi une pancarte critiquant l’offensive russe en Ukraine en plein JT sur Pervy Kanal, une chaîne de télévision pro-Poutine pour laquelle elle travaillait. Un acte qui lui avait valu 30 000 roubles (243 euros) d’amende à l’époque.
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Le 15 juillet, elle publiait également sur Telegram une vidéo d’elle exposant une nouvelle pancarte devant le Kremlin avec l’inscription : « Poutine est un assassin. Ses soldats sont des fascistes. 352 enfants sont morts. Combien d’enfants doivent encore mourir pour y mettre fin ? » Pour ces faits précis, aucune poursuite n’a pour l’heure été engagée, mais « cela pourrait arriver bientôt », redoutait le jour même son avocat. Ces actes pourraient être passibles d'une lourde peine d'emprisonnement.
Ancienne propagandiste chez Pervy Kanal
Marina Ovsiannikova ne fait pas l’unanimité au sein de l’opposition russe. Il convient de souligner que la journaliste a fait partie de la chaîne télévisée Pervy Kanal, porte-voix du Kremlin, pendant une vingtaine d’années, sans la moindre velléité d’opposition pour le gouvernement russe, ce que lui reproche justement ses détracteur·rices.
La journaliste racontait le lundi 14 mars, le jour de sa toute première action, avoir publié une vidéo sur Telegram pour exprimer sa « honte » d’avoir « permis que des mensonges soient diffusés à la télévision et que le peuple russe soit “zombifié” ». Depuis, elle travaillait pour le média allemand Die Welt, avant de revenir au mois de juillet en Russie pour régler un contentieux lié à la garde de ses enfants. Durant ces mois hors de son pays natal, elle a réalisé des reportages en Ukraine, où la journaliste a fait face à une population, à juste titre, méfiante. Sur place, une consoeur ukrainienne, Olga Tokariuk, a notamment pointé du doigt des reportages « manipulateurs, incorrects et condescendants ».
En Ukraine notamment, beaucoup s'étonnent de la légèreté de ses peines, des amendes à 250 et 800€. De maigres condamnations qui font douter du véritable divorce de Marina Ovsiannikova avec le Kremlin. Certain·es soupçonnent une tromperie et laissent même entendre que ses actes anti-guerre pourraient être téléguidés par Moscou, pour faire croire que la liberté d’expression subsiste encore dans le pays.