Trois mois après la mort de la jeune Kurde iranienne, les manifestations se poursuivent aux quatre coins du pays malgré une répression de plus en plus forte. Onze personnes se trouvent actuellement dans le couloir de la mort.
Si le soulèvement a démarré mi-septembre suite à l’arrestation de Mahsa Amini pour port du voile non-conforme, il a depuis dépassé la simple revendication vestimentaire. C’est aujourd’hui vers une contestation globale de la République islamique que se dirige le mouvement. En témoignent les nouvelles manifestations qui ont éclaté ce vendredi 16 décembre dans le Sud-Est de l’Iran où des dizaines de personnes sont descendues dans la rue en scandant « Mort au dictateur », en allusion au guide suprême de la République islamique, l’ayatollah Ali Khamenei. Une manifestation à l’image de la révolution qui secoue l’Iran depuis trois mois, jour pour jour.
Le 16 septembre dernier, la jeune Mahsa Amini, mourrait en détention, trois jours après avoir été arrêtée par la police des mœurs. Cette jeune Kurde de 22 ans avait été arrêtée pour quelques mèches de cheveux qui dépassaient de son voile et qui constituait une infraction au strict code vestimentaire imposé aux Iraniennes. Selon des militant·es et sa famille, Mahsa Amini aurait succombé après avoir été battue par des membres de la police, mais les autorités ont lié son décès à des problèmes de santé, démentis par ses parents.
Depuis, un vent de révolte, de révolution même, souffle sur l'Iran. Des centaines de femmes et d'hommes multiplient, aux quatre coins du pays, les gestes de défi vis-à-vis du régime des mollahs, notamment en manifestant dans la rue, en faisant grève dans les usines, en brûlant leur hijab ou en se coupant publiquement les cheveux pour les femmes. Et ce, malgré une répression du régime de plus en plus forte.
Exécutions
Pourtant, le 3 décembre, les autorités iraniennes avaient annoncé, sans apporter plus de précision, l’abolition de la police des mœurs. Si la déclaration a d'abord été perçue comme un recul du régime face aux manifestations, les spécialistes de l'Iran ont appelé à la prudence, y voyant plutôt une tentative de diversion de la part du pouvoir à la veille d'un appel à une nouvelle grève nationale de trois jours. D’autant que l’information n’a à ce jour pas été corroborée par d’autres membres du régime et les modalités de sa suppression n’ont toujours pas été explicitées.
Au contraire, la répression a franchi un nouveau cap. Le 8 décembre à l’aube, un manifestant de 23 ans, Mohsen Shekari, a été pendu dans une prison de Téhéran, après un simulacre de procès. Accusé d’avoir poignardé et blessé un paramilitaire, il est le premier condamné exécuté depuis le début du mouvement de contestation. Quatre jours plus tard, les autorités judiciaires annonçaient une deuxième exécution. Majid Reza Rahnavard, 23 ans également, est pendu à l'aube, 23 jours seulement après son arrestation. D'après les médias officiels, il était accusé d'avoir tué à l'arme blanche deux membres des forces de sécurité et d'avoir blessé quatre autres personnes.
485 personnes tuées par la police du régime
Dans ce pays, classé par Amnesty International comme l’un des États exécutant le plus de prisonnier·ières dans le monde, onze personnes se trouvent actuellement dans le couloir de la mort en lien avec les manifestations, selon un décompte effectué par l’ONG. D’après des informations du journal Le Monde, dans les prochains jours, les tribunaux révolutionnaires devraient d'ailleurs juger au moins trente-sept personnes, dont quatre enfants, pour des accusations pouvant entraîner la peine de mort.
La répression des protestations en Iran a fait au moins 458 mort·es, selon le dernier bilan établi par l’ONG Iran Human Rights. Parmi eux·elles, 63 enfants et 29 femmes. Selon la même source, plus de 18 000 personnes ont été arrêtées, dont des centaines d’enfants de moins 18 ans. Le 7 décembre, le magazine américain Time a désigné les manifestantes iraniennes comme « héroïnes de l'année » à sa Une.
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