Génocide rwan­dais : Clemantine Wamariya, une leçon de (sur)vie

Sur ordre de ses parents, elle prend, à 6 ans, la route de l’exil avec sa grande sœur pour échap­per au géno­cide rwan­dais. À 31 ans, Clemantine Wamariya vit aujourd’hui à San Francisco et cap­tive l’attention mon­diale avec le récit de sa rési­lience, La Fille au sou­rire de perles.

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© J. ZAVE 

Elle a l’aisance d’une Américaine extra­ver­tie et presque désta­bi­li­sante par tant de cama­ra­de­rie. On ne pour­rait pas soup­çon­ner ce qu’elle a vécu. Dans La Fille au sou­rire de perles, livre écrit avec Elizabeth Weil, jour­na­liste au New York Times, au suc­cès reten­tis­sant, les cou­leurs se sub­sti­tuent sou­vent aux rémi­nis­cences des sen­ti­ments. Le « bleu » pour la peur, le « vert » pour la ter­reur. « Lorsque j’ai tout per­du, j’ai réa­li­sé qu’il me res­tait mes cinq sens, et je les ai sur­ex­ploi­tés », dit-​elle à Causette, lors de sa venue à Paris pour la sor­tie du livre en fran­çais. C’est la méthode de sur­vie trou­vée par cette enfant qui avait 6 ans quand ses parents ont déci­dé, en 1994, de la pro­té­ger du géno­cide en la fai­sant fuir avec Claire, sa sœur de dix ans son aînée. Le périple dure­ra six ans : Burundi, Zaïre, Tanzanie, Malawi, Mozambique, Afrique du Sud… À chaque fois, elles se démènent pour quit­ter les camps de réfu­giés ou les bidon­villes lorsque Claire pressent qu’il faut fuir pour survivre.

Six ans d’errance

Leur vul­né­ra­bi­li­té n’a d’égale que l’immense débrouillar­dise de l’aînée pour inven­ter d’incroyables com­bines per­met­tant de gagner trois francs six sous au milieu du chaos. Mais aus­si, en se pla­çant sous la coupe d’un huma­ni­taire zaï­rois qui pro­met à Claire de les faire sor­tir d’un camp au Burundi. Seule façon d’y par­ve­nir : que Claire se marie. C’est cette union, très peu choi­sie, qui amorce la rup­ture du des­tin entre les deux sœurs. Lorsque, après ces six années d’errance, Clemantine, Claire, son mari et leurs deux enfants trouvent enfin refuge aux États-​Unis, Claire n’a déjà plus la vie devant elle. Son mari la vio­lente, et elle fait des ménages dans Chicago pour faire tour­ner le foyer.

Tandis que Clemantine, 12 ans, est accueillie dans une famille amé­ri­caine et… va conqué­rir la pres­ti­gieuse uni­ver­si­té de Yale. Grâce à la por­tée de La Fille au sou­rire de perles (par­mi les best­sel­lers du New York Times en mai 2018), la rési­liente Clemantine peut prendre le temps pour ses pro­jets depuis sa ville de San Francisco. Elle a mon­té un réseau pro­fes­sion­nel pour connec­ter étu­diants et entre­prises. Mais sur­tout, elle voyage à tra­vers le monde pour don­ner des confé­rences et mul­ti­plie les ren­contres : récem­ment, Zainab Salbi, la fon­da­trice ira­kienne de l’ONG de micro­cré­dit Women for Women International ; Steven, un Mexicain qui s’est lan­cé dans une quête d’apprentissage pour être un bon père ; ou encore Misha, une jeune femme de Bali qui fait dans la « thé­ra­pie par la cou­leur ». « Mon job actuel, c’est d’être une “écouteuse”.Je sou­haite m’engager pour aider les gens à aller mieux, mais je dois d’abord prendre le temps d’écouter leurs besoins pour apprendre d’eux. Les bonnes volon­tés mal émises peuvent pro­vo­quer des ravages. Je l’ai obser­vé par­fois de la part de “sau­veurs blancs” qui viennent por­ter secours avec une men­ta­li­té de colon. »

Dans son livre comme dans la vie, Wamariya évoque sou­vent avec emphase telle poé­tesse ou telle femme en lutte. « Je suis per­sua­dée que la clé d’un monde meilleur pas­se­ra par les femmes qui prennent soin les unes des autres, se sou­tiennent et diront aux hommes : voi­là com­ment je contre ta violence. »

La Fille au sou­rire de perles, de Clemantine Wamariya et Elizabeth Weil, tra­duit de l’américain par Julie Groleau. Éd. Les Escales, 312 pages, 20,90 euros.

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