Depuis la prise de Kaboul en août 2021, Angela Ghayour, enseignante exilée au Royaume-Uni, a créé un réseau de cours en ligne pour les jeunes filles afghanes.
« Lorsque les talibans ont repris le pouvoir en Afghanistan, je suivais les nouvelles en direct sur les réseaux sociaux, j’étais en état de choc », raconte Angela Ghayour, d’une voix qui se brise. Enseignante de littérature persane, cette Afghane de 37 ans avait dû fuir son pays en 2010 après des menaces de mort des talibans et l’assassinat de cinq de ses collègues.
Désormais installée au Royaume-Uni, elle assiste avec sidération, comme le reste du monde, à la prise éclair de Kaboul par le mouvement fondamentaliste en août 2021. « Après une nuit de désespoir, je me suis dit qu’il fallait résister. Ma seule arme, c’était l’éducation. Alors j’ai envoyé un message sur Instagram en disant : “Je peux enseigner, ceux qui peuvent donner des cours en ligne, rejoignez-moi.” J’ai reçu des centaines de messages dans la journée, des enseignants du monde entier qui proposaient d’aider. »
Face à l’afflux de soutiens, Angela entreprend alors d’organiser un vaste réseau pour dispenser des cours aux jeunes filles, interdites d’enseignement secondaire par les talibans. Ce sera sur Telegram, une application cryptée qui permet de communiquer discrètement. L’école en ligne, baptisée Herat Online School, a pour slogan « Le stylo au lieu du fusil » et compte désormais près de 1 700 élèves. Elle est animée par 400 professeur·es, tous bénévoles, et propose une soixantaine de matières, langues, informatique, sciences… mais aussi art et musique, dont la pratique n’est plus autorisée dans le pays.
« Les interdits se sont mis à pleuvoir et nos élèves avaient perdu tout espoir, raconte Angela. Il a fallu les remotiver pour qu’elles poursuivent leurs études. » L’enseignante y consacre ses jours et ses nuits bénévolement, « j’ai même perdu mon travail à cause de cet engagement, mais la seule chose qui compte pour moi, c’est de voir le sourire de nos élèves ».
La perspective que les écoles rouvrent pour les jeunes filles reste incertaine. Les talibans ont invoqué l’absence d’un « environnement sûr » et la nécessité d’une refonte des programmes scolaires dans leur ligne idéologique. Un endoctrinement que redoute Angela : « L’accès à une véritable éducation est un enjeu majeur pour l’avenir du pays, car il s’agit aussi de permettre à la nouvelle génération d’avoir un esprit critique et de ne pas se laisser embrigader. » En attendant, elle y travaille indirectement.
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