Saisie en urgence la semaine dernière par l’administration de Joe Biden, la Cour Suprême des États-Unis a décidé mercredi de repousser de deux jours sa décision concernant l’accès à la pilule abortive sur le territoire américain, prolongeant ainsi son utilisation.
Alors que, mercredi 19 avril, la Cour Suprême des États-Unis devait se prononcer sur le sort de la pilule abortive dans le pays, elle a décidé de prolonger de deux jours sa réflexion, allongeant temporairement l’accès à la mifépristone. En combinaison avec un autre médicament, la mifépristone est utilisée pour plus de la moitié des IVG aux Etats-Unis. Plus de cinq millions d’Américaines l’ont déjà prise depuis son autorisation par l’Agence américaine des médicaments (FDA) il y a plus de 20 ans, précise Libération. Et d'après le quotidien, le juge de la Cour Suprême Samuel Alito a fait savoir dans un texte concis que la suspension par la haute cour concernant la décision d’une instance inférieure, sur la pilule, était prolongée de quarante-huit heures, soit jusqu’à vendredi 21 avril, à « 23 h 59 ».
Ajoutant un nouveau chapitre à cet enchaînement judicaire suivi de près par les défenseur·ses et opposant·es au droit à l'avortement, l'Union américaine pour les libertés civiles (ACLU) a aussitôt réagi, rapporte le quotidien. « La Cour devrait mettre fin une fois pour toutes à cette affaire dangereuse et sans fondement », a précisé l'organisation avant de continuer : « Les personnes ayant besoin d’un avortement ou de traitement pour une fausse couche ne devraient pas rester là à se demander si elles pourront avoir accès aux soins nécessaires ou si la Cour suprême va brusquement leur retirer cette possibilité », a cité Libération.
Cette décision de la Cour Suprême arrive moins d'un an après que la protection constitutionnelle de l'avortement a été annulée. La semaine dernière, l'administration de Joe Biden avait saisi la haute cour conservatrice après que des décisions de justice contradictoires, concernant l'accès sur tout le territoire à la mifépristone, ont été prises.
Une saga judiciaire
La série judiciaire a commencé le 7 avril dernier lorsqu'un juge texan ultraconservateur, Matthew Kacsmaryk, avait ordonné l’annulation de l’autorisation de mise sur le marché de la mifépristone. En dépit du consensus scientifique, il avait estimé que la mifépristone présentait des risques pour la santé des femmes. Matthew Kacsmaryk, nommé par l'ancien président Donald Trump, avait prévu un délai d'une semaine avant que sa décision ne s'applique, afin de laisser le temps au gouvernement fédéral de faire appel. Dans la foulée, l’administration du président démocrate Joe Biden avait demandé à une cour d’appel de la Nouvelle-Orléans d’intervenir pour bloquer l’arrêt « extraordinaire et sans précédent » du juge Matthew Kacsmaryk, « en attendant l’examen de fond » du dossier.
Vendredi dernier, la cour d'appel de La Nouvelle-Orléans avait décidé de maintenir l’autorisation de mise sur le marché de la pilule abortive, avec des règles plus strictes qu'auparavant. Son jugement revenait à interdire l’envoi par la poste de la mifépristone et à retourner à une utilisation limitée à sept semaines de grossesse, au lieu de dix. Le gouvernement fédéral avait alors saisi en catastrophe la Cour suprême. Cette dernière a temporairement maintenu vendredi l’accès à la pilule abortive, en suspendant la décision de la cour d’appel de La Nouvelle-Orléans afin d’avoir plus de temps pour examiner le dossier, détaille Le Monde.
« Se tenir aux côtés du peuple américain ou trahir sa confiance »
Cette première suspension, décidée par la Cour suprême, valait jusqu’à mercredi inclus. Mais mardi, une coalition de médecins anti-avortement a exhorté la Cour suprême de laisser la décision de la cour d’appel en place. La FDA et le laboratoire pharmaceutique Danco, qui fabrique la mifépristone, ont « continuellement fait passer la politique avant la santé des femmes », ont dénoncé ces associations de gynécologues et de pédiatres militant contre l’IVG, indique Libération. « Sans une décision suspensive, la mifépristone va provoquer encore plus de complications physiques, de traumatismes émotionnels, et même de morts chez les femmes », a continué la coalition de médecins, assurant, selon le quotidien, que la mifépristone nuirait aussi « aux plaignants en les forçant à pratiquer des avortements à la carte violant leur conscience ».
La Cour suprême « a face à elle un choix clair : maintenir un fait légal et scientifique ou capituler devant l’extrémisme. Se tenir aux côtés du peuple américain ou trahir sa confiance. Protéger la liberté ou encourager la tyrannie » , a alors lancé ce mercredi à Washington l’élue démocrate Katherine Clark, selon Libération. « Les républicains ont un seul objectif : une interdiction de l’avortement au niveau national. Ils veulent contrôler les femmes dans chaque Etat et dans chaque code postal », avait-elle ajouté d'après le quotidien.
La pilule abortive n’est déjà plus disponible officiellement dans une quinzaine d’Etats américains ayant récemment interdit l’avortement, où des voies détournées pour y avoir recours se sont développées. Ainsi, l’impact de restrictions ou d’une interdiction de cette pilule concernerait en premier lieu les Etats où l’avortement reste légal, pour beaucoup démocrates, explique le quotidien.
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