Les électeur·rices du Kansas ont rejeté par référendum, ce mardi 2 août, la proposition de supprimer le droit à l’avortement inscrit dans la Constitution de cet État du Midwest, à majorité conservatrice. Ce scrutin constituait un enjeu politique considérable, à quatre mois des élections de mi-mandat au Congrès américain.
C’est un rejet retentissant, et une victoire essentielle pour la défense des droits reproductifs aux États-Unis. Les électeur·rices ont tranché : il n’y aura pas de restrictions contre l’accès à l’avortement dans l’État américain du Kansas. Ce mardi 2 août, les habitant·es de cet État traditionnellement conservateur ont largement voté pour conserver leur garantie constitutionnelle sur le droit à l’IVG, un droit inscrit dans la Constitution locale depuis 2019. À la question « les protections autour de l’avortement devraient-elles être retirées de la Constitution de l’État ? », 60% des électeur·rices ont choisi le « non », pour préserver les remparts constitutionnels contre de potentielles législations limitant – ou interdisant – l’avortement. Seulement 40% ont répondu « oui », comme le rapporte le Washington Post, alors que les sondages d'opinion estimaient que la balance pencheraient justement en faveur du retrait des protections pour l'IVG.
Il s’agissait du tout premier vote populaire sur le sujet depuis que la Cour suprême est revenue sur le droit fédéral à l’avortement en juin dernier. Ce scrutin, initié par la majorité Républicaine des élu·es locaux, envoie donc un message décisif sur l'opinion autour de l’accès à l’IVG, et est perçu comme un véritable test politique au niveau national. Surtout, le taux de participation a de loin excédé celui de tous les autres rendez-vous politiques des dernières années au Kansas : 900 000 habitant·es ont fait le déplacement jusqu’aux urnes, selon Associated Press, soit près de deux fois plus que le nombre de votant·es lors des élections des primaires présidentielles de 2018.
Le résultat de ce vote révèle que l’interruption volontaire de grossesse est un enjeu qui mobilise, et qui pourrait directement impacter les taux de participation aux élections de mi-mandat en novembre prochain. « À un moment où la liberté reproductive fait face à des menaces sans précédents dans le pays, les habitants du Kansas ont exprimé haut et fort aux urnes : “on en a assez”, a déclaré Mini Timmaruju, présidente de l’association pro-IVG NARAL Pro-Choice America, dans un communiqué. Au coeur des États-Unis, le besoin de protéger l’accès à l’avortement est en train de galvaniser les électeurs comme nous ne l’avions jamais vu auparavant. »
Un triomphe et du soulagement pour les activistes pro-IVG
« On l’a fait, on l’a fait, je ne peux pas y croire ! », a acclamé Cassie Woolworth, résidente de 57 ans de la ville d’Olathe, au Washington Post. La bénévole fait partie des nombreu·ses activistes pro-choice qui se sont mobilisé·es sans relâche le mois précédent le vote, en toquant aux portes ou en distribuant des milliers de tracts. Hier, Cassie étaient aux côtés de ses collègues bénévoles, dans la salle principale d’un hôtel pleine à craquer, lorsqu’iels ont appris le résultat du référendum : les militant·es ont pleuré de joie, en se serrant dans les bras pour célébrer cette réussite. « Ce vote figure sincèrement comme un jour historique pour le Kansas, et un jour historique pour les États-Unis », a affirmé Rachel Sweet, la directrice de campagne des Kansans for Constitutional Freedom qui militait contre la suppression du droit à l’IVG, sous les applaudissements et les cris de soulagement de la foule.
Pour Morgan Spoor, 19 ans et votante pour la première fois, promouvoir le « droit de choisir » était évident. « Je veux vraiment faire entendre ma voix, surtout en tant que femme. Je ne pense pas que quiconque puisse dire ce qu’une femme peut faire avec son corps », a‑t-elle assuré à l’AFP, relayé par Le Monde. D’autres, comme Chris Ehly, originaire de Prairie Village, se sont aussi prononcé·es contre la modification de la Constitution. Il souhaitait « respecter » sa femme et sa fille, qui sont toutes deux « catégoriques sur la question », a‑t-il indiqué.
Une défaite pour les anti-IVG
Ce scrutin est donc un revers important pour les « pro-life » (anti-avortement), dans un État qui n’a pas voté en faveur d’un·e candidat·e démocrate à la Maison Blanche depuis 1964. La coalition Value Them Both, leadeuse du mouvement anti-avortement au Kansas, a désigné l’issue du vote de « recul temporaire ». « Notre combat dévoué pour mettre en avant les femmes et les bébés est loin d’être fini », a revendiqué le groupe sur leur compte Twitter, en promettant qu’il « reviendra en force ».
Certain·es électeur·rices soutiennent cette vision défendue par Value Them Both, à l’image de Sylvia Brantley, 60 ans, qui a voté « oui » au changement de la Constitution car pour elle, « les bébés comptent aussi ». L'Américaine aurait souhaité voir davantage de réglementations, pour que le Kansas ne devienne pas un endroit « où les bébés sont tués ». Les pro-life ont pourtant tout tenté pour faire pencher la balance en leur faveur. Le Washington Post a souligné qu’un groupe de républicain·es avaient envoyé aux électeur·rices des textos intentionnellement erronés et trompeurs. Selon le média américain, un comité d’action mené par Tim Huelskamp, ancien parlementaire républicain radical du Kansas, aurait payé une entreprise de haute technologie pour diffuser ces messages : « Voter OUI au référendum donnera le choix aux femmes. Votez OUI pour protéger la santé des femmes », alors que voter « oui » aurait en réalité ôter les garanties de protection autour de l'IVG de la Constitution.
Un scrutin hautement politique
Le soutien clair pour les droits à l’avortement au Kansas ne s’étend pourtant pas aux États limitrophes. Les trois millions d’habitant·es de cet État du Midwest sont notamment entouré·es du Missouri et de l’Oklahoma, qui ont imposé des interdictions quasi totales sur l’accès à l’IVG. Dans le Missouri, aucune exception n’est admise même en cas de viol ou d’inceste.
Le nombre d’avortement a augmenté de 13% au Kansas ces deux dernières années, selon les statistiques du Kansas Department of Health and Environment. Une hausse qui a provoqué la colère des pro-life, critiquant la politique menée par la gouverneure de l’État élue en 2018, et surprenamment démocrate, Laura Kelly. Plusieurs de ses détracteur·rices voient cette augmentation de 13% des IVG comme le signe que le Kansas deviendrait un « sanctuaire » pour les personnes en dehors de l’État voulant également se faire avorter.
Une chose est sûre, le résultat de ce vote, qui atteste du soutien pour les droits reproductifs d’un État à la tendance conservatrice, renforce les espoirs des démocrates que la décision de la Cour suprême poussera les électeur·rices à aller voter en novembre, pour élire de nouveaux·elles représentant·es du Congrès davantage en adéquation avec leurs positions politiques.