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Manifestation pour l'accès au droit à l'avortement ©Claudio Schwarz

En Pologne, les réfu­giées ukrai­niennes vic­times de viol se heurtent à la loi anti-ivg

En Pologne, la loi empêche les réfu­giées ukrai­niennes d’avorter alors que nombre d’entre elles ont été vio­lées par des sol­dats russes ou des héber­geurs polonais.

« J’ai été vio­lée en Ukraine, je suis en Pologne main­te­nant et j’ai besoin d’aide. » « Il me faut une contra­cep­tion d’urgence mais la liste d’attente à l’hôpital polo­nais est de deux semaines. Je ne veux pas être enceinte dans un pays étran­ger pen­dant la guerre, que dois-​je faire ? » Des mes­sages comme ceux-​là, la jour­na­liste ukrai­nienne Nastya Podorozhnya en a reçu des dizaines sur la pla­te­forme Martynka, une ligne d’assistance télé­pho­nique via Télégram qu’elle a récem­ment mis en place pour aider les ukrai­niennes réfu­giées en Pologne. « On reçoit de plus en plus de ques­tions de refu­giées liées à la contra­cep­tion d’urgence ou à un avor­te­ment en Pologne », indique la jour­na­liste ,qui vit en Pologne depuis plu­sieurs années, dans les colonnes du média ukrai­nien Zaborona« Quatre-​vingt-​dix-​neuf Ukrainiennes m’ont déjà contac­tée depuis le 1er mars pour me deman­der com­ment avor­ter ou obte­nir une pilule du len­de­main », racon­tait, le 15 avril, à La Repub­bli­ca Justyna Wydrzynska, mili­tante d’Avortement sans fron­tières, une coa­li­tion de plu­sieurs ONG polo­naises et inter­na­tio­nales. En Ukraine l’IVG est auto­ri­sée jusqu’à la dou­zième semaine de grossesse.

Depuis le début de l’invasion russe, le 24 février, la Pologne a vu pas­ser près de trois mil­lions d’Ukrainien·nes, dont deux mil­lions seraient res­tés dans le pays et par­mi les­quels une majo­ri­té sont des femmes et des enfants. Des femmes et des jeunes filles qui ont fui l’horreur. Les bombes bien sûr, mais aus­si les sol­dats russes. Car les viols comme arme de guerre sont deve­nus une réa­li­té, en témoignent les récits gla­çants qui s’accumulent depuis des semaines. 

« De nom­breuses réfu­giées ne veulent pas par­ler de viol auprès de la police. Elles sont prêtes à croire en leur propre culpa­bi­li­té plu­tôt qu’en la culpa­bi­li­té de la per­sonne qui était cen­sée les aider et leur don­ner un abri »

la mili­tante polo­naise Maja Stasko. 

Certaines d’entre-elles sont arri­vées en Pologne enceinte de leurs vio­leurs. Et alors qu’elles pen­saient être en sécu­ri­té en Pologne, se retrouvent désor­mais confron­tées à la loi polo­naise anti-​IVG qui res­treint l’avortement légal aux cas de gros­sesses met­tant en dan­ger la san­té de la mère, et de viols. Mais ceux-​ci sont sou­vent dif­fi­ci­le­ment prou­vables aux yeux de la loi, peu encline à les recon­naitre. D’autres ukrai­niennes sont tom­bées enceintes en Pologne car pié­gées par des hommes polo­nais misant sur leur confiance et pro­met­tant l’hospitalité, pour en réa­li­té les vio­ler. « De nom­breuses réfu­giées ne veulent pas par­ler de viol auprès de la police. Elles sont prêtes à croire en leur propre culpa­bi­li­té plu­tôt qu’en la culpa­bi­li­té de la per­sonne qui était cen­sée les aider et leur don­ner un abri », affirme la mili­tante polo­naise Maja Stasko inter­ro­gée par Zaborona

Lenteur du sys­tème judi­ciaire polonais 

Au-​delà de se heur­ter à une des légis­la­tions les plus strictes de toute l’Union euro­péenne en matière d’avortement, les vic­times se confrontent aus­si à la len­teur et aux défaillances du sys­tème judi­ciaire polo­nais pour les cas de vio­lence sexuelles. Une situa­tion qui rend très dif­fi­cile pour une femme de prou­ver qu'elle a été vio­lée et donc d'avoir accès à un avor­te­ment légal. Comme le dénonce Nastya Podorozhnya dans les colonnes du média ukrai­nien : « Le mois der­nier, une Ukrainienne de 19 ans s’est tour­née vers la police de Wroclaw. La jeune fille, qui a fui la guerre, a décla­ré qu’elle avait été héber­gée par un homme de 49 ans mais qu’elle avait ensuite été vio­lée. La police et les pro­cu­reurs ont recueilli des preuves, pro­cé­dé à un exa­men médi­cal et à un inter­ro­ga­toire. Une semaine plus tard, le tri­bu­nal a sta­tué qu’il n’y avait pas eu de vio­lence contre la jeune fille parce qu’elle n’avait pas résis­té acti­ve­ment. Le juge a chan­gé l’accusation de viol en exploi­ta­tion sexuelle dans une situa­tion de dépen­dance. » En Pologne, le crime d’exploitation sexuelle est moins sévè­re­ment puni, envi­ron trois ans de pri­son contre douze ans pour viol. Et ne rentre pas dans la légis­la­tion per­met­tant l'accès à l'avortement.

Des condi­tions qui poussent cer­taines Ukrainiennes à renon­cer à l'idée de fuir leur pays. « Des volon­taires qui se sont ren­dus à Bucha ont rap­por­té que les femmes vio­lées là-​bas ont peur de venir en Pologne. Elles connaissent nos lois et les craignent. Elles pré­fèrent plu­tôt essayer de se débrouiller là-​bas, dans un pays encore rava­gé par la guerre », explique Justyna Wydrzynska dans les colonnes de La Repub­bli­ca.

« Clandestinité de l’avortement »

Et pour celles qui ont fait le choix de fuir en Pologne, une « clan­des­ti­ni­té de l’avortement » s’est orga­ni­sée selon les mots de Nastya Podorozhnya. La jour­na­liste a ain­si récem­ment lan­cé Martynka, une ligne d’assistance télé­pho­nique via Telegram, qui vient en aide aux réfu­giées ukrai­niennes, assure leur sécu­ri­té ou les met en contact avec des réseaux mili­tants comme Women on Web ou Women Help Woman, sus­cep­tibles de leur four­nir des pilules du lendemain. 

Selon Nastya Podorozhnya, au moins 54 femmes ayant vécu des gros­sesses non dési­rées qui avaient fui la guerre en Ukraine se sont tour­né vers Women Help Woman. Les médi­ca­ments peuvent être envoyés par la poste après une télé­con­sul­ta­tion avec un méde­cin étran­ger, qui donne son accord. En Pologne, aider une femme à avor­ter est un crime qui peut valoir aux « cou­pables » jusqu’à trois ans de prison. 

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