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© Khoa Pham / Unsplash

Corée du Sud : pour lut­ter contre la crise de la nata­li­té, Séoul sub­ven­tionne la congé­la­tion des ovules

Confrontée à un taux de nata­li­té de plus en plus bas dans le pays, Séoul a choi­si d’encourager les femmes à avoir des enfants en sub­ven­tion­nant la congé­la­tion de leurs ovules. Mais est-​ce vrai­ment une bonne idée ? Décryptage.

Face à un taux de nata­li­té qui n’en finit pas de bais­ser – 0,7 par femme en 2023, l’un des plus bas du monde –, le gou­ver­ne­ment coréen avait déjà inves­ti des mil­liards de dol­lars pour ten­ter d’encourager la nata­li­té. Pour enrayer ce déclin, Séoul pro­pose désor­mais de sub­ven­tion­ner la congé­la­tion des ovules. Une déci­sion stra­té­gique : avec un taux de nata­li­té bien en des­sous du taux de rem­pla­ce­ment, la popu­la­tion coréenne vieillit et dimi­nue rapidement. 

Concrètement, le gou­ver­ne­ment de la ville de Séoul accor­de­ra une sub­ven­tion de 1 mil­lion de wons (soit 696 euros) à toutes les mères qui accou­che­ront dans cette ville d’ici à la fin de 2024. La congé­la­tion des ovo­cytes, qui existe depuis les années 1980, per­met aux femmes de pré­ser­ver leur fer­ti­li­té tout en repous­sant l’âge auquel elles pour­ront avoir des enfants. Toutefois, les chances de réus­site sont supé­rieures pour celles qui le font avant que la qua­li­té de leurs ovules com­mence à décli­ner, géné­ra­le­ment à par­tir de 38 ans.

Jeong, la qua­ran­taine, a déci­dé de sai­sir cette oppor­tu­ni­té. “Je subis­sais une pres­sion pour avoir un enfant à cause de mon âge, ça m’a pous­sée à cher­cher à me marier rapi­de­ment”, explique cette Coréenne, qui n’accepte d’être iden­ti­fiée que par son nom de famille. “Quand j’ai atteint le milieu de la tren­taine, j’ai sug­gé­ré aux hommes avec qui j’ai eu une rela­tion de nous marier le plus tôt pos­sible, mais ça n’a pas mar­ché”, poursuit-​elle.

"Investir dans de futures naissances" 

Jeong s'est donc tour­née vers une solu­tion de secours, la congé­la­tion de ses ovules, et dit ne plus se sen­tir "aus­si anxieuse" d'être céli­ba­taire ou de ris­quer de ne pas avoir d'enfant. "Maintenant que j'ai mes ovules conge­lés comme assu­rance, je peux prendre mon temps" pour trou­ver la bonne per­sonne, dit-​elle. La ville de Séoul a esti­mé qu'aider les femmes à conge­ler leurs ovules était "la solu­tion la plus pra­tique" pour "inves­tir dans de poten­tielles futures nais­sances", indique la mai­rie. Selon elle, "alors que l'âge du mariage et des gros­sesses conti­nue à recu­ler et que la par­ti­ci­pa­tion des femmes à la socié­té devient plus impor­tante, il y a un inté­rêt crois­sant de la part de femmes céli­ba­taires qui aspirent à pou­voir conce­voir et accou­cher dans le futur".

La tech­no­lo­gie de congé­la­tion des ovules est dis­po­nible en Corée du Sud depuis la fin des années 1990, mais la pro­cé­dure était peu connue et peu deman­dée. Jusqu’à ces der­nières années, seules les femmes atteintes d’un can­cer et qui ris­quaient donc de perdre leur fer­ti­li­té étaient inté­res­sées par cette pro­cé­dure, indique Cha Kwang-​yul, qui dirige le CHA Medical Center. Récemment, “la culture a chan­gé et les gens ont com­men­cé à dire ‘si vous ne comp­tez pas vous marier, conser­vez vos ovules’”.

Pourtant, concrè­te­ment, ce pro­gramme n'aidera sur­tout que les femmes hété­ro­sexuelles et mariées, puisque l'insémination intra-​utérine (IUI) et la fécon­da­tion in vitro (FIV) sont pra­ti­que­ment impos­sibles à obte­nir pour les couples qui ne sont pas mariés ou de même sexe, de nom­breuses cli­niques exi­geant des cer­ti­fi­cats de mariage.

"Génération n‑Po"

Les expert·es estiment que la sub­ven­tion de la congé­la­tion ne par­vien­dra pro­ba­ble­ment pas à inver­ser le déclin démo­gra­phique du pays. Cette ini­tia­tive ne tient pas compte des grands chan­ge­ments socié­taux, selon eux·elles. Les jeunes Sud-Coréen·nes se décrivent comme la géné­ra­tion “n‑Po”, c’est-à-dire ceux·celles qui ont aban­don­né un grand nombre d’objectifs de leurs aîné·es comme le mariage, la paren­ta­li­té et l’accession à la pro­prié­té, à cause d’une crois­sance stag­nante et d’une concur­rence intense pour les emplois.

En 2022, il y a ain­si eu 3,7 mariages pour 1 000 per­sonnes en Corée du Sud, un taux his­to­ri­que­ment bas pour le pays. Et les foyers for­més d’une seule per­sonne repré­sentent désor­mais 41 % du total des ménages. La mono­pa­ren­ta­li­té reste pour­tant mar­gi­nale et très stig­ma­ti­sée dans ce pays, explique Hyeyoung Woo, pro­fes­seure de socio­lo­gie à l’université d’État de Portland (États-​Unis). En 2020, seuls 2,5 % des bébés sud-​coréens sont nés hors mariage, contre 40 % en moyenne dans l’OCDE.

Subventionner la congé­la­tion des ovules "ne s'attaquera pas effi­ca­ce­ment à la fai­blesse du taux de nata­li­té en Corée", estime Hyeyoung Woo. Elle pré­co­nise plu­tôt d'encourager les mariages, ou un deuxième enfant, par des mesures d'aide au loge­ment, des mesures fis­cales, d'aide à la garde d'enfants et des congés paren­taux. Le pays doit en outre "accep­ter davan­tage les diverses formes de famille", en aidant les céli­ba­taires et les couples de même sexe s'ils sou­haitent avoir des enfants, suggère-t-elle.

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