Un nouveau bilan accablant a été publié, vendredi 15 mars, par les enquêteur·rices de l’ONU. Il établit de nouvelles preuves de crimes de guerre commis par la Russie contre l’Ukraine depuis plus de deux ans. Le rapport note davantage de violences sexuelles, de morts civil·es, de personnes torturées, mais aussi l’escamotage de biens culturels qui entrave le droit international humanitaire.
La commission d’enquête créée par le Conseil des droits de l’homme a trouvé “de nouvelles preuves que les autorités russes ont violé les droits humains internationaux, les lois humanitaires internationales et commis les crimes de guerre correspondants”. L’établissement des faits, publiés ce vendredi, s’appuie sur seize nouvelles visites en Ukraine et une série d’entretiens effectuée avec 422 femmes et 394 hommes.
“La Commission est préoccupée par l’ampleur, la persistance et la gravité des violations et
des crimes sur lesquels elle a enquêté ainsi que par leur impact sur les victimes et les
communautés affectées”, insiste le nouveau rapport, qui vient compléter les enquêtes
précédentes de la Commission publiées l’année dernière. Elle “confirme ses conclusions précédentes, selon lesquelles la multiplicité de ces attaques [en Ukraine, ndlr] témoigne du dédain de la part des forces armées russes, pour les dommages pouvant être causés aux civils”, soulignent les enquêteur·rices.
Torture systématique
"De nouveaux éléments de preuve renforcent les conclusions précédentes de la Commission, selon lesquelles la torture utilisée par les autorités russes en Ukraine et dans la Fédération de Russie est généralisée et systématique", ajoutent-ils. Le nouveau rapport décrit notamment les "traitements horribles" infligés à des prisonnier·ères de guerre ukrainien·nes dans plusieurs centres de détention de la Fédération de Russie.
Le rapport documente “des viols et autres violences sexuelles infligées à des femmes
dans des circonstances qui relèvent de la torture”, et l’enquête a permis “de trouver des
preuves supplémentaires du transfert illégal d’enfants dans les zones sous contrôle russe”.
L’ONU insiste sur les traumatismes physiques et mentaux durables dont souffrent ces victimes. “Les récits des victimes révèlent des traitements brutaux et implacables, qui leur infligent des douleurs et des souffrances intenses au cours d’une détention prolongée, au mépris flagrant de la dignité humaine”, selon le rapport, qui révèle notamment l’expérience d’un soldat ukrainien arrêté et torturé par les autorités russes dans plusieurs centres de détention. Il raconte “son expérience dans la colonie pénitentiaire de la ville de Donskoy, dans la région de Toula, où il a été torturé à plusieurs reprises et s’est retrouvé avec des os et des dents cassés et la gangrène à un pied blessé”. Les conséquences traumatiques sont manifestes : “J’ai perdu tout espoir et toute volonté de vivre”, raconte le soldat, ajoutant qu’il avait tenté de se suicider, mais que les agresseurs l’avaient à nouveau battu. Après sa libération, “le militaire a été hospitalisé trente-six fois”, précise l’enquête.
La nature, la tendance et les méthodes utilisées pour la torture “suggèrent qu’il existe une
politique plus clairement définie”, a souligné l’un·e des commissaires, Vrinda Grover, lors d’un point de presse à Genève.
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Des biens culturels ukrainiens accaparés
Pour la première fois, les enquêteur·rices se sont aussi penché·es sur le sort réservé aux objets culturels et aux archives dans les territoires occupés. Ils et elles ont plus particulièrement enquêté sur la ville de Kherson et celle d’Odessa.
“Les autorités russes ont transféré des objets culturels du Musée d’art régional de Kherson et des archives” provinciales, en Crimée, annexée en 2014 par Moscou. “Selon les estimations du personnel des deux institutions, plus de dix mille objets du musée et 70 % des documents du bâtiment principal des archives d’État ont été retirés”, souligne le rapport. Les autorités locales ont invoqué la nécessité de protéger ces objets de la destruction. Pour les enquêteur·rices, les autorités ont commis un crime de guerre en s’accaparant les biens ukrainiens, notamment par le biais d’une loi adoptée en mars 2023 qui stipule que ces biens et archives saisis appartiennent désormais à la Russie.
Une autre entrave au droit international est mise en évidence. À Odessa, des bombardements russes, fin juillet 2023, ont touché des bâtiments culturels, cultuels ou historiques, “tous situés dans le centre historique” de la ville, y compris la cathédrale de la Transfiguration, rapporte l’ONU. “Ces attaques frappent des biens culturels qui bénéficient d’une protection particulière en vertu du droit international humanitaire”, note le rapport.
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