En mars 2022, quelques jours après le début de l’invasion russe, la maternité de Marioupol est bombardée. Aujourd’hui, malgré la peur, le désir d’enfants reste fort chez les Ukrainiennes, qui font de leur élan de vie un acte de résistance. Elles accouchent dans des maternités sur le pied de guerre, choyées par un personnel dévoué. Des naissances comme autant de signes d’espoir.
Les instruments de mesure jouent une mélodie répétitive. Des bips réguliers, parfois interrompus par un son plus fort ou plus aigu. Valeriia Tyshkevytch balaie la pièce de son regard clair. Accroché à un pilier, un tableau blanc égrène une série de chiffres mystérieux, 790, 800, 740, 600… Contre les murs sont alignées les couveuses, petits tipis chauffés dont s’échappent fils et tuyaux : les lignes de vie pour ces bébés venus au monde un peu trop tôt dans un pays en guerre. « Les plus fragiles sont nourris par intraveineuse et placés sous assistance respiratoire. Tous sont suivis en temps réel : température, rythme cardiaque, pression sanguine… », informe la cheffe du département d’anesthésiologie et de soins intensifs pour les bébés prématurés. En cette fin décembre, son équipe veille sur treize petit·es, qui resteront de deux à trois mois dans son unité. La plupart pesaient moins d’un kilo à la naissance. « L’état émotionnel de la mère affecte le bébé dans les premiers mois de grossesse », précise le directeur adjoint de l’établissement, Oleh Malantchouk. C’est ce stress vécu pendant cette période qui peut provoquer des naissances prématurées. La guerre semblant s’installer dans la durée, il s’attend à ce que leur nombre augmente. Il est déjà sensiblement supérieur dans les régions proches du front, poursuit le praticien à la diction douce et assurée.
Berceaux médicalisés
Le conflit qui ravage l’Ukraine, depuis que la Russie y a lancé ses chars et ses missiles le 24 février 2022, semble néanmoins maintenu à l’écart de cette salle de l’hôpital n° 7 de Kyiv. Il y fait chaud, les fenêtres ne sont pas obstruées par des sacs de sable, le personnel assure ne manquer de rien. Si l’on est attentif, on trouve bien quelques signes : les couloirs baignent dans la pénombre, par souci d’économie d’énergie alors que Moscou s’évertue depuis cet automne à plonger le pays dans le noir en frappant ses infrastructures énergétiques. Surtout, le nombre de couveuses occupées est plus élevé que d’habitude. « Six berceaux médicalisés étaient utilisés il y a un mois », note la cheffe de service.

© Daria Sverlitova pour Causette
L’activité de cette maternité en témoigne : la population ukrainienne n’a pas arrêté de faire des enfants, malgré les bombes qui fracassent le quotidien de chacun. Près d’un tiers des habitant·es du pays (13 millions) ont dû quitter leur domicile, 7 millions se sont réfugié·es à l’étranger et 6,5 millions se sont déplacé·es à l’intérieur du pays, selon les chiffres des Nations unies. L’ONG britannique Save the Children estime que, en dépit de ces déplacements massifs et contraints, un peu plus de 900 enfants sont né·es chaque jour en Ukraine depuis le 24 février. Soit environ 275 000 petits Ukrainien·nes de plus à la fin 2022.
Il y a une part de hasard dans le fait que la grossesse de Vika, 40 ans, se déroule pendant la guerre. « Nous essayons d’avoir un enfant depuis six ans, c’est un long processus », souffle-t-elle dans sa chambre de l’hôpital n° 7, où elle est suivie de près. Si elle refuse l’exil avec son enfant à[…]