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Rue d’Abidjan, le 21 avril 2020. © Reuters

Côte d'Ivoire : « Ce n’est pas le coro­na qui va tuer les gens, mais la famine »

Témoignage de Sylvia Apata, juriste, ensei­gnante en rela­tions inter­na­tio­nales et secré­taire exé­cu­tive de l’organisation CPDEFM1, à Abidjan.

« Le grand Abidjan a été iso­lé du reste de la Côte d’Ivoire. On recense envi­ron 1 500 cas 2 sur l’ensemble du pays. Ce n’est pas énorme. Et heu­reu­se­ment, car les CHU ne sont pas du tout suf­fi­sam­ment équi­pés en res­pi­ra­teurs. Le confi­ne­ment est recom­man­dé, il y a un couvre-​feu de 21 heures à 5 heures. Et, offi­ciel­le­ment, les lieux publics sont dés­in­fec­tés la nuit… Officiellement aus­si, il y a des indem­ni­tés pour les plus pauvres et la dis­tri­bu­tion de maté­riel sani­taire… De fait, il y a eu des dons des orga­ni­sa­tions inter­na­tio­nales, mais ils n’arrivent pas vrai­ment jusqu’à la popu­la­tion. La pré­si­den­tielle aura lieu à l’automne pro­chain et il sem­ble­rait que le maté­riel sani­taire soit plu­tôt dis­tri­bué par le pou­voir actuel à ses par­ti­sans. C’est deve­nu un enjeu de pré­cam­pagne élec­to­rale. Au début, les car­tons per­met­tant d’emballer masques et gels hydro­al­coo­liques étaient estam­pillés à l’effigie du Premier ministre ! Ça a fait tel­le­ment scan­dale qu’il a dû s’en expli­quer sur les réseaux sociaux. Une grande majo­ri­té de la popu­la­tion sub­siste grâce au tra­vail infor­mel. Donc ils ne peuvent pas res­pec­ter le confi­ne­ment. S’il n’y a pas de com­pen­sa­tion finan­cière, ce n’est pas le coro­na qui va tuer les gens, mais la famine. 

Le gros fléau, c’est aus­si la recru­des­cence des ­vio­lences conju­gales. Une étude menée par mon asso­cia­tion en 2019 a révé­lé que 70 % des femmes sont vic­times de vio­lences à Abidjan en temps nor­mal. Mais là, c’est catas­tro­phique. D’habitude, les hommes tra­vaillent ou vaquent à leurs occu­pa­tions, donc les femmes ont un peu de répit. En ce moment, avec le manque d’argent et l’enfermement, ils déversent leur colère. Et nous, nous sommes dému­nies, car il n’y a pas un seul centre d’hébergement ici. Le minis­tère de la Femme, de la Famille et de l’Enfant nous rebat les oreilles avec son soi-​disant seul et unique centre. Mais je suis allée voir, il n’a de centre que le nom ! Avec sept fonc­tion­naires payés à rien faire, car ils n’ont aucun maté­riel, aucune infra­struc­ture. Il n’y a aucune volon­té poli­tique de faire évo­luer la situa­tion. Ici, la femme exem­plaire, c’est celle qui encaisse les coups et qui se tait. Tant qu’on pré­sen­te­ra le mariage comme le seul ave­nir pos­sible pour les femmes, on ne s’en sor­ti­ra pas. »

1. Citoyennes pour la pro­mo­tion et défense des droits des enfants, femmes et mino­ri­tés.
2. Les inter­views ayant été réa­li­sées du 5 au 15 mai, ces chiffres ont pro­ba­ble­ment évo­lué entre-temps.

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