Sandra Kogut est réalisatrice et vit à Rio de Janeiro.
![Crise sanitaire au Brésil : «Les gens crient "Assassin", "Dehors Bolsonaro"» 1 112 le Covid19 vu dailleurs Sandra Kogut ∏ DR](https://www.causette.fr/wp-content/uploads/2020/06/112-le-Covid19-vu-dailleurs-Sandra-Kogut-∏-DR.jpg)
« Ici, les décisions se prennent au niveau des États, donc la situation n’est pas la même partout. Avec São Paulo et Manaus, en Amazonas, Rio est l’un des États qui compte le plus grand nombre de cas. Donc, la plupart des lieux et des commerces sont fermés et les gens sont priés de rester chez eux, mais il n’y a pas d’attestation comme en France. Dans les favelas, où il y a une forte promiscuité et parfois pas d’accès à l’eau ni au savon, le virus circule vite… Il existe, au Brésil, le système de santé unique (SUS), l’un des plus grands systèmes de santé publique au monde, mis en place après la dictature. Mais, depuis quelques années, avec les gouvernements de droite qui se sont succédé, puis l’extrême droite aujourd’hui, il s’est affaibli.
Ici, au-delà de la crise sanitaire, la crise politique est vraiment très grave. Bolsonaro est dans le déni total. Il va à des manifestations en serrant la main à tout le monde. Et continue sur sa ligne “tout ça c’est une invention des médias”. Pas mal de gens l’ont lâché. Mais sa base – les fanatiques, les évangélistes et les plus pauvres, malheureusement victimes de la désinformation – reste solide. En ce moment, il y a une grosse enquête très sérieuse de la Cour suprême et de la police sur un « cabinet de la haine » qui serait logé dans les lieux mêmes du gouvernement et serait consacré à la propagation de fake news. Ici, tous les soirs à 20 h 30 c’est le panelaço, le concert de casseroles. Les gens crient : « Assassin », « Génocide », « Dehors Bolsonaro », « Milicien ». Les pro-Bolsonaro, eux, rétorquent en mettant l’hymne national à fond ou en manifestant dans la rue. C’est une guerre sonore. Le président a tenté d’inciter les gens à faire des manifs à 20 heures pour soutenir le gouvernement, mais ça a fait un flop. Mon film, Trois étés, est sorti en France quelques jours avant le confinement. Il est resté quatre jours en salles. Il était plutôt bien parti… Au Brésil, il devait sortir le 19 mars. Déjà avant la crise, le gouvernement était en guerre contre la culture. Il n’y a plus de ministre dédié… On ne sait pas dans quel pays on sera quand tout cela sera terminé. »