La Journée internationale des droits des femmes a mobilisé, ce 8 mars, des dizaines de milliers de femmes et d’hommes dans toute la France. Causette s’est glissée dans le cortège parisien à la rencontre de celles et ceux qui ont battu le pavé pour porter haut et fort leurs revendications.
Une marée violette a déferlé, ce mardi 8 mars, sous le soleil du Nord-Est parisien. La gare du Nord, dans le 10ème arrondissement, était le point de ralliement de la manifestation parisienne, accompagnée cette année d'une « grève féministe » selon l'invitation de dizaines d’associations féministes organisatrices. À quelques semaines du premier tour de l’élection présidentielle, ces dernières ont appelé à une « déferlante pour l’égalité » partout en France. Cinq candidat·es de gauche – Anne Hidalgo, Yannick Jadot, Fabien Roussel, Philippe Poutou et Jean-Luc Mélenchon – étaient d'ailleurs présent·es à la manifestation parisienne.
Le parcours parisien portait une symbolique forte : la place de la République pour soutenir les femmes sans-papiers et les travailleuses du social, le cimetière du Père-Lachaise pour rendre un femmage aux femmes victimes de féminicides, le lycée Voltaire pour réclamer davantage de femmes dans les sciences. Et pour finir, l’hôpital Tenon pour protester contre les violences gynécologiques et obstétricales et demander la suspension du professeur et gynécologue Émile Daraï, visé par au moins 21 plaintes pour viols.

Maria, étudiante, avec Cristina et Maria employées dans un hôtel, arrivées d'Espagne il y a cinq mois. Maria : « Ce qui nous mobilise vraiment, c’est l’égalité à tout niveau : politique, salariale, sur le partage des tâches quotidiennes… Sur papier, on nous vend qu’on a les mêmes droits mais dans la pratique, on voit bien que c’est encore loin d’être le cas. » Cristina : « La société reste profondément machiste. On continue à avoir peur dans la rue, à subir un harcèlement quotidien et des relations avec les hommes gangrenées par une forme de domination. » Maria : « On doit agir sur l’éducation, là où tout commence. Je pense notamment qu’il faudrait interdire le porno mainstream qui est super machiste et apprend aux jeunes hommes qu’ils peuvent traiter les femmes avec violence. »

Mélanie, 46 ans, agent d'accueil : « C’est un merveilleux jour pour manifester contre l’impunité des violences sexuelles dans le milieu religieux. Il y a certes eu du progrès avec le rapport de la Ciase [La Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Église a rendu son rapport en 2021 faisant état de 330 000 victimes mineures depuis les années 50, ndlr] mais je pense qu’il y a encore beaucoup de silence dans les églises et dans les temples. Il y a encore beaucoup d’abus passés sous silence, sur les femmes notamment, que ce soit sur les religieuses ou les paroissiennes. J’ai moi-même été abusée il y a un an et demi par mon pasteur. Alors, être ici c’est porter ma voix de victime. C’est aussi crier ma colère contre l’institution protestante qui protège encore aujourd’hui mon agresseur. La religion ne doit jamais être au-dessus des lois. »

Bijad, étudiant en histoire à la Sorbonne-Tolbiac : « J’ai dû me mettre en grève aujourd’hui pour pouvoir venir manifester mon féminisme. Il y a cet après-midi un blocage de l’université de Tolbiac pour permettre aux étudiants de venir à la manifestation [La présidence de l’université avait refusé la banalisation de la journée ce qui pénalise les étudiant·es boursier·ières qui ne peuvent pas rater les cours sous peine de perdre leurs bourses, ndlr]. Je suis boursier, ça peut me pénaliser de ne pas être en cours aujourd’hui. »

Victoria, 21 ans, étudiante en théâtre : « J’ai été victime d’inceste pendant toute mon enfance, manifester aujourd’hui c’est montrer que j’existe et que je me bats. »

Mounia El Kotni, anthropologue spécialiste de la santé des femmes : « Ce qui me motive pour être là aujourd’hui, c’est de me joindre au cortège contre les violences gynécologiques et obstétricales pour dénoncer les violences oncologiques. »

Thierry, syndiqué CGT, employé dans une mutuelle d’assurance : « La lutte féministe passe d’abord pour moi par l’égalité salariale qui aura forcément des conséquences positives sur les retraites des femmes. Il faudrait aussi que les messieurs donnent davantage un coup de main à la maison. C’est important que chacun prenne sa part de tâche ménagère car là aussi, ça n’avance pas beaucoup. À la maison, je suis responsable de la filière linge par exemple. »

Marine, stagiaire psychologue à la Maison des femmes et Claire, archiviste. Marine : « Je n’ai pas l’habitude des manifestations, je ne suis pas hyper à l’aise mais je trouvais ça important d’être là aujourd’hui. Les inégalités hommes-femmes, c’est vraiment un truc qui me rend dingue. En tant que stagiaire psychologue à la Maison des femmes de Paris, je suis un peu surexposée à la violence que subissent ces dernières. Je pense qu’il faut déconstruire toutes les petites choses, tous les interstices de la société où le sexisme se cache, ce qui mène petit à petit à la mort de femmes. » Claire : « Je viens pour tous les moments importants des luttes des femmes. Grande habituée des manifs donc, mais celle-ci a la particularité d’être la première que je fais dans une perspective archivistique. Je travaille aux archives lesbiennes et récupère tous les tracts distribués le long du parcours. »

Anissa, 41 ans, secrétaire dans un Ehpad public, syndiquée Union Solidaire : « Ce matin avec mes collègues, nous étions déjà devant le siège d’Orpea pour faire entendre notre colère donc on peut dire que c’est une journée placée sous le signe de la mobilisation (rires). Plus sérieusement, on est en grève aujourd’hui pour exprimer notre ras-le-bol. 80% du personnel dans le milieu du grand âge est féminin. Les femmes y sont précarisées, en sous-effectif et une grande partie du personnel n’est même pas qualifié. Le rythme de travail dans les Ehpad est énorme. Pour une journée, on compte deux filles pour 25 résidents et ce sont eux qui subissent toujours plus le manque de moyens. Je n’aurais pas dit cela il y a vingt ans quand j’ai commencé mais aujourd’hui, les Ehpads sont devenus des mouroirs. On est là pour que les choses bougent, enfin. »
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