Alors que Gabriel Attal s’est dit favorable à une expérimentation du port de l’uniforme en France, Éléonore Schmitt, porte-parole du syndicat Union Étudiante, dénonce « une reprise des idées politiques vendues par l’extrême droite ».
Des jupes plissées, des petits bermudas et des polos brodés d’une devise républicaine deviendront-ils légion dans les cours de récré françaises ? La question de l’uniforme scolaire, qui revient régulièrement sur le devant de la scène au grès des annonces et des petites phrases, a ressurgi en cette semaine de rentrée, cristallisant l’opinion, au point d’éclipser les 3 100 professeur·es manquant·es et les centaines d’enfants en situation de handicap non scolarisés, faute de place.
Quasiment neuf mois après le rejet à l’Assemblée nationale, d’une proposition de loi du Rassemblement national et alors que l’ex-ministre de l’Éducation nationale, Pap Ndiaye, s’est toujours opposé à une « tenue scolaire obligatoire », le vent semble avoir tourné au sommet de l’État. Lundi matin, au micro de RTL, le nouveau ministre de l’Éducation nationale, Gabriel Attal, s’est dit favorable à une expérimentation du port de l’uniforme. Quelques heures plus tard, le président de la République, Emmanuel Macron, lui emboitait le pas au micro du youtubeur Hugo Décrypte, se prononçant de son côté pour « une tenue unique ».
Les modalités sur cette phase de test seront annoncées à l’automne, a déclaré Gabriel Attal. Mais déjà, plusieurs élu·es, de droite et d’extrême droite, louant un moyen de « gommer les différences sociales », ont d’ores et déjà déclaré être prêt·es à tenter l’expérience sur leur territoire. Face au positionnement du gouvernement et à l’enthousiasme bourgeonnant à droite de l'échiquier, des voix s’élèvent pour dénoncer une politique discriminatoire. Parmi elles, Éléonore Schmitt, porte-parole du syndicat Union Étudiante.
« On a une rentrée scolaire particulièrement chargée et préoccupante, marquée par 2 000 enfants à la rue et beaucoup d’autres dont les parents n’ont pas les moyens de leur acheter des fournitures scolaires, sans parler des 3 000 profs manquants, et on nous ramène le débat sur l’uniforme sur la table. Il y a clairement une volonté du gouvernement de fuir les « vrais sujets » et de créer une sorte de polémique annexe qui concentre l’attention médiatique sur l’uniforme pour ne pas que l’on parle du reste.
On entend aussi beaucoup que l’uniforme permettrait de gommer les inégalités sociales, mais ça ne fonctionne pas comme ça. Ce n’est pas parce que tout le monde porte la même chemise, le même pantalon et la même veste que les inégalités sociales vont être gommées. Il y aura toujours d’autres façons de se différencier. L’adolescence, c’est le moment de l’émancipation, la période où l’individualisation est la plus importante, où l’on découvre ses goûts et sa personnalité. Je suis certaine que cette différenciation liée à l’origine sociale des élèves se fera par d’autres moyens, que ce soit au niveau de la coupe de cheveux, des chaussures, du sac ou des accessoires. Et puis, penser que l’uniforme permettrait de mettre tous les élèves sur un pied d’égalité, c'est oublier que les enfants continuent à vivre et à se rencontrer en dehors des établissements scolaires où ils ne porteront pas l’uniforme. Selon moi, cette politique ne vise pas à lutter contre ces inégalités, mais vise juste à uniformiser la société sans prendre en compte les individualités de chacun.
On a aussi entendu l’argument selon lequel l’uniforme permettrait d’en finir avec le harcèlement. Ça n’a pas de sens. Si des élèves ont envie de se moquer d’autres élèves par rapport à leur apparence, ils pourront toujours le faire. Ce n’est pas le vêtement qui va empêcher le harcèlement scolaire. Ça ne va rien changer du tout. Une tenue unique va juste uniformiser les élèves, ils se ressembleront tous mais cela ne va pas modifier leur comportement.
Il ne faut pas non plus oublier la dimension très genrée de l’uniforme. Il y a un risque que les filles soient habillées en jupe et les garçons en pantalon. Donc pour les élèves qui ne se retrouveraient pas dans leur genre assigné à la naissance, cela risque aussi de poser de graves difficultés.
Un autre problème réside dans les déclarations de la secrétaire d’État qui s'est dite favorable à l'expérimentation d'une tenue scolaire dans les quartiers prioritaires. Ça va stigmatiser d’autant plus les personnes vivant dans ces quartiers, avec la vision qu’ils ont besoin d’une forme de discipline supplémentaire. C’est vouloir avoir une jeunesse qui se tient sage. Ce n’est pas pour rien que la secrétaire d’État parle des quartiers prioritaires. Ça fait suite à toute une séquence politique et médiatique que l’on a connue ces derniers mois, avec notamment la question des révoltes urbaines suite au décès de Nahel. Le fait qu’une secrétaire d’État puisse dire cela doit nous alerter : il y a une reprise des idées politiques vendues par l’extrême droite et ça, c'est absolument choquant. Ce n'est même plus faire du pied à l'extrême droite à ce niveau-là. C'est vraiment reprendre ses idées. C'est un pas quand même assez important qui vient d'être franchi par le gouvernement et c'est inquiétant pour les autres politiques qui risquent d'arriver dans cette lignée-là. »