ÉDITO. Un collectif d'associations a lancé jeudi 27 avril une pétition demandant que l'État agisse face à ce qu'il décrit comme un « état d'urgence sanitaire en matière d'accès à l'IVG ». En cause : les tensions sur l'approvisionnement en misoprostol, l'une des deux molécules nécessaires à une IVG médicamenteuse.
« En France, et alors que 76% des avortements sont réalisés par voie médicamenteuse, les pharmacies peinent désormais à s’approvisionner en pilules abortives », dénoncent conjointement Le Planning familial, le collectif Avortement Europe et l’Observatoire de la transparence dans les politiques du médicament (OTMeds). Dans plusieurs villes de France et particulièrement à Lille, de nombreuses patientes peinent depuis plusieurs mois à se procurer en pharmacie le misoprostol, dont l'approvisionnement sur notre territoire dépend du seul groupe pharmaceutique Nordic Pharma, un laboratoire suédois dont une partie conséquente des capitaux sont américains, détaille Libération.
Pour le Haut conseil à l'égalité (HCE), les tensions – voire les situations ponctuelles de pénurie – sur le marché du médicament en France pourraient être liées à la bataille déchaînée qui se joue actuellement contre le droit à l'avortement aux États-Unis. « La situation américaine fait planer la menace d’une pénurie liée à la constitution de stocks par les Etats américains qui cherchent à pallier un éventuel arrêt de la production et /ou de la commercialisation de la mifépristone et du misoprostol, avance le HCE dans un communiqué publié le 18 avril. Autre risque : une forte augmentation des prix, due aux possibles ruptures de production et d’approvisionnement. »
Alors qu'aux États-Unis, la commercialisation de la mifépristone, l'autre molécule utilisée dans les avortements médicamenteux, fait actuellement l'objet d'une âpre bataille judiciaire, le HCE exige des pouvoirs publics français « que la France retrouve rapidement sa souveraineté en matière de production de la pilule abortive. » Les associations pétitionnaires ont embrayé : « Une licence d’office doit être émise par les autorités françaises, permettant ainsi la production de génériques et leurs importations depuis des pays tiers producteurs, et idéalement une production locale, nationale, ou européenne, car aujourd’hui les formes de misoprostol en pénuries sont sous brevets exclusifs de Nordic pharma. »
La pandémie de Covid-19 nous a fait prendre conscience de notre dépendance aux importations en matière de médicaments et de dispositifs sanitaires, amorçant une relocalisation de la production de paracétamol. Il est grand temps de faire de même pour la pilule abortive. Une décision industrielle qui serait alignée sur le projet politique du gouvernement de graver dans le marbre de la Constitution notre droit à l''avortement.
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