Féminisme, confiance en soi, rapport au corps et à l’amour : les valeurs que les mères transmettent à leurs filles sont-elles les mêmes hier et aujourd’hui ?
Où en est la relation mère-fille ? Souvent dépeinte par la littérature ou les travaux de la psychanalyse comme empreinte de rivalité ou de tensions, la maternité est aussi une affaire de transmission. Comment les mères d’aujourd’hui considèrent-elles ce qu’elles ont reçu de leurs propres mères et comment envisagent-elles le lien qu’elles créent avec leurs filles ? Quels messages ont-elles à cœur de leur délivrer ? Que souhaitent-elles transformer par rapport à ce qu’on leur a inculqué. Féminisme, confiance en soi, rapport au corps et à l’amour : les valeurs sont-elles les mêmes hier et aujourd’hui ? Six femmes racontent la relation qui les a façonnées, imprégnées, et la manière dont elles s’en sont tantôt inspirées, tantôt affranchies. Elles disent aussi comment, à leur tour, elles endossent ce rôle pour élever une nouvelle génération.
Clémence* (33 ans)
Coordinatrice de programmes humanitaires, mère d’une fille de 3 ans
"Ma mère nous a élevées seule, ma sœur et moi, car mon père est parti de la maison quand on étaient petites. Il n’a pas totalement disparu, mais il était très peu impliqué et ne donnait pas d’argent. Aujourd’hui, je la trouve courageuse, mais à l’époque, je la jugeais responsable de cette absence. En grandissant et en devenant féministe, je me suis rendu compte que les choses étaient plus compliquées que ça et que la responsabilité de mon père était très grande.
Elle nous a élevées “à la cool”. Dès l’âge de 6 ans, j’allais seule au cinéma dans la petite ville où j’ai grandi. Elle bossait dans un magasin et rentrait parfois tard le soir. Elle nous faisait confiance. Je l’ai souvent entendue dire qu’une femme ne devait pas se laisser enfermer dans des schémas conventionnels, n’être qu’une mère ou qu’une épouse. Enfant, j’enviais mes copines dont les mères faisaient des gâteaux ou venaient à la sortie de l’école.
Elle m’a toujours dit que disposer de son corps était essentiel. Ce n’était pas dans un discours féministe construit, mais elle me répétait que j’avais une vie à vivre et que si jamais je tombais enceinte, il y aurait des options. Elle m’a proposé de prendre la pilule assez tôt, vers 16 ans.
Elle nous a souvent dit qu’elle nous aimait et qu’elle était fière de nous et de nos réussites, mais il y avait beaucoup d’ambivalence. Elle nous a souvent répété que sa deuxième vie avait commencé quand on avait quitté la maison, que la maternité était un sacerdoce.
Je pense qu’il y avait sans doute moins de pression sur les mères à son époque, moins d’injonctions sur l’éducation notamment, mais il y avait aussi moins de groupes d’entraide, moins de paroles de femmes accessibles. Aujourd’hui, entre les réseaux sociaux, les livres et les podcasts, on a accès à un large panel de modèles.
Ma sœur et moi, on a longtemps refusé l’idée d’être mère. J’avais très peur de ne pas être capable d’assumer ça. Mais quand j’ai rencontré mon mari, j’ai eu envie d’avoir un enfant. Et je voulais une fille car, pour moi, ce sont les[…]