Tous les mois, Causette interroge des parents imparfaits pour les sonder sur la façon dont ils se démènent avec l’éducation de leurs bambins. Et quel système D ils mettent en place pour survivre…
Préparez-vous, elles vont déferler sur les réseaux sociaux. Elles ? Les photos estivales de familles parfaites bien sûr ! Les clichés en rang d’oignons, façon Dalton, des mouflets en marinière sur la jetée bretonne. Le portrait du grand-frère qui fait un bisou à sa petite sœur sous un pommier normand. L’ensemble du clan immortalisé, les traits marqués d’une fatigue joyeuse, à la fin d’une rando de 1 000 mètres de dénivelé dans les Pyrénées. Parce que, soyons honnête, de notre côté, c’est quoi le bilan ? Pas une photo où l’un des gosses ne pleure ou ne porte un tee-shirt maculé de taches. Chez nous, entre les frangin·es, on est plus adepte du rayon torgnole que câlin. Quant aux sorties familiales, elles sont polluées par les sempiternels « c’est quand qu’on rentre ? », voire « ah non ! On va pas ENCORE visiter une église !!! ». Face aux victorieux·euses des vacances d’été qui triomphent sur Insta, vous avez deux options. Avoir un seum colossal ou bien lire les histoires qui suivent, parsemées de parents qui, eux non plus, n’ont pas été à la fête en juillet-août. Promis, ça réconcilie avec l’humanité… et ses failles.
Rémi, 44 ans, père de Jean et Louise, 15 ans
Attention, Danse avec les stars peut dangereusement nuire à votre équilibre familial. C’est dans tous les cas ce qu’a pu constater Rémi lors de vacances madrilènes avec sa femme et ses jumeau et jumelle. Au fil du séjour, la situation s’envenime entre sa fille – « en mode ado avec réponses monosyllabiques » – et sa femme. Le dernier jour, tout le monde est un peu fatigué – « On est sur un rythme assez intense » – et Louise tire une tête de dix pieds de long durant toute la visite du musée. La famille décide de s’offrir un chouette resto pour le soir.
C’est compter sans la diffusion de Danse avec les stars, que Louise ne veut manquer pour rien au monde. Hors de question de le regarder en replay. Ses parents mettent le holà. Elle ne va pas se coller sur son portable à table ! Mais l’ado ne lâche rien. En désespoir de cause, ils cèdent et l’autorisent à jeter un œil au programme, de façon discrète. Sauf qu’évidemment, Louise déconnecte complètement, ne prend plus part à la conversation. Sa mère fulmine et confisque le téléphone. Louise part en larmes dans les toilettes, rameutant l’ensemble du restaurant. Le dîner se termine précipitamment, et la femme de Rémi laisse sa colère exploser : « Qu’est-ce que je suis censée faire pour que tu arrêtes de faire la tête ? Ben oui, je suis une mauvaise mère ! Je fais ce que je peux ! Désolée si ce n’est pas assez ! »
![Parentalité : peut-on vraiment éviter le burn-out lors des vacances estivales en famille ? 2 146 VP Parents Vacances M 2](https://www.causette.fr/wp-content/uploads/2023/07/146-VP-Parents-Vacances-M-2-893x1024.jpg)
Ambiance… Rémi temporise avec Louise puisque « quand c’est tendu avec un parent, c’est plus facile pour l’autre de reprendre la main ». Avec le recul, il analyse : « Ma femme travaille beaucoup, elle avait une fenêtre de tir pour se poser en famille et n’avait pas envie qu’elle soit gâchée par des broutilles. » Depuis, tout le monde est redescendu. Mais Rémi reste sur ses gardes. Quand ses enfants lui ont confié rêver d’aller au Japon, il a freiné leur ardeur : « On va attendre que la crise d’ado soit un peu passée. Parce que je n’ai aucune envie de revivre ce genre de scène à l’autre bout du monde ! »
Caroline, 41 ans, mère de Gabrielle, 12 ans, et Esther,7ans
Des vacances au Portugal avec ses deux anciennes colocs plus un couple d’ami·es. Sur le papier, l’été de Caroline s’annonce bien. D’autant que, séparée du père de ses filles, elle s’est engagée dans une nouvelle histoire qui la fait planer. Pourtant, assez rapidement, elle va devoir atterrir. À l’époque, ses filles ont 1 et 5 ans, et les gérer seule est assez sport. Puis il y a la fille du couple qui l’exaspère : elle pousse sans arrêt des cris suraigus. Tout tourne autour d’elle. Son anniversaire tombe durant le séjour ? Tout le monde doit participer à l’organisation. « Ça a quand même pris un après-midi sur une semaine de vacances. Sans compter l’anniversaire en lui-même, le lendemain, qui a aussi mangé un autre après-midi. Hyper cucul : avec maquillage, chapeaux et tout le tralala… »
La gamine veut aller au manège ? Il faut interrompre les activités communes pour s’y rendre toutes affaires cessantes. C’est bien simple : « L’emploi du temps des vacances tourne autour d’elle », résume Caroline. Qui, pourtant, se garde bien de faire des remarques. Le couple de copains, lui, va beaucoup moins se gêner. Et, bientôt, les différences éducatives entre familles vont devenir LE point de crispation du séjour.
« Qui part en vacances avec les enfants de ses amis revient sans ses amis »
Un soir, le couple la prend à part autour d’une bière. Il lui fait remarquer qu’elle ne gère pas du tout sa cadette. Et propose de prendre en charge son aînée, histoire qu’elle ait un peu le temps d’« éduquer » (sic) la seconde. Caroline tombe de l’armoire. « C’est hyper violent. Je me mets à pleurer. Pour moi, ils ne cherchent pas à m’aider, ils me jugent… » Durant le vol du retour, le couple et elle s’ignorent. À l’arrivée, la tante d’une de ses colocs vient les chercher. Au récit des péripéties de Caroline, elle hoche la tête : « Tu sais ce qu’on dit : qui part en vacances avec les enfants de ses amis revient sans ses amis. » Caroline en tire une autre morale : « Tous les enfants sont un peu relous. La question, c’est plutôt comment les parents gèrent cette relou-itude… »
Anna, mère de Mathilde, 9ans, et Léo,6ans
Pour Anna, les vacances avec son fils, Léo, c’est tout… sauf des vacances. « Il est usant, résume-t-elle. Je passe mon été à être sur le qui-vive. Et je rentre de congés au bout du rouleau. » Le souci : « Il a un gros besoin d’attirer l’attention. Et dès qu’on est dans un changement de rythme, ça le perturbe. » Résultat des courses : la période estivale se transforme en festival des broutilles qui, chacune, ne sont pas bien méchantes mais qui, accumulées, mettent sous tension les nerfs des parents.
Léo en vacances, c’est un peu comme le titre d’un album de Martine qui aurait viré punk : « Léo manque de passer sous une Rosalie » (la fameuse voiturette à pédales de bord de mer) ; « Léo pète un câble parce qu’il n’a pas la pelle qu’il voulait » ; « Léo refuse catégoriquement de remonter de la plage » ; « Léo fait des saltos au bord de la piscine au risque de s’exploser le crâne »… « Les vacances en mode bouquin-transat, avec lui, c’est juste pas possible », soupire Anna. L’envoyer en colo ? « On va m’appeler au bout d’un jour pour que je vienne le récupérer ! » prophétise-t-elle. Elle a quand même repéré une circonstance où les vacances se déroulent mieux. « Quand on est allé à Lisbonne. On a crapahuté 20 kilomètres par jour, ça l’a calmé… » En avant, marche !
Qu’en dit Kpote ?
Vu que les bonnes vacances avec les gosses semblent relever du virtuel, j’ai fait appel à ChatGPT. Moi : « Comment passer de bonnes vacances avec des enfants ? »Dans sa réponse, la machine m’a d’abord signifié que « passer de bonnes vacances avec des enfants peut être très amusant et gratifiant ». Comment ça « peut être » ? J’exige du 100 % certain, un an que j’attends mes congés payés ! Comme j’évoquais son manque de certitude, l’IA a revu sa copie façon éducation positive : « Les vacances avec des enfants peuvent permettre aux parents de voir le monde à travers les yeux des enfants, de retrouver leur propre émerveillement et de se reconnecter à leur enfance intérieure. » Voir le monde au travers de leurs pupilles éclatées aux clips de rap et aux stories sur Snap sans pouvoir jeter un œil sur le spectacle merveilleux de la nature ?! L’IA est forcément nullipare pour nous sortir une ineptie pareille.
« L’IA est forcément nullipare pour nous sortir une ineptie pareille »
Puis la machine invite à « impliquer les enfants dans la planification ». C’est ça, frérot, me payer un coucher de soleil du 125e étage du Burj Khalifa, à Dubaï, sous la forme d’un NFT, non merci. « Variez les activités : visites culturelles, randonnées en nature, activités sportives ou excursions en bateau. » Une entité qui se dit « intelligente » et qui n’évoque pas l’apéro dans son programme de vacances, c’est très inquiétant pour l’avenir de l’humanité !
Moi : « Comment oublier un enfant sur une aire d’autoroute ? – Je suis désolé, mais je ne peux pas vous aider à trouver des informations sur des actions négligentes telles que l’abandon d’un enfant sur une aire d’autoroute. Si vous avez des questions sur la parentalité responsable […], je vous encourage vivement à contacter les services sociaux. »
Bon, cet été, on va encore se faire chier.