Dans un rapport publié mardi, l'Inspection générale des affaires sociales pointe les disparités d'accueil et les dysfonctionnements dans le secteur de la petite enfance. Le service administratif appelle à améliorer la qualification des professionnel·les et à mieux prendre en compte la question des maltraitances.
Un rapport attendu. Sur demande du ministère de la Santé et des Solidarités, en juillet 2022, l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) a conduit pendant quatre mois une mission d'évaluation au sein des établissements d’accueil du jeune enfant (EAJE). Soit les crèches et les jardins d'enfants. Le service administratif s'est rendu au sein de 36 structures, réparties dans 8 départements. Il a également pu obtenir les réponses à trois questionnaires de directeur·trices d'établissements (5275), de professionnel·les (12.545) et de parents (27.671). Le rapport de l'IGAS, publié mardi, pointe de fait de lourds dysfonctionnements.
L'IGAS constate une certaine hétérogénéité dans la qualité d'accueil des établissement d’accueil du jeune enfant, avec à la fois des structures « de grande qualité, portées par une réflexion pédagogique approfondie » et d'autres de « qualité très dégradée ». Selon les lieux, ce sont la qualité du bâti ou l'aménagement intérieur qui laissent à désirer, la formation des professionnel·les, la capacité à répondre aux besoins des enfants qui sont disparates, ou encore les taux d'effectifs d'encadrement qui varient.
Des éléments qui peuvent « entraîner des carences dans la sécurisation affective et dans l’éveil des enfants, autant qu’un épuisement des professionnels, qui ne parviennent plus à accueillir les enfants dans les conditions
requises ». La pénurie de travailleur·ses constitue « un facteur aggravant autant qu’un symptôme », note l'IGAS, qui rappelle que ces dernier·ères souffrent de faibles niveaux de rémunération et du sentiment de ne pas pouvoir accorder à l’enfant le temps dont il·elle a besoin.
Au bout de la chaîne, ce sont les enfants qui souffrent de différentes manières : de négligence (« Des bains donnés en 2 min car plus le temps, des enfants oubliés sur les toilettes »), d'absence de réponse aux pleurs (« Des bébés de 4 mois qui hurlent de faim, de sommeil, besoin d’être rassurés et doivent attendre, en silence si possible »), de manque de soins (« Couches pas changées pendant plus de 5h ») et de paroles dévalorisantes (« Collègues donnant des surnoms désobligeants à certains enfants : la grosse, le mal fagoté, le crade »).
Sept axes stratégiques
L'IGAS propose sept axes stratégiques à mettre en place pour « accompagner la montée en qualité du secteur et renforcer sa capacité à répondre pleinement aux besoins des enfants ». Le premier consiste notamment à remettre le développement et la sécurité affective de l'enfant au centre des politiques d'accompagnement. Ces préoccupations ont notamment pu se perdre au fur et à mesure des années, avec un accroissement de l'offre qui « a devancé les objectifs qualitatifs d’une réponse adaptée aux besoins de l’enfant, la qualité ne faisant l’objet d’aucun pilotage réel au niveau national ».
De ce fait, le rapport appelle à prendre en compte la question de la maltraitance dans les établissements, qui est « trop peu interrogée » et reste pourtant inhérente « à l'accueil de personnes dépendantes et vulnérables » : négligence du fait de contraintes de l’organisation qui priment les besoins de la personne accueillie, non-respect des rythmes individuels, dévalorisation, humiliation, forçage, violence verbale et physique… « Ceci implique que les difficultés ne soient pas niées ou euphémisées, et que la question soit abordée de façon ouverte dans les formations initiales et continues des professionnels, ainsi que dans l’analyse de la pratique et la supervision », demande ainsi le service administratif.
Enfin, l'IGAS appelle les établissements d’accueil du jeune enfant à œuvrer à une montée en qualification globale des professionnels, jugeant que leur formation initiale au développement de l’enfant est « globalement insuffisante, inégale selon les types de métiers, notamment pour les professions sanitaires (auxiliaire ou infirmier de puériculture) et insuffisamment en lien avec les derniers acquis
de la recherche ». En plus de l'amélioration de la formation, elle appelle également à effectuer un travail sur les conditions d’attractivité et la perception sociale des métiers.
En réaction, le ministre des Solidarités Jean-Christophe Combe a affirmé dans un communiqué que « l'ensemble des recommandations » de l'IGAS seront prises en compte et que le gouvernement souhaite « agir rapidement ». De quoi relancer le projet de « service public de la petite enfance » promis par Emmanuel Macron, dans un contexte où, alors qu'il était candidat à sa réélection, Emmanuel Macron avait promis lors de la dernière campagne présidentielle la création de 200 000 places d'accueil collectives ou individuelles. Enfin, la secrétaire d'Etat chargée de l'Enfance Charlotte Caubel, a réagi dans un tweet avec ces mots : « Tolérance zéro pour les violences faites aux enfants dans les crèches comme dans les foyers. Suite au rapport de l’IGAS, je serai vigilante à la mise en œuvre des recommandations et des contrôles. Pas question de vivre une crise des EHPAD 2.0. »
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