Confrontés à la méconnaissance de ce handicap, de nombreux parents d’enfants autistes sont suspectés de maltraitance par la Protection de l’enfance.
Voilà des années que parents et associations tirent la sonnette d’alarme. « Actuellement, en France, des dizaines de familles avec un ou plusieurs enfants autistes sont menacées de placement ou ont vu leurs enfants leur être arrachés. La raison : les services de l’Aide sociale à l’enfance [ASE, ndlr] les accusent d’être responsables des troubles de leur enfant », dénonçaient déjà, en 2015, 127 associations, après qu’une mère s’est vu retirer la garde de ses enfants autistes. À l’origine du problème ? Une méconnaissance de ce trouble du neuro-développement, dont les manifestations peuvent être confondues avec des signes de maltraitance. « Beaucoup d’enfants autistes mangent mal et sont maigres, s’agitent en classe, ne sont pas propres, ont des troubles du sommeil… Ce qui pousse certains professionnels à faire des signalements, alors que ces enfants ne sont pas maltraités : ils sont autistes », s’agace Danièle Langloys, présidente d’Autisme France.
Lire aussi l Placements abusifs d’enfants : le calvaire des familles
Croyant déceler une possible maltraitance, des professionnels de santé ou de l’Éducation nationale vont ainsi « signaler » les parents. Soit en envoyant une « information préoccupante » aux services sociaux, soit en effectuant un signalement auprès du procureur de la République. Dès lors, les parents se retrouvent sous le coup d’une enquête sociale, effectuée par l’ASE. C’est cette enquête qui, ensuite, servira de base pour décider d’une éventuelle mesure, notamment lors de l’audience devant le juge des enfants – systématique dès lors qu’il y a signalement auprès du procureur. « C’est lors de cette première audience que j’interviens, explique Sophie Janois, avocate spécialisée dans l’autisme. Et régulièrement, l’ASE préconise de placer l’enfant, au motif qu’en l’éloignant de la famille, on devrait voir ses troubles minorés. Ce qui est une totale ineptie. »
Approche psychanalytique
Ces situations sont d’autant plus complexes que, bien souvent, les familles tentent justement, au moment où on les signale, d’obtenir un diagnostic – lequel peut prendre un à deux ans. Comble : ce sont parfois au sein même des institutions où elles cherchent ce diagnostic qu’on les signale… En effet, certaines hypothèses psychanalytiques – qui verraient dans l’autisme le fruit d’un dysfonctionnement familial – continuent d’irriguer nombre de structures médico-sociales. Bien qu’elles aient été désavouées, en 2012, par la Haute Autorité de santé.
Et même une fois ce diagnostic posé, il ne suffit pas toujours à convaincre l’ASE que ces parents ne sont pas responsables des troubles de leur enfant. Car les travailleurs sociaux sont rarement formés sur le sujet. « Aujourd’hui encore, j’ai des rapports de l’ASE dans lesquels il est écrit que, si un enfant autiste a des troubles du comportement, c’est lié au modèle éducatif. Parfois, le mot “autiste” n’apparaît même jamais sur dix pages, malgré un diagnostic formel. Évidemment qu’on va vers l’erreur judiciaire ! » dénonce Sophie Janois.
Un problème dont s’est – timidement – saisi le gouvernement. Pour « mettre fin à la confusion entre l’autisme, le TDAH1 et les troubles dys2 », il a publié, l’été 2021, un kit d’information à destination des différents professionnels. Et en attendant que le message passe, Sophie Janois, elle, continue de défendre des parents d’enfants autistes – « deux à trois dossiers par semaine » – menacés de placements.
Lire aussi l Quand les placements abusifs d'enfants deviennent un délire conspi
