Une question de môme embarrassante ? Des éléments de réponse à destination des parents et… de leurs marmots.
![Les adultes ont-ils toujours raison ? 2 lardons 105](https://www.causette.fr/wp-content/uploads/2020/02/lardons-105.jpg)
1. La raison du plus fort
Mon enfant, sache que personne n’a jamais raison tout le temps, pas même les adultes. La différence, c’est que ce sont eux qui ont le dernier mot, car ils ont le pouvoir de décider. D’ailleurs, sais-tu d’où vient le mot « enfant » ? Du terme latin infans, qui signifie « celui qui ne parle pas ». Et de fait, jusqu’à très récemment, on se fichait bien de savoir ce que les marmots avaient à dire. « Traditionnellement, dans la plupart des familles françaises, en milieu rural comme en milieu bourgeois, les enfants ne devaient pas parler à table, quand ils n’étaient pas exclus de cette table jusqu’à l’aube de l’âge adulte », explique ainsi Daniel Calin, formateur d’enseignants spécialisés, dans « De l’enfance muette à l’enfance déniée ». Autrement dit, même quand les enfants avaient raison, ils avaient tort puisque, à l’arrivée, seule la parole du chef de famille comptait.
2. La démocratie familiale
Heureusement, depuis le milieu du XXe siècle, les choses ont sacrément changé. « Il y a eu un basculement, lié aux conséquences de la Seconde Guerre mondiale, à l’évolution des savoirs, des mœurs, des technologies », rappelle le sociologue Gérard Neyrand, spécialiste de la famille et de la parentalité. Dans les années 1970, le modèle familial traditionnel se transforme peu à peu pour laisser place à celui de la « démocratie familiale ». a« Porté par des couches moyennes ayant accédé aux études, ce processus de démocratisation met en avant l’égalité entre les personnes. Il y a une volonté de partager le pouvoir, y compris entre générations », poursuit le spécialiste. Si certaines familles continuent de fonctionner de manière traditionnelle, la majorité opte désormais pour le dialogue. Et les plus jeunes y ont leur place : en France, 91 % des 9–18 ans estiment que leur famille écoute leur opinion.
3. Arguments d’autorité
Mais, tu t’en doutes, ce n’est pas parce que les enfants ont leur mot à dire que les adultes leur donnent forcément raison. Tu as bien vu les réactions face à Greta Thunberg : « gamine », « prophétesse en culotte courte », « il faut qu’elle aille à l’école »… Pour certain·es, le fait qu’elle soit adolescente suffit à discréditer son propos. C’est ce qu’on appelle l’âgisme, soit une forme de discrimination ou de mépris fondés sur l’âge. Si tous les adultes n’adoptent pas cette attitude, il est parfois difficile pour les grandes personnes, et notamment pour les parents, de trouver le bon équilibre entre dialogue et autorité. Car ils ont certes compris qu’il fallait vous écouter, mais ils ont aussi le devoir de vous protéger et de vous guider… même si vous n’êtes pas d’accord avec eux. « Le fait que l’enfant soit posé comme un égal de l’adulte en humanité ne veut pas dire qu’il a le même statut. L’adulte a un statut de responsabilité à l’égard de l’enfant, parce que celui-ci est immature et qu’il a besoin d’un cadre pour pouvoir bien grandir. Ce n’est pas parce qu’on explique à un enfant la raison d’un interdit que cet interdit n’existe plus », résume Gérard Neyrand. Pas si simple, la démocratie à hauteur d’enfant !
4. Un droit à l’expression
Si la vérité ne sort pas toujours de la bouche des enfants, leur parole est néanmoins reconnue par les plus hautes institutions mondiales. En 1989, dans sa Convention relative aux droits de l’enfant, l’ONU l’a d’ailleurs écrit noir sur blanc dans son article 12 : « Les États parties reconnaissent à l’enfant qui est capable de discernement le droit d’exprimer librement son opinion sur toute question l’intéressant, les opinions de l’enfant étant dûment prises en considération eu égard à son âge et à son degré de maturité. » À l’exception des États-Unis, tous les États ont ratifié cette convention. Reste qu’il est compliqué d’établir l’âge auquel un enfant devient « capable de discernement ». Et, dans la pratique, les jeunes restent peu associés aux débats de société. Ce qui ne leur a pas échappé : en 2017, 78 % des Français·es âgé·es de 9 à 18 ans estimaient qu’on ne les écoutait pas avant que des décisions les concernant ne soient prises.
5. Des enfants qui décident ?
Malgré tout, la voix des enfants porte de plus en plus auprès des institutions. Lille, Concarneau, Colmar, Vincennes, Aulnay-sous-Bois… depuis les années 1990, les conseils municipaux des enfants se sont considérablement développés – il en existe environ deux mille. Idem pour les conseils départementaux des jeunes. « Il y a aujourd’hui des expériences de prise en compte de la parole de ‑l’enfant. Elles ne sont pas généralisées, elles sont souvent ponctuelles, mais cela montre qu’il y a une volonté d’écouter davantage les plus jeunes », observe le sociologue Gérard Neyrand. Lui en est convaincu : « Nous sommes à un tournant, à un moment de transition où les institutions ont conscience qu’il est nécessaire d’écouter les enfants. » Qui sait, peut-être que dans vingt ans, les futures Greta Thunberg seront (vraiment) entendues par les adultes ?