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Les adultes ont-​ils tou­jours raison ?

Une ques­tion de môme embar­ras­sante ? Des élé­ments de réponse à des­ti­na­tion des parents et… de leurs marmots. 

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1. La rai­son du plus fort 

Mon enfant, sache que per­sonne n’a jamais rai­son tout le temps, pas même les adultes. La dif­fé­rence, c’est que ce sont eux qui ont le der­nier mot, car ils ont le pou­voir de déci­der. D’ailleurs, sais-​tu d’où vient le mot « enfant » ? Du terme latin infans, qui signi­fie « celui qui ne parle pas ». Et de fait, jusqu’à très récem­ment, on se fichait bien de savoir ce que les mar­mots avaient à dire. « Traditionnellement, dans la plu­part des familles fran­çaises, en milieu rural comme en milieu bour­geois, les enfants ne devaient pas par­ler à table, quand ils n’étaient pas exclus de cette table jusqu’à l’aube de l’âge adulte », explique ain­si Daniel Calin, for­ma­teur d’enseignants spé­cia­li­sés, dans « De l’enfance muette à l’enfance déniée ». Autrement dit, même quand les enfants avaient rai­son, ils avaient tort puisque, à l’arrivée, seule la parole du chef de famille comptait.

2. La démo­cra­tie familiale 

Heureusement, depuis le milieu du XXe siècle, les choses ont sacré­ment chan­gé. « Il y a eu un bas­cu­le­ment, lié aux consé­quences de la Seconde Guerre mon­diale, à l’évolution des savoirs, des mœurs, des tech­no­lo­gies », rap­pelle le socio­logue Gérard Neyrand, spé­cia­liste de la famille et de la paren­ta­li­té. Dans les années 1970, le modèle fami­lial tra­di­tion­nel se trans­forme peu à peu pour lais­ser place à celui de la « démo­cra­tie fami­liale ». a« Porté par des couches moyennes ayant accé­dé aux études, ce pro­ces­sus de démo­cra­ti­sa­tion met en avant l’égalité entre les per­sonnes. Il y a une volon­té de par­ta­ger le pou­voir, y com­pris entre géné­ra­tions », pour­suit le spé­cia­liste. Si cer­taines familles conti­nuent de fonc­tion­ner de manière tra­di­tion­nelle, la majo­ri­té opte désor­mais pour le dia­logue. Et les plus jeunes y ont leur place : en France, 91 % des 9–18 ans estiment que leur famille écoute leur opinion.

3. Arguments d’autorité 

Mais, tu t’en doutes, ce n’est pas parce que les enfants ont leur mot à dire que les adultes leur donnent for­cé­ment rai­son. Tu as bien vu les réac­tions face à Greta Thunberg : « gamine », « pro­phé­tesse en culotte courte », « il faut qu’elle aille à l’école »… Pour certain·es, le fait qu’elle soit ado­les­cente suf­fit à dis­cré­di­ter son pro­pos. C’est ce qu’on appelle l’âgisme, soit une forme de dis­cri­mi­na­tion ou de mépris fon­dés sur l’âge. Si tous les adultes n’adoptent pas cette atti­tude, il est par­fois dif­fi­cile pour les grandes per­sonnes, et notam­ment pour les parents, de trou­ver le bon équi­libre entre dia­logue et auto­ri­té. Car ils ont certes com­pris qu’il fal­lait vous écou­ter, mais ils ont aus­si le devoir de vous pro­té­ger et de vous gui­der… même si vous n’êtes pas d’accord avec eux. « Le fait que l’enfant soit posé comme un égal de l’adulte en huma­ni­té ne veut pas dire qu’il a le même sta­tut. L’adulte a un sta­tut de res­pon­sa­bi­li­té à l’égard de l’enfant, parce que celui-​ci est imma­ture et qu’il a besoin d’un cadre pour pou­voir bien gran­dir. Ce n’est pas parce qu’on explique à un enfant la rai­son d’un inter­dit que cet inter­dit n’existe plus », résume Gérard Neyrand. Pas si simple, la démo­cra­tie à hau­teur d’enfant !

4. Un droit à l’expression 

Si la véri­té ne sort pas tou­jours de la bouche des enfants, leur parole est néan­moins recon­nue par les plus hautes ins­ti­tu­tions mon­diales. En 1989, dans sa Convention rela­tive aux droits de l’enfant, l’ONU l’a d’ailleurs écrit noir sur blanc dans son article 12 : « Les États par­ties recon­naissent à l’enfant qui est capable de dis­cer­ne­ment le droit d’exprimer libre­ment son opi­nion sur toute ques­tion l’intéressant, les opi­nions de l’enfant étant dûment prises en consi­dé­ra­tion eu égard à son âge et à son degré de matu­ri­té. » À l’exception des États-​Unis, tous les États ont rati­fié cette conven­tion. Reste qu’il est com­pli­qué d’établir l’âge auquel un enfant devient « capable de dis­cer­ne­ment ». Et, dans la pra­tique, les jeunes res­tent peu asso­ciés aux débats de socié­té. Ce qui ne leur a pas échap­pé : en 2017, 78 % des Français·es âgé·es de 9 à 18 ans esti­maient qu’on ne les écou­tait pas avant que des déci­sions les concer­nant ne soient prises. 

5. Des enfants qui décident ? 

Malgré tout, la voix des enfants porte de plus en plus auprès des ins­ti­tu­tions. Lille, Concarneau, Colmar, Vincennes, Aulnay-​sous-​Bois… depuis les années 1990, les conseils muni­ci­paux des enfants se sont consi­dé­ra­ble­ment déve­lop­pés – il en existe envi­ron deux mille. Idem pour les conseils dépar­te­men­taux des jeunes. « Il y a aujourd’hui des expé­riences de prise en compte de la parole de ‑l’enfant. Elles ne sont pas géné­ra­li­sées, elles sont sou­vent ponc­tuelles, mais cela montre qu’il y a une volon­té d’écouter davan­tage les plus jeunes », observe le socio­logue Gérard Neyrand. Lui en est convain­cu : « Nous sommes à un tour­nant, à un moment de tran­si­tion où les ins­ti­tu­tions ont conscience qu’il est néces­saire d’écouter les enfants. » Qui sait, peut-​être que dans vingt ans, les futures Greta Thunberg seront (vrai­ment) enten­dues par les adultes ?

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