Un rapport du Centre d’études et de recherche sur les qualifications (Céreq) nous éclaire sur les facteurs qui entravent le recours au congé paternité.
Qui n’ose pas prendre son congé pater passé les 11 jours obligatoires ? Aux extrêmes de l’échelle des salaires, les pères plombent la moyenne française : 73 % de ceux percevant les plus hauts salaires – 3 500 euros et plus – et 66 % seulement des hommes gagnant moins de 1 400 euros par mois prennent leur congé paternité, chiffres tirés d’une étude d’Alix Sponton pour le Céreq*. Publiée le 4 mars 2022, elle interroge ce qui conditionne l’accès des hommes au congé deuxième parent.
Depuis juillet, ce dernier a été allongé à un mois, dont 11 jours obligatoires. La réforme n’a pas eu une influence significative sur la fraction de pères se saisissant des jours non obligatoires, laquelle se situe toujours aux alentours de huit pères sur dix.
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Les raisons qui poussent les deux pères restant à ne pas opérer ce choix sont multiples et largement liées à leur situation professionnelle, nous apprend le Céreq. À commencer par le statut et donc la stabilité de l’emploi : si 87 % des pères en CDI ont recours au congé paternité, le taux descend à 65 % pour les pères en contrats courts et discontinus, 33 % des indépendants et seulement 24 % des demandeurs d’emploi. Ces chiffres s’expliquent notamment par une certaine méconnaissance du droit, mais aussi un sentiment d’illégitimité ou d’« illogisme », les personnes au chômage ne pensant pas à prendre des congés durant une période de non-emploi. En ce qui concerne les indépendants, cela peut également se comprendre par un manque à gagner, les indemnités journalières qui leur reviennent étant moins conséquentes que celles des salariés du privé – sans parler des fonctionnaires, qui conservent l’intégralité de leur salaire – et représentent donc une perte financière pour ceux qui gagnent plus de 1 600 euros net par mois.
L’analyse du phénomène en fonction des salaires met aussi en évidence le fait que, de se situer, ou dans une situation professionnelle précaire ne permettant pas de négocier sereinement le congé, ou dans une position professionnelle dominante à haute responsabilité, mène dans les deux cas à un abandon plus marqué du recours au congé paternité. En effet, à partir de 1 539 euros par mois jusqu’à 2 499 euros, le taux de recours à ce dernier reste relativement stable et oscille entre 78 et 84 %. Il atteint le pic de 98 % pour la tranche qui touche de 2 500 à 2 899 euros par mois, avant de s’affaisser à 73 % pour les 3 500 euros et plus, soit sensiblement la même fraction de pères que celle à l’autre bout du spectre, 66 % seulement des hommes gagnant moins de 1 400 euros par mois prenant leur congé paternité.
Autre facteur influent : le nombre d’années d’étude effectuées par le père. Dans des postes comparables, les pères titulaires d’un bac+3 ou plus ont 2,5 fois plus de chance de recourir au congé de paternité que ceux titulaires d’un baccalauréat, et les hommes sont plus susceptibles de prendre leur congé quand la mère de l’enfant est plus diplômée qu’eux.
Outre la création d’un lien avec l’enfant, le congé paternité est un potentiel vecteur d’égalité entre les deux parents, notamment au niveau de la charge mentale que représente l'arrivée d'un nourrisson. Avantage à relativiser toutefois, l’étude du Céreq montrant que, concernant la répartition des tâches familiales et domestiques, la différence d'implication entre les pères qui recourent aux 11 jours et ceux qui n’exercent pas leur droit reste assez faible. Implication qui, au demeurant, reste bien inférieure à celle fournie par les mères.
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* Organisme public sous tutelle du ministère chargé du travail et de l’emploi.