Mon corps, mon choix ! N’empêche que décider de faire un bébé toute seule vous met parfois dans des situations improbables. Tranches de vie.
Émilie, 37 ans
Assistante de direction
en architecture d’intérieur à Lyon
« Pour ma première insémination, j’ai fait deux allers-retours à Barcelone en quatre jours ! Quand j’ai senti que mon ovulation arrivait, je suis partie immédiatement à la clinique. C’était un lundi. Mais, sur place, on m’a dit que ça n’allait pas le faire. Je suis donc rentrée en France le mardi. Le mercredi, il se trouve que j’avais un contrôle gynéco, qui montrait que j’étais prête. Je suis donc repartie en Espagne le jeudi. Heureusement que ma patronne est flexible…
Pour ma deuxième insémination, quelques mois plus tard, je suis repartie à Barcelone. Me voyant seule, un couple de Français m’a invitée à prendre un verre. La femme faisait exactement le même parcours que moi, et seule ! L’homme à ses côtés était bien son compagnon, mais ils s’étaient rencontrés alors que son parcours PMA avait déjà commencé. Il a pris soin de nous deux – moi y compris ! – pendant les quatre jours. Il me rejoignait à la piscine pour me tenir compagnie, payait mes additions, allait nous chercher à boire… Ce n’était pas à en oublier l’insémination, car on ne parlait que de ça, mais ça m’a quand même libérée. »
Maryam*, 37 ans
Aide médico-psychologique à Nantes
« Mes deux filles ont seize ans d’écart. Maxyne, ma dernière de 3 ans et demi, est issue d’une PMA solo en Espagne. Ma grande, Ambre, a 19 ans. C’était une grossesse spontanée, pas prévue. Comme je l’ai eue tôt, à 19 ans, et que je fais jeune, les gens nous prennent pour des sœurs ou des amies. Et, comme Maxyne surnomme sa sœur “baba” – ce qui ressemble à “papa” –, les gens comprennent encore moins ! Un jour, on était dans la salle d’embarquement d’un aéroport. J’ai emmené Maxyne aux toilettes. Au loin, Ambre m’a appelée en criant “Maman”. Quand quelqu’un crie “Maman”, les gens lèvent généralement les yeux pour voir si un enfant est perdu. Comme d’habitude, je voyais leur regard d’incompréhension, cherchant à qui cette jeune femme pouvait s’adresser. Puis, voyant Ambre, Maxyne s’est écriée “Baba” ! Le visage des gens s’est carrément décomposé. Je les imagine se dire “Hein ? Il y a une jeune qui en a appelé une autre ‘Maman’, puis son bébé a appelé la première ‘Papa’” ! Même les personnes qu’on connaît bien tiquent. »
Katia, 39 ans
Naturopathe à Bruxelles
« Des amis de mes parents ont offert un lot de bavoirs à Jeanne pour sa naissance. Sur l’un d’eux, il y avait écrit “Papa est le meilleur”… Une fois, avec elle, on est allées passer un après-midi chez des amis. Elle avait 3 ans. Eux avaient un enfant de 6 ans. Il a pris le contrôle du lecteur CD et a passé Papa où t’es, de Stromae, quatre ou cinq fois d’affilée ! Jeanne parlait déjà couramment, ça se voyait qu’elle essayait de comprendre les paroles. Le petit ne pouvait pas capter en quoi c’était délicat, mais j’aurais apprécié un peu de soutien des parents… »
Célia*, 24 ans
Chargée de clientèle en agence
de marketing à La Rochelle
« Pour mon accouchement, je suis allée à l’hôpital seule. Ma mère devait m’y rejoindre. Je me revois arriver, monter mes valises toute seule avec mes cathéters dans le bras, puis dire au personnel : “Je reviens, je dois encore aller chercher des affaires dans la voiture.” Avec mon gros ventre, j’ai fait un dernier aller-retour les bras chargés. Et, au moment même où je rangeais le dernier paquet, où je posais enfin mon blouson sur le portemanteau, la poche des eaux s’est fissurée. C’était comme un signe. Je me suis dit : “Tout l’univers nous suit, je gère !” »
Johanna, 38 ans
Journaliste et autrice à Paris
« Pendant que j’étais enceinte, il m’est arrivé de discuter avec des hommes sur des applis de rencontres. Dès lors qu’ils savaient que j’attendais un enfant, j’ai constaté une forme de solidarité masculine : au lieu de s’intéresser à moi, à ma vie, mon parcours, ces hommes me demandaient systématiquement ce que j’avais fait du père. Ils s’identifiaient tout de suite. Je sentais leur panique.J’avais envie de répondre : “Écoute, j’ai découpé son sexe et je l’ai cuisiné sauce Madère, pourquoi ?” J’en ai envoyé balader pas mal comme ça, ça m’agaçait de voir leurs réflexes de caste se réactiver. “Qu’est-ce que t’as fait du père ?” ça sonne comme un reproche et, comme souvent, les reproches, c’est pour nous, pas pour eux. Ils ont été rares à ne pas réagir comme ça, à être bienveillants, curieux et ouverts. »
Alexandra, 38 ans
Infirmière près d’Antibes
« Une nuit, je n’en pouvais plus, mais j’ai dû me lever une énième fois, car Thomas pleurait. Et là, alors que je le changeais, il m’a fait caca dessus, en mode geyser. Je me suis dit : “Mais, WHAT THE FUCK, c’est quoi cette vie ?!” Le lendemain, tu dois te lever à 6 heures pour aller au taf, tu gères toute la logistique, les courses, faut rentrer tôt, essayer de prendre soin de toi… Ça me fait toucher du doigt la notion de résilience. J’hallucine encore de voir tout ce qu’on peut endurer en termes de fatigue nerveuse et physique. Mon corps, en fait, c’est une machine ! »
Julie, 43 ans
Consultante dans le domaine de la philanthropie à Paris
« L’orthophoniste de ma fille lui a fait répéter “papa” et, quand ma fille lui a dit “Tu sais, j’ai pas de papa”, elle lui a répondu : “Un enfant sans papa, ça n’existe pas.” »