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Si c'est pas bien de taper, alors pour­quoi les parents le font ?

Une question de môme embarrassante ? Des éléments de réponse, à destination des parents. Et de leurs marmots.

Enfants lardons 98

1. Mon enfant, 

Sache que tu n’es pas la seule à recevoir des fessées. Dis-toi bien que, selon leur époque et leur culture, les parents ont des avis trèèèèèès différents sur la façon dont on doit élever un enfant. Mais s’il y a bien une chose qu’ils font tous (ou presque), c’est de taper leurs marmots pour les punir. Y compris chez nous, en France, où 67 % des parents disent donner (ou avoir donné) des fessées, et où 42 % estiment que c’est une bonne chose (sondage TNS-Sofres de 2009). En fait, cette habitude est très ancrée chez les humains. C’est le psychiatre et anthropologue Daniel Delanoë qui l’explique : « Mis à part les chasseurs-cueilleurs [du Paléolithique, ndlr], qui étaient des sociétés égalitaires, toutes les sociétés recourent aux châtiments corporels pour éduquer les enfants. C’est un usage qui est apparu avec le développement des classes et de la hiérarchie sociales, au moment de la sédentarisation et de la naissance de l’agriculture. Aujourd’hui encore, c’est une pratique quasi universelle. 

2. La faute d’Adam et Ève

Il faut dire que, pendant des siècles, et même des millénaires, on a encouragé les parents à le faire. Tiens, la religion chrétienne, par exemple, ça a toujours été son grand truc, les punitions corporelles. Dans la Bible, déjà, on disait que « celui qui ménage les verges hait son fils, mais celui qui l’aime le corrige de bonne heure ». Cela peut te paraître étrange, mais il faut savoir que, dans les trois grandes religions monothéistes, l’enfant est perçu comme un être potentiellement mauvais, qu’il faut « châtier » pour en faire sortir le mal. À ce propos, tu as déjà entendu parler du « péché originel » ? C’est une idée qui s’est particulièrement développée chez les catholiques et qui renvoie à l’histoire d’Adam et Ève. Eh bien, oui ! tu sais, on raconte que ces deux-là ont ­désobéi à Dieu en mangeant le fruit défendu. Résultat, leurs enfants, leurs petits-enfants et tous les humains après eux seraient nés avec une tendance à commettre le mal. C’est pour ça qu’il faut les « purifier » (par les coups, tu l’auras compris). Je peux t’assurer que, pendant des siècles, on s’en est donné à cœur joie, tant dans les écoles que dans les établissements religieux. Chez les Jésuites, encore au XVIIIe siècle, il y avait carrément des « frères fesseurs » ! Tout ça te semble sûrement bien loin. « Mais cet arrière-plan culturel, cette croyance dans le péché originel de l’enfant imprime toujours notre culture », rappelle le psychiatre et anthropologue Daniel Delanoë. 

3. La confiance en prend un coup 

Le truc, c’est qu’on a fini par se rendre compte que les fessées, ça n’était pas très efficace et que ça pouvait même n’être pas très bon pour les enfants. Au fil du temps, de plus en plus de voix se sont élevées contre les punitions corporelles trop sévères (comme Montaigne, au XVIe siècle, ou Victor Hugo, au XIXe siècle). Mais c’est surtout à partir des années 1980, à la suite d’études de la psychanalyste suisse Alice Miller, que les chercheurs et chercheuses ont commencé à étudier vraiment leurs conséquences sur la santé des enfants. Alors, je t’arrête tout de suite : ce n’est pas parce que tu t’es pris un panpan-culcul une fois que tu vas être traumatisée à vie, hein. Mais on sait aujourd’hui que plus un marmot comme toi reçoit de fessées, moins il a confiance dans ses parents, et plus il a de risques de développer des troubles du comportement, de l’agressivité, d’être en échec scolaire… Crois-moi, c’est pas du chiqué : « Environ 150 études ont montré ces effets », rappelle Daniel Delanoë. C’est d’ailleurs pour cette raison que l’Organisation mondiale de la santé (OMS) s’est opposée, dès 2002, aux punitions corporelles, qu’elle considère être une question de santé publique.

4. La claque en héritage

Maintenant que tu sais tout ça, tu dois te demander pourquoi les parents continuent de donner des fessées, n’est-ce pas ? Eh bien, tout simplement parce qu’ils ont eux-mêmes été élevés comme ça, et qu’il est souvent compliqué de remettre en question l’éducation de nos parents, surtout si on est attachés à eux. D’ailleurs, beaucoup ne savent pas comment faire autrement. Personne ne leur a appris qu’il existait d’autres méthodes pour marquer son autorité ou sanctionner un gamin qui dépasse les bornes. Alors parfois, sous le coup de la colère ou de la fatigue – parce que bon, laisse-moi te dire que vous avez le don de nous rendre chèvres –, il y a une claque qui part. Les parents n’en sont pas forcément fiers, mais ils se disent aussi que ça fait partie de leur rôle. Et on ne peut pas vraiment leur en vouloir : même les gens qui font les lois se crêpent le chignon sur cette question !

5. La France mauvaise élève

Pour que les parents cessent de taper leurs enfants, un pays a sorti les grands moyens : la Suède. En 1979, elle a adopté une loi qui interdit toute punition corporelle. Bon, ce n’est pas pour envoyer les parents en prison, mais pour lancer un message fort à la société : les enfants aussi ont droit au respect de leur intégrité physique. Depuis, cinquante-trois pays ont fait de même, en Europe, en Amérique latine, en Afrique… Mais pas la France (qui a pourtant ratifié la Convention internationale des droits de l’enfant de 1989). « Elle sera tôt ou tard obligée de le faire, car toutes les institutions internationales (ONU, Unicef, OMS…) poussent dans ce sens », estime Olivier Maurel, président de l’Observatoire de la violence éducative ordinaire. En novembre 2018, nos député·es ont adopté une proposition de loi interdisant les « violences éducatives ». Mais le Sénat doit aussi se prononcer. « Elle se heurtera encore à une forte opposition, car partout les lois contre les punitions corporelles ont été votées contre l’opinion publique », prévient Olivier Maurel. Ce qui est sûr, c’est qu’on n’a pas fini d’entendre parler de fessées !

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