Retiré du marché par Bayer en 2017 dans un contexte de plaintes de patientes sur ses effets secondaire, le dispositif médical est, ce 19 octobre, l'objet d'une enquête du média breton Splann !.
Pourquoi l'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) n'a jamais indiqué qu'en avril 2017, une expertise indépendante qu'elle avait commandée montrait un risque de corrosion des implants Essure ? C'est la question qui se pose à la lecture d'une enquête du média breton Splann !, publiée ce 19 octobre et qui revient sur ce dispositif médical très controversé.
Essure, c'est cette méthode de stérilisation vendue aux femmes jusqu'en 2017 par le géant pharmaceutique Bayer : deux petits implants de 4 centimètres, essentiellement composés de nickel-titane et de fibres de PET, placés dans les trompes de Fallope, sans incision ni anesthésie. Problème : comme nous le révélions dès novembre 2016, de nombreuses femmes se sont plaintes d'effets secondaires très lourds à la suite de la pause. Épuisement chronique, douleurs musculaires intenses, troubles neurologiques… Face à ces symptômes, certain·es membres du corps médical refusaient alors de faire le lien avec les implants Essure. De son côté, l’ANSM ne condamnait pas le dispositif mais avait lancé en avril 2016 une étude interne visant à « évaluer la sécurité de l’implant Essure ».
« La corrosion est à la base de la réaction allergique »
En février 2017, révèle Splann ! aujourd'hui, l'ANSM va plus loin et confie cette fois une étude à un expert indépendant issu d'une école des Mines « pour étudier un paramètre très précis : le risque de corrosion de l’implant ». Déterrée par le média d'investigation, cette étude qui analyse de la stabilité des matériaux constitutifs des implants conclut que la composition des soudures, la géométrie de l’implant (en forme de ressort) et sa position dans le corps créaient toutes les conditions pour qu’une « corrosion galvanique » se produise. Autrement dit, le risque sanitaire induit est démontré. « La corrosion est à la base de la réaction allergique que l’on pouvait observer chez les patientes », indique une source médicale à Splann !. Or, les patientes et certain·es médecin·es interrogé·es lors de notre enquête soupçonnaient déjà une réaction allergique aux composants d'Essure, le nickel étant un métal particulièrement allergène : « J’ai rencontré des patientes ayant des douleurs importantes et évidentes, devenues invalidantes très rapidement après la pose d’Essure – sans aucun défaut de mise en place. Par la suite, des tests ont confirmé qu’il y avait une allergie au nickel », observait ainsi le professeur Bernard Hédon, alors président du Collège national des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF).
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En 2016, nous montrions aussi une grande disparité dans l'écoute de la voix des patientes présentant des effets secondaires pour certains très handicapants. Ainsi, au sein même du CNGOF, nous révélions qu'un confrère de Bernard Hédon, le professeur Hervé Fernandez, donnait « des conférences rémunérées par Bayer de temps à autre ». Splann ! corrobore nos informations sur le Pr. Fernandez et ajoute deux autres noms de pontes de la gynécologie à avoir perçu de l'argent de la part de la firme allemande : Olivier Graesslin, qui n'était rien moins que le président de la commission Essure au sein du CNGOF entre 2014 et 2019 et Pierre Panel, chef de service au CHU de Versailles, anciennement vice-président du CNGOF. Tous trois ont perçu, indique Splann ! des sommes oscillant entre 35.931 € et 66.746 € de la part de Bayer.
Pas de preuve, selon Bayer
En France, et alors que l'étau se referme sur Essure en raison de la vigilance de l'ANSM et du plaidoyer qu'organisent les patientes à travers l'association Resist, Bayer décide de renoncer à la vente des implants de stérilisation en août 2017. Il faut dire qu'elles se font accompagner par accompagnés Me Charles Joseph-Oudin, le médiatique avocat des victimes du Médiator et de la Dépakine et qu'aux États-Unis, les victimes américaines d'Essure ont entrepris une bataille judiciaire contre le laboratoire. Finalement, Bayer a déboursé 1,6 milliard de dollars (1,63 milliard d’euros) outre-Atlantique pour mettre fin aux procédures engagées par quelque 39 000 patientes.
Ce qui ne l'empêche pas de maintenir aujourd'hui encore que son dispositif - dont le retrait mondial intervient en 2018 - est sûr. Pour Bayer, l'étude révélée par Splann ! « évoque la simple possibilité d’une corrosion galvanique, sans toutefois que celle-ci soit démontrée de quelque manière ». « Les tests et essais cliniques menés dans le cadre du développement et de l’approbation réglementaire du dispositif médical ont pris en compte le risque éventuel de corrosion du dispositif », insiste le groupe allemand.
Quant à l'ANSM, interrogée par Le Monde, elle « ne s’explique pas la non-publication de cette analyse à l’époque de sa remise, il y a plus de cinq ans. Mais l’agence dément avec force toute volonté d’occulter ce travail, qu’elle a elle-même commandé. » Enfin, elle précise que les éléments sur le risque de corrosion galvanique ont été « transmis aux membres de la task force européenne qui a fonctionné à l’époque ». Une chose est sûre : pour les patientes qui ont subi les plus lourds effets secondaires, la seule solution pour apaiser les souffrances a été de recourir à une ablation des trompes et/ou de l'utérus pour se faire retirer les implants Essure. Citées par Splann !, les autorités sanitaires indiquent un chiffre très élevé de retrait : 30 000 femmes en France, soit plus de 15% des femmes implantées.