Agressif et pour certaines ravageur, le cancer du sein triple négatif a longtemps laissé la recherche en oncologie dans l’impasse. En France, les patientes expertes du collectif Triplettes roses ont obtenu, grâce à leur mobilisation, un accès précoce à un traitement pas encore autorisé, qui leur permet de gagner du temps de survie. Voire d’entrevoir la guérison.
Gagner du temps pour vivre, et peut-être même guérir. Le collectif de patientes les Triplettes roses et le laboratoire MSD ont communiqué mi-juin sur les bons résultats des patientes atteintes d'un cancer du sein triple négatif qui bénéficient d'un traitement d'immunothérapie dans le cadre de deux accès précoces distincts, accordés par la Haute autorité de santé (HAS) à l'automne et au printemps.
Utilisé jusqu’ici pour traiter d’autres cancers, le Keytruda (molécule pembrolizumab) augmenterait les chances de survie médiane des femmes et pourrait empêcher le développement des métastases pour celles traitées à temps. Un immense espoir pour ces patientes, puisque le triple négatif – qui représente 15 % des cancers du sein – est une maladie particulièrement agressive, aux récidives fréquentes, qui touche des femmes jeunes et pour laquelle « il n’y avait pas eu d’avancées médicales pendant vingt ans », selon Golriz Pahlavan, directrice des affaires médicales de MSD France. Quand ce cancer métastase, la médiane de survie n’est que de quatorze mois.
Jusqu’à très récemment, en effet, les réponses proposées par l’oncologie étaient composées de chimiothérapies, radiothérapies et chirurgie. L’intégration récente des techniques d’immunothérapie avait déjà permis aux patientes dont le stade de la maladie était le plus avancé, avec l’autorisation de mise sur le marché en novembre 2021 du Trodelvy, du laboratoire américain Gilead, de gagner du temps sur la progression de la maladie. Dans ce contexte, la HAS se félicite d’avoir autorisé l’accès précoce au Keytruda : « L’immunothérapie a fait ses preuves dans le traitement de nombreux cancers et elle permet un confort de vie meilleur que les chimiothérapies très agressives », souligne auprès de Causette Sophie Kelley, cheffe du service évaluation des médicaments de l’instance rattachée au ministère de la Santé.
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Le Keytruda proposé par MSD France, filiale de l’Américain Merck, s’adresse à des patientes dont la maladie est un peu moins avancée. Début novembre 2021, la HAS autorisait son usage en accès précoce pour les patientes dont la tumeur n’est pas opérable, ou qui en sont au stade métastatique et n’ont pas encore commencé de chimiothérapie ciblant les métastases. 1 600 patientes bénéficient actuellement de ce traitement, selon Golriz Pahlavan, pour « 6,9 mois de survie médiane supplémentaires ». Mi-mars, la HAS étendait l’accès précoce au Keytruda aux patientes dont le cancer triple négatif est localement avancé et à haut risque de récidive – selon des facteurs génétiques, ce cancer n’étant pas d’origine hormonale. Pour les 6 800 patientes accompagnées dans le cadre de cet accès précoce, les risques de rechute ont diminué de 7,7 % entre mars et juin, selon les chiffres avancés par MSD. Pour Golriz Pahlavan, ces résultats donnent à penser que, sur le long terme, ces patientes pourraient être guéries – comprendre : qu’elles ne développeront pas de métastases.
Le laboratoire et le collectif Triplettes roses attendent désormais l’autorisation de mise sur le marché du Keytruda dans le cadre du cancer triple négatif, qui devrait être délivrée dans les mois qui viennent après fixation du prix.
Depuis juillet 2021, la HAS peut délivrer des accès précoces aux médicaments innovants sur présomption d’efficacité et de sécurité, après avis de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM). Un protocole simplifié et accéléré pour délivrer « des médicaments porteurs d’espoir pour des patients en impasse thérapeutique », conditionné au recueil de données pour en établir l’efficacité. En dix mois, près de cent demandes ont été déposées et quarante médicaments rendus accessibles, avec un délai de décision rendu en soixante jours en moyenne, précise la HAS.
Dans leur contribution au dossier de la demande d’accès précoce du Keytruda, les Triplettes roses avaient souligné que pour les patientes atteintes d’un cancer triple négatif, « chaque semaine de perdue pour accéder à l’immunothérapie est une PERTE DE CHANCE ». Le collectif souligne que beaucoup de jeunes patientes, pas encore intégrées aux processus de dépistages en raison de leur âge, sont diagnostiquées tardivement et recommande aux professionnel·les de santé une vigilance soutenue sur ce type de cancer.
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