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© Priscilla Du Preez

Endométriose : un an après, quel bilan pour la stra­té­gie nationale ?

Le 11 jan­vier 2022, le gou­ver­ne­ment d'Emmanuel Macron annon­çait la pre­mière stra­té­gie natio­nale de lutte contre l’endométriose. Un an après les pro­messes annon­cées, Causette fait un état des lieux de la situation. 

C’était une pro­messe de cam­pagne : faire de l’endométriose un enjeu de san­té publique. Le 11 jan­vier 2022, le pré­sident de la République annon­çait dans une vidéo la pre­mière stra­té­gie natio­nale de lutte contre l’endométriose. Un plan visant à pal­lier les errances de diag­nos­tic, le manque de com­mu­ni­ca­tion, de recherche ou encore de prise en charge de cette mala­die qui touche une à deux femmes sur dix, selon le rap­port du minis­tère des Solidarités et de la Santé. La stra­té­gie natio­nale repo­sait donc sur trois axes : aug­men­ter la recherche, créer des filières de soins dans toutes les régions, et mieux faire connaître l'endométriose.

L'annonce avait été reçue avec beau­coup de sou­la­ge­ment par les asso­cia­tions qui luttent depuis plus de vingt ans pour mieux faire connaître la mala­die. « Quand la stra­té­gie a été annon­cée, on était gran­de­ment satis­faite », indique Yasmine Candau, pré­si­dente de EndoFrance à Causette, tout en nuan­çant qu'« on peut tou­jours espé­rer mieux ». À l'heure du bilan, un an après le lan­ce­ment de la stra­té­gie, les avis des asso­cia­tions sont par­ta­gés sur le sujet. « Le fait qu’un pré­sident prenne la parole sur le sujet de l'endométriose, ça ne s’est jamais vu dans d’autres pays euro­péens », admet la pré­si­dente d'EndoFrance. Mais, « il y a quand même un point d’interrogation un an après », indique-​t-​elle. Myriam Poulain, la pré­si­dente de l'association EndoAction évoque, elle, une décep­tion pro­fonde et se dit « tou­jours en attente ». Elle n’a « pas l’impression que grand chose ait chan­gé » en un an. 

Les filières de soins régionales 

L'un des axes de la stra­té­gie, l'amélioration de l'accès aux soins pour toutes par le biais de la créa­tion de filières de soins régio­nales, était deman­dé par les asso­cia­tions depuis long­temps. « Ça on peut dire que c'est vrai­ment en cours », estime Yasmine Candau. « Il y a main­te­nant plu­sieurs filières de soins qui ont été mises en route et qui fonc­tionnent sur le ter­ri­toire », continue-​t-​elle. Ces struc­tures per­mettent « d’informer les citoyens, de for­mer les pro­fes­sion­nels, de diag­nos­ti­quer l’endométriose, d’annoncer ce diag­nos­tic et d’organiser la prise en charge per­son­na­li­sée de chaque patiente », indique le site du minis­tère de la Santé et de la Prévention. La pre­mière filière de soins a été crée en 2019, dans la région Auvergne-​Rhône-​Alpes, sous l'impulsion d'Agnès Buzyn lorsqu'elle était ministre des Solidarités et de la Santé. Depuis, d'autres struc­tures ont vu le jour dans plu­sieurs régions. Le nombre de struc­tures n'est pas pré­ci­sé sur le site du minis­tère de la Santé, et ce der­nier, sol­li­ci­té par Causette à ce sujet, n'a pas répon­du. Pour Yasmine Candau, « on est sur la bonne voie » pour que chaque région fran­çaise dis­pose d'une filière de soins en 2023. 

Tandis que pour Priscilla Saracco, béné­vole à l'association EndoMind et membre du comi­té de pilo­tage de la stra­té­gie, cet objec­tif « ne sera pas res­pec­té ». Selon elle, « c'est quand même très com­pli­qué de mettre en place les choses, il y encore des régions où il ne se passe abso­lu­ment rien comme en Occitanie ». « La struc­tu­ra­tion, l'organisation, la créa­tion du site inter­net, la fédé­ra­tion, la for­ma­tion des pro­fes­sion­nels, tout repose sur les pro­fes­sion­nels de san­té et sur nous les asso­cia­tions de patientes, dont ce n'est pas le bou­lot », pointe-t-elle.

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La for­ma­tion des professionnel·les de santé 

Le bon fonc­tion­ne­ment des filières de soins repose sur une bonne for­ma­tion des professionnel·les de san­té à la mala­die, selon les asso­cia­tions EndoFrance, EndoAction et EndoMind. Sur ce point, Yasmine Candau, pré­si­dente de l'association EndoFrance est enthou­siaste. « Concernant la for­ma­tion médi­cale, la très bonne nou­velle pour nous, c'est que l'endométriose a été inté­grée dans les études médi­cales de second cycle, une demande qu'on avait fait en 2003 ». La pré­si­dente de l'association explique que « l'endométriose est aus­si ins­crite à l'agence DPC (Agence natio­nale du déve­lop­pe­ment pro­fes­sion­nel conti­nu) » et « ça c'est une grande chose » souligne-t-elle. 

Christelle Nazarin, patiente atteinte d'endométriose et béné­vole au sein de l'association EndoAction, tem­père en sou­li­gnant que « la for­ma­tion des méde­cins ne va pas assez vite et la recon­nais­sance n'est pas là ». Elle a appris en août der­nier que sa petite soeur de vingt-​trois ans était atteinte d'endométriose et ne sou­haite pas qu'elle soit dans la même errance médi­cale que elle a connu quelques années aupa­ra­vant. « Le sui­vi qu'elle a n'est pas encore bon, on n'y est pas encore », estime-t-elle. 

La recherche sur l'endométriose

Côté recherche, le flou domine. « La recherche est bal­bu­tiante, on ne sait pas encore l'origine de l'endométriose », indique Yasmine Candau. Pourtant, « la vraie sor­tie de crise c'est la recherche », selon Mélanie1, béné­vole dans une asso­cia­tion. « Il faut abso­lu­ment un bud­get dédié à la recherche, là le minis­tère a indi­qué une enve­loppe de vingt mil­lions sur cinq ans, le bémol c'est que c'est un bud­get glo­bal dédié à la san­té des femme et pas seule­ment sur l'endométriose », sou­tient Yasmine Candau. 

La béné­vole d'EndoMind, Priscilla Saracco, sou­ligne en effet que le bud­get alloué par le gou­ver­ne­ment est dédié à « une cohorte de recherches qui inclut plu­sieurs sujets ». « À ce jour, on n'a pas vrai­ment de nou­velles puisque la per­sonne qui va déci­der du bud­get alloué à l'endométriose sera la per­sonne qui sera dési­gnée pré­si­dente de cette cohorte et c'est très très flou », souligne-​t-​elle. Pour Mélanie, « il fau­drait que cette pro­messe d'argent soit une réa­li­té ». Elle explique avoir cher­ché dans les 438 pages de la Loi Finance ces vingt mil­lions d'euros sans les avoir trou­vés. À ce sujet, le minis­tère de la Santé n'a pas non plus répon­du à nos demandes d'interviews.

Au sujet de la com­mu­ni­ca­tion, Priscilla Saracco note qu'il n'y a « pas fran­che­ment d'évolution » en un an, et explique qu' « il devait y avoir tout un volet qui impli­quait le minis­tère de l'éducation natio­nale pour infor­mer toutes les per­sonnes pou­vant poten­tiel­le­ment être en rela­tion avec quelqu'un qui peut avoir de l'endométriose » qui n'a pas été réa­li­sé. De son coté, Myriam Poulain recon­naît qu' « on parle plus » de l'endométriose mais reste tou­jours indi­gnée de voir qu'il n'y a aucune affiche sur l'endométriose dans l'hôpital de sa ville à Lille. 

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Une ins­tru­men­ta­li­sa­tion politique ?

Avec le recul, la stra­té­gie natio­nale annon­cée par Emmanuel Macron en jan­vier 2022 a davan­tage été per­çue comme une ins­tru­men­ta­li­sa­tion poli­tique à quelques mois de l'élection pré­si­den­tielle, que comme une véri­table pro­messe de cam­pagne. « C’est vrai­ment nul d’utiliser une mala­die pour gagner des votants », regrette Myriam Poulain, pré­si­dente de EndoAction . Un sen­ti­ment lar­ge­ment par­ta­gé par Mélanie, béné­vole dans une asso­cia­tion . « On a été exploi­té par Emmanuel Macron à des fins poli­tiques, il s’est réveillé un matin et s'est rap­pe­lé que les femmes repré­sen­taient 54 % de l’électorat ». Un avis nuan­cé par Priscilla Saracco qui a par­ti­ci­pé au comi­té de pilo­tage de la stra­té­gie : « le timing a été très mau­vais pour la stra­té­gie natio­nale […] à cause de la période de réserve avant les élec­tions », elle sou­ligne que « les tra­vaux ins­ti­tu­tion­nels autour de l’endométriose sont en cours depuis 2017 »

« On a énor­mé­ment don­né de notre per­sonne, pas­ser ses soi­rées à faire des visios, des rap­ports, ça a été très com­pli­qué », explique Priscilla Saracco. De cette stra­té­gie, les patientes et béné­voles inter­ro­gées par Causette en attendent encore beau­coup. Myriam Poulain sou­haite que « la stra­té­gie natio­nale avance », ce qui pas­se­ra pour Priscilla Saracco par « plus de réunions de co-​pilotage inter­mi­nis­té­riel, une vision plus claire sur le bud­get et les agen­das et un sui­vi plus impor­tant ». Car la membre du comi­té a « peur que la dyna­mique s'essouffle ». Puisque, « depuis la stra­té­gie, le minis­tère n’a abso­lu­ment pas relan­cé le comi­té inter­mi­nis­té­riel », regrette la pré­si­dente d’EndoFrance. Pour l'heure, Emmanuel Macron n'a pas repris la parole au sujet de l'endométriose.


L'endométriose, une mala­die encore peu reconnue 

L'endométriose, cette mala­die gyné­co­lo­gique, long­temps négli­gée et peu recon­nue par les méde­cins, pro­voque avant tout des dou­leurs qui peuvent prendre dif­fé­rentes formes selon les femmes. Elles sont dues au déve­lop­pe­ment de l’endomètre en dehors de l’utérus qui vient tou­cher d’autres organes. Les décou­vertes à son sujet conti­nue d'affluer bien qu'on ait décrit cette mala­die pour la pre­mière fois en 1860.

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  1. Le pré­nom a été modi­fié.[]
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