Mal connu, le syndrome des ovaires polykystiques (SOPK) touche pourtant 10 % des femmes. Principale cause d’infertilité, il est également source de nombreuses pathologies.
![SOPK : le syndrome des ovaires polykystiques qui met le cycle KO 1 Marie Boiseau pour Causette](https://www.causette.fr/wp-content/uploads/2020/10/115-syndrome-des-ovaires-polykystiques-marie-boiseau-pour-causette-434x1024.jpg)
Attention aux appellations mensongères : point de kyste à l’horizon dans le syndrome des ovaires polykystiques. Ce qu’on prit jadis pour des kystes sont en fait des follicules non développés autour de l’ovaire. Sachons-le, le « SOPK » est aussi appelé syndrome de Stein-Leventhal, d’après les patronymes de deux médecins qui l’ont découvert en 1935. Moins trompeur. Mais c’est l’acronyme un peu fourbe qui est resté.
Ce trouble métabolique entraîne un déséquilibre hormonal : dans l’ovaire, la croissance des follicules est altérée et la production d’ovules perturbée. Et lorsque les ovaires sont défaillants, « l’hormone mâle, la testostérone, est sécrétée sans être compensée et produit des effets secondaires d’hyperandrogénie [masculinisants, ndlr] », détaille la docteure Nasrine Callet, gynécologue à l’Institut Curie, à Paris.
Ascenseur émotionnel
Ce fonctionnement anormal a de sérieuses conséquences : règles irrégulières (et donc difficulté à concevoir pour celles qui le souhaitent), hirsutisme (pilosité développée), alopécie (perte de cheveux), acné, obésité… « Quand j’étais enfant, j’étais très mince, se souvient Elsa, 38 ans. J’ai commencé à prendre du poids quand j’ai eu mes règles. Depuis, j’ai toujours culpabilisé d’être grosse. » Le pire pour Marie, Toulousaine de 32 ans, c’est la fatigue et l’ascenseur émotionnel, « comme une femme enceinte au premier trimestre ».
Toute la perversité de la maladie consiste en ses effets indélicats, honteux ou invalidants socialement : les femmes qui en souffrent le vivraient même comme un syndrome « voleur de féminité », estime Agathe Charnet, étudiante à l’EHESS, qui a mené de nombreux entretiens pour son mémoire sur le sujet. « Il s’empare de ce qui est encore perçu comme étant des attributs traditionnels de la féminité, la beauté ou la maternité. C’est extrêmement violent et culpabilisant, car les femmes sont attaquées dans leur corps. Dès lors, comment se construire en tant que femme aux yeux d’une société très normée ? »
Les perturbateurs endocriniens
En attendant, les chiffres sont approximatifs, les études médicales en cours et la littérature, quasi introuvables, excepté un petit guide d’autosoin 1
Un vrai problème de santé publique quand on sait qu’au moins une femme sur dix est concernée. Quelle est son origine ? Une étude publiée dans la revue Nature Medicine, en 2018, a avancé l’hypothèse d’une exposition du fœtus, dans l’utérus de la mère donc, à des perturbateurs endocriniens. Le mal du siècle ! Avec une prédisposition génétique, car les filles de femmes touchées par la maladie auraient par ailleurs cinq fois plus de chances de la développer, toujours selon Nature Medicine.
“Le SOPK s’empare de ce qui est encore perçu comme étant des attributs de la féminité, la beauté ou la maternité. C’est extrêmement violent et culpabilisant”
Agathe Charnet, étudiante à l’EHESS
Si le SOPK n’est généralement pas douloureux, il a plus d’un point commun avec une autre pathologie féminine restée longtemps invisible : l’endométriose. En effet, les ovaires polykystiques sont encore mal connus et ne bénéficient pas, pour l’heure, de campagnes d’information à destination du grand public. Quant au corps médical, il passe parfois à côté du diagnostic pendant plusieurs années, tant ses symptômes sont protéiformes. Désintérêt, désinvolture ou ignorance ? La souffrance des patientes est révélatrice d’un sexisme médical, qui considère encore les maux féminins comme bénins, voire normaux (après tout, avoir le cheveu gras, c’est pas la mort). À l’heure actuelle, le SOPK ne se soigne pas. Seule une amélioration des symptômes est proposée par certain·es praticien·nes. Et là encore, la méthode fait débat : un·e endocrinologue peut prescrire de la metformine, un antidiabétique, pour perdre du poids. Contre l’hirsutisme ou l’acné, on préconise le contraceptif très controversé Androcur. Les malades tâtonnent, expérimentent et se mobilisent par l’entremise de groupes de soutien sur Facebook, Instagram ou auprès de l’association Esp’OPK. Certaines se tournent vers des méthodes alternatives et naturelles non homologuées. C’est le cas d’Ophélie, 25 ans, qui ne voulait plus prendre la pilule et a opté pour des compléments alimentaires afin de soigner son acné et sa pilosité, lassée « des cache-misère qui ne s’attaquent pas à la racine de la maladie ».
En France, on s’est surtout intéressé à cette pathologie dans le cadre des politiques natalistes. Le SOPK, avec ses troubles de l’ovulation, serait en effet la première cause d’infertilité féminine, selon l’Inserm. De nombreuses femmes s’en rendent compte au moment d’un projet d’enfant, comme Elsa. « On a dû déclencher mes règles. Ensuite, la maladie permet de rentrer dans un parcours de PMA [procréation médicalement assistée] remboursé. » Depuis, Elsa et son conjoint ont eu une petite fille, après d’interminables mois au cours desquels elle a subi la grossophobie médicale, mais aussi fait face à des risques accrus de naissance prématurée, de grossesse multiple et de fausses couches. Essorée par l’expérience, la jeune femme appelle à la mobilisation : « Les femmes avec de l’endométriose ont refusé de souffrir, il faut faire la même chose. On ne peut pas continuer à faire comme si ce syndrome n’existait pas. »
EnjoyPhoenix, le visage du SOPK
La youtubeuse EnjoyPhoenix a popularisé le SOPK en avril 2019, expliquant en ligne à ses fans qu’elle devait ralentir la cadence de ses vidéos pour cette raison. Marie Lopez, de son vrai nom, disait souffrir d’acné depuis ’arrêt de la pilule : car si la prise de ce contraceptif améliore certains symptômes, paradoxalement, « elle peut aussi les masquer », rappelle la docteure Nasrine Callet, et donc différer le diagnostic. « J’étais allée voir plein de médecins qui ne m’avaient jamais parlé de ça », raconte EnjoyPhoenix, ajoutant que la prise de poids due à la maladie aurait entraîné chez elle des troubles du comportement alimentaire.
- SOPK et votre fertilité. Votre guide d’autosoin, de bien-être affectif
et de soutien médical, de Colette Harris et Theresa Cheung. Éd. Ada, 2007. [↩]