SOPK : le syn­drome des ovaires poly­kys­tiques qui met le cycle KO

Mal connu, le syn­drome des ovaires poly­kys­tiques (SOPK) touche pour­tant 10 % des femmes. Principale cause d’infertilité, il est éga­le­ment source de nom­breuses pathologies.

Marie Boiseau pour Causette
© Marie Boiseau pour Causette

Attention aux appel­la­tions men­son­gères : point de kyste à l’horizon dans le syn­drome des ovaires poly­kys­tiques. Ce qu’on prit jadis pour des kystes sont en fait des fol­li­cules non déve­lop­pés autour de l’ovaire. Sachons-​le, le « SOPK » est aus­si appe­lé syn­drome de Stein-​Leventhal, d’après les patro­nymes de deux méde­cins qui l’ont décou­vert en 1935. Moins trom­peur. Mais c’est l’acronyme un peu fourbe qui est resté.

Ce trouble méta­bo­lique entraîne un dés­équi­libre hor­mo­nal : dans l’ovaire, la crois­sance des fol­li­cules est alté­rée et la pro­duc­tion d’ovules per­tur­bée. Et lorsque les ovaires sont défaillants, « l’hormone mâle, la tes­to­sté­rone, est sécré­tée sans être com­pen­sée et pro­duit des effets secon­daires d’hyper­androgénie [mas­cu­li­ni­sants, ndlr] », détaille la doc­teure Nasrine Callet, gyné­co­logue à l’Institut Curie, à Paris. 

Ascenseur émo­tion­nel

Ce fonc­tion­ne­ment anor­mal a de sérieuses consé­quences : règles irré­gu­lières (et donc dif­fi­cul­té à conce­voir pour celles qui le sou­haitent), hir­su­tisme (pilo­si­té déve­lop­pée), alo­pé­cie (perte de che­veux), acné, obé­si­té… « Quand j’étais enfant, j’étais très mince, se sou­vient Elsa, 38 ans. J’ai com­men­cé à prendre du poids quand j’ai eu mes règles. Depuis, j’ai tou­jours culpa­bi­li­sé d’être grosse. » Le pire pour Marie, Toulousaine de 32 ans, c’est la fatigue et l’ascenseur émo­tion­nel, « comme une femme enceinte au pre­mier tri­mestre ».

Toute la per­ver­si­té de la mala­die consiste en ses effets indé­li­cats, hon­teux ou inva­li­dants socia­le­ment : les femmes qui en souffrent le vivraient même comme un syn­drome « voleur de fémi­ni­té », estime Agathe Charnet, étu­diante à l’EHESS, qui a mené de nom­breux entre­tiens pour son mémoire sur le sujet. « Il s’empare de ce qui est encore per­çu comme étant des attri­buts tra­di­tion­nels de la fémi­ni­té, la beau­té ou la mater­ni­té. C’est extrê­me­ment violent et culpa­bi­li­sant, car les femmes sont atta­quées dans leur corps. Dès lors, com­ment se construire en tant que femme aux yeux d’une socié­té très normée ? »

Les per­tur­ba­teurs endocriniens

En atten­dant, les chiffres sont approxi­ma­tifs, les études médi­cales en cours et la lit­té­ra­ture, qua­si introu­vables, excep­té un petit guide d’autosoin 1
Un vrai pro­blème de san­té publique quand on sait qu’au moins une femme sur dix est concer­née. Quelle est son ori­gine ? Une étude publiée dans la revue Nature Medicine, en 2018, a avan­cé l’hypothèse d’une expo­si­tion du fœtus, dans l’utérus de la mère donc, à des per­tur­ba­teurs endo­cri­niens. Le mal du siècle ! Avec une pré­dis­po­si­tion géné­tique, car les filles de femmes tou­chées par la mala­die auraient par ailleurs cinq fois plus de chances de la déve­lop­per, tou­jours selon Nature Medicine

“Le SOPK s’empare de ce qui est encore per­çu comme étant des attri­buts de la fémi­ni­té, la beau­té ou la mater­ni­té. C’est extrê­me­ment violent et culpabilisant”


Agathe Charnet, étu­diante à l’EHESS

Si le SOPK n’est géné­ra­le­ment pas dou­lou­reux, il a plus d’un point com­mun avec une autre patho­lo­gie fémi­nine res­tée long­temps invi­sible : l’endométriose. En effet, les ovaires poly­kys­tiques sont encore mal connus et ne béné­fi­cient pas, pour l’heure, de cam­pagnes d’information à des­ti­na­tion du grand public. Quant au corps médi­cal, il passe par­fois à côté du diag­nos­tic pen­dant plu­sieurs années, tant ses symp­tômes sont pro­téi­formes. Désintérêt, désin­vol­ture ou igno­rance ? La souf­france des patientes est révé­la­trice d’un sexisme médi­cal, qui consi­dère encore les maux fémi­nins comme bénins, voire nor­maux (après tout, avoir le che­veu gras, c’est pas la mort). À l’heure actuelle, le SOPK ne se soigne pas. Seule une amé­lio­ra­tion des symp­tômes est pro­po­sée par certain·es praticien·nes. Et là encore, la méthode fait débat : un·e endo­cri­no­logue peut pres­crire de la met­for­mine, un anti­dia­bé­tique, pour perdre du poids. Contre l’hirsutisme ou l’acné, on pré­co­nise le contra­cep­tif très contro­ver­sé Androcur. Les malades tâtonnent, expé­ri­mentent et se mobi­lisent par l’entremise de groupes de sou­tien sur Facebook, Instagram ou auprès de l’association Esp’OPK. Certaines se tournent vers des méthodes alter­na­tives et natu­relles non homo­lo­guées. C’est le cas d’Ophélie, 25 ans, qui ne vou­lait plus prendre la pilule et a opté pour des com­plé­ments ali­men­taires afin de soi­gner son acné et sa pilo­si­té, las­sée « des cache-​misère qui ne s’attaquent pas à la racine de la mala­die ».

En France, on s’est sur­tout inté­res­sé à cette patho­lo­gie dans le cadre des poli­tiques nata­listes. Le SOPK, avec ses troubles de l’ovulation, serait en effet la pre­mière cause d’infertilité fémi­nine, selon l’Inserm. De nom­breuses femmes s’en rendent compte au moment d’un pro­jet d’enfant, comme Elsa. « On a dû déclen­cher mes règles. Ensuite, la mala­die per­met de ren­trer dans un par­cours de PMA [pro­créa­tion médi­ca­le­ment assis­tée] rem­bour­sé. » Depuis, Elsa et son conjoint ont eu une petite fille, après d’interminables mois au cours des­quels elle a subi la gros­so­pho­bie médi­cale, mais aus­si fait face à des risques accrus de nais­sance pré­ma­tu­rée, de gros­sesse mul­tiple et de fausses couches. Essorée par l’expérience, la jeune femme appelle à la mobi­li­sa­tion : « Les femmes avec de l’endométriose ont refu­sé de souf­frir, il faut faire la même chose. On ne peut pas conti­nuer à faire comme si ce syn­drome n’existait pas. » 


EnjoyPhoenix, le visage du SOPK

La you­tu­beuse EnjoyPhoenix a popu­la­ri­sé le SOPK en avril 2019, expli­quant en ligne à ses fans qu’elle devait ralen­tir la cadence de ses vidéos pour cette rai­son. Marie Lopez, de son vrai nom, disait souf­frir d’acné depuis ’arrêt de la pilule : car si la prise de ce contra­cep­tif amé­liore cer­tains symp­tômes, para­doxa­le­ment, « elle peut aus­si les mas­quer », rap­pelle la doc­teure Nasrine Callet, et donc dif­fé­rer le diag­nos­tic. « J’étais allée voir plein de méde­cins qui ne m’avaient jamais par­lé de ça », raconte EnjoyPhoenix, ajou­tant que la prise de poids due à la mala­die aurait entraî­né chez elle des troubles du com­por­te­ment alimentaire. 


  1. SOPK et votre fer­ti­li­té. Votre guide d’autosoin, de bien-​être affec­tif
    et de sou­tien médi­cal,
    de Colette Harris et Theresa Cheung. Éd. Ada, 2007. []
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