Une modification des conditions d’utilisation de Meta permet désormais de poster des images de mères en train de nourrir leur enfant au sein. Une volonté de démystifier l’allaitement louable, mais qui connaît aujourd’hui des dérives à base de faux bébés, d’images volées et de modèles OnlyFans.
“Nous reconnaissons la beauté et le caractère naturel de l’allaitement et nous comprenons qu’il est important pour les mères de pouvoir partager leur expérience sur Instagram. La plupart des photos de ce type respectent nos politiques”, commentait en 2014 la société Meta à propos des images de mères nourrissant leur bébé au sein postées sur sa plateforme. Dans les années qui ont suivi, les vidéos et photos d’allaitement étaient malgré tout régulièrement restreintes par les modérateurs d’Instagram. Connue pour ses conditions d’utilisation strictes – où les tétons féminins sont traqués pour cacher ces seins que l’on ne saurait voir –, l’entreprise fait aujourd’hui le choix de ne plus du tout censurer les poitrines dévoilées dans des images de femmes allaitantes. Ces contenus sont répertoriés sous le hashtag #breastfeeding, “allaitement” en français. Une bonne nouvelle à première vue, jusqu’à ce qu’on s’attarde un peu sur les vidéos les plus populaires de ce hashtag, qui n’ont plus grand-chose à voir avec ce sacro-sein rituel maternel.
Faux bébés et vraies mères allaitantes
Le hashtag #breastfeeding recense sur Instagram près de 7 millions de publications. On peut y voir des (jeunes) femmes sortir leur sein, le secouer, avant d’en enfoncer le téton dans la bouche d’un poupon aux airs de vrai bébé. Ces utilisatrices sont pour la plupart des modèles érotiques, qui contournent l’exception de Meta accordée au contenu “allaitement” pour exhiber leur poitrine en guise de vitrine pour leur compte payant OnlyFans. D’autres utilisateur·rices qui partagent ces images ne sont en réalité que des agrégateurs qui amassent le contenu de ces travailleuses du sexe à leur insu, voire des vidéos de véritables mères allaitantes.
“Il est profondément troublant et violent que des hommes volent des photos de mères en train d’allaiter et les sexualisent”, observe auprès de Libération une mère Américaine, dont les images d’allaitement postées sur Instagram ont ainsi été reprises par des comptes malveillants. Les descriptions qui accompagnent ces images érotiques ou volées louent par ailleurs la beauté de l’allaitement et présentent ces vidéos comme du contenu éducatif, sans doute pour ne pas éveiller les soupçons de Meta. Plus troublants encore, les commentaires sous ces posts se réjouissent de ces détournements, rendus encore plus attrayants par la sexualisation de la figure de la mère. “Tu me donnes faim”, “Oh maman”, “je suis jaloux de ces poupées”… sous ces images de poupons et de poitrines aussi siliconés l’un que l’autre, l’audience presque uniquement composée d’hommes fait ainsi savoir son désir pour ces contenus d’érotisme maternel disponibles gratuitement sur Instagram.
Morale de l’histoire : 1) il est horrifiant pour les mères allaitantes de voir leur contenu détourné à ces fins. 2) Grand bien fasse aux créatrices de contenu érotique qui ont su tirer profit de cette exception de Meta. 3) à quand une évolution de la plateforme qui ne censurera plus arbitrairement les tétons féminins et se concentrera plutôt sur une modération efficace du contenu volé ou à caractère pornographique en ligne ?
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