Des gyné­cos refusent tou­jours le sté­ri­let aux nullipares

Depuis vingt ans, les autorités scientifiques nationales et internationales assurent que le stérilet n’est pas dangereux pour les nullipares. Pourtant, en France, nombre de gynécos résistent encore. Pourquoi ça bloque ?

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© Illustration Marie Boiseau
pour Causette

« Mon gynéco m’a dit que j’étais beaucoup trop jeune pour un stérilet et que si je n’étais pas contente, je n’avais qu’à pas coucher. » Samantha a demandé à se faire poser un dispositif intra-utérin (DIU) à 17 ans, en 2017. Après un refus catégorique, aucune explication ne lui a été donnée et elle a quitté le cabinet, impuissante.

Depuis vingt ans, « les organismes internationaux présentent le DIU comme une méthode sûre », rappelle le Dr Martin Winckler, médecin généraliste spécialisé dans la contraception et militant féministe. Et depuis les années 2000, la Haute Autorité de santé (HAS) affirme qu’il n’existe aucune contre-indication à l’utilisation d’un DIU chez une nullipare (une femme n’ayant jamais eu d’enfant). Des stérilets plus petits ont d’ailleurs été commercialisés à cet effet. Mais rien n’y fait. Lors de la 38e édition des Journées nationales, en 2014, le Collège national des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF, l’organisme de référence) déplorait déjà la réticence tenace de certain·es praticien·nes. « Malgré une convergence des recommandations internationales en faveur d’une promotion de cette contraception chez les jeunes femmes, les professionnels de santé restent convaincus d’un taux de complications plus important dans cette population et n’y sont pas favorables pour la majorité d’entre eux », estimait alors le Collège.

Qu’en est-il en 2019 ? Comme en témoignent de nombreuses jeunes filles, certain·es gynécologues refusent -toujours la pose aux nullipares, arguments anti-scientifiques à l’appui. « Ma gynéco m’a affirmé que ça pouvait me rendre stérile », se souvient Juliette, 25 ans. « Le mien m’a dit que je risquais d’avoir plus d’infections sexuellement transmissibles », raconte, quant à elle, Marine, 30 ans. 

Pourquoi une telle croyance ? « Quand j’étais étudiant, on nous disait en effet que le stérilet était une porte d’entrée infectieuse et qu’il y avait un risque de boucher les trompes. Ça cristallisait pas mal de craintes », se souvient le Pr Michaël Grynberg, gynécologue-obstétricien et spécialiste de la fertilité. Une assertion simpliste d’après lui : « Oui, le DIU peut être associé à un risque infectieux. Les germes vont plus facilement s’accrocher sur un corps étranger. Mais c’est la conduite à risque qui cause l’infection, pas le DIU. » Or, une jeune fille est souvent considérée comme plus susceptible de multiplier les partenaires, donc de contracter plus d’infections. Quant à Martin Winckler, il évoque un rapport de 1987 de l’Organisation mondiale de la santé, qui montrait déjà, à l’époque, que si risque d’infection il y a, il est lié à une mauvaise stérilisation lors de la pose.

Manque de consensus

Pour le Pr Michaël Grynberg, cette frilosité à poser des DIU aux nullipares est surtout présente chez la « vieille génération » de médecins : « Il y a toujours la crainte du petit facteur de risque. » Certaines études pointent en effet des expulsions de DIU plus fréquentes chez les femmes n’ayant jamais eu d’enfant que chez les autres. Toutefois, d’autres travaux démentent ces conclusions : il n’y a donc pas de consensus. En outre, certain·es gynécologues résistent parce que la pose est plus difficile chez une nullipare, la cavité utérine étant moins large. 

“Ma gynéco m’a dit que c’était un scandale que les jeunes filles d’aujourd’hui demandent un stérilet et que la pilule, c’était très bien”

Charlie

Le Pr Grynberg déplore par ailleurs une réticence, chez cette génération de médecins, à prescrire autre chose que la pilule à des jeunes filles : « Il y a l’idée selon laquelle c’est une solution toute trouvée et plus simple. » Charlie, qui garde un souvenir amer de sa première consultation, acquiesce. « Ma gynéco m’a dit que c’était un scandale que les jeunes filles d’aujourd’hui demandent un stérilet et que la pilule, c’était très bien. » D’après le Dr Winckler, ce raccourci est fréquent, parce que la parole de la patiente est souvent minimisée. « L’idée qu’une femme est immature, surtout quand elle est jeune, est répandue », observe-t-il. Résultat : quand celle-ci demande à changer de contraception, il arrive qu’elle ne soit pas écoutée. « Mon gynéco m’a prescrit une pilule qui a entraîné des troubles de l’humeur. Il a mis ça sur le compte de “problèmes psychologiques” », témoigne Salomé, 23 ans. Même son de cloche chez Marine : « J’oubliais tout le temps ma pilule. LE seul conseil que mon gynéco m’a donné, c’est de l’attacher à ma brosse à dents. Comme si j’étais une gamine… » « Une autre gynéco a refusé parce que je n’étais soi-disant pas assez claire sur la “stabilité” de ma relation », ajoute Salomé. 

Rien d’étonnant pour le Dr Winckler. « Il y a un retard dans les pays latins. Les médecins ont hérité de la mentalité des prêtres catholiques. Ils ont des dogmes du type “on ne pose pas de stérilet à une nullipare” », résume le généraliste.

Toutefois, le Pr Philippe Deruelle, secrétaire général du CNGOF, met en garde contre un risque de « gynécos-bashing ». Selon lui, il existerait en effet beaucoup plus de demandes de pose qui aboutissent que l’inverse. « La génération de gynécologues précédant la mienne a été formée au principe de ne pas le faire chez la jeune fille, principalement en raison des difficultés du geste. Néanmoins, les choses ont beaucoup évolué et les recommandations du CNGOF sont extrêmement claires. » 

Reste que le terme même de stérilet est encore largement utilisé, alors que le DIU ne rend en aucun cas stérile. Une terminologie qui induit, de fait, des craintes dans les esprits. Point positif : une nouvelle génération de praticien·nes arrive dans les cabinets et les hôpitaux. Alors, osons rêver : un jour, toutes celles qui le souhaitent pourront passer au DIU, sans avoir à se justifier sur leur âge, la durée de leur relation ou la largeur de leur utérus. 


Deux types de stérilets

Il existe deux sortes de dispositif intra-utérin (DIU) : le stérilet hormonal et celui au cuivre. Le premier diffuse une hormone de synthèse, le lévonorgestrel, qui épaissit la glaire cervicale et la rend imperméable aux spermatozoïdes. Il doit être retiré au bout de cinq ans. Le second, par l’action du cuivre, « désactive » les spermatozoïdes, et dure de quatre à dix ans. Bon à savoir : si un·e gynécologue vous refuse la pose, les sages-femmes et les médecins généralistes sont également autorisé·es à le faire. 

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