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© D.L.

Strasbourg : à la Maison du péri­née, parole libé­rée et prise en charge adaptée

A Strasbourg, une mai­son médi­cale entiè­re­ment dédiée au péri­née a ouvert à la fin de l’été. Les patient·e·s y trouvent un accom­pa­gne­ment com­plet et un espace accueillant pour par­ler des « trois tabous » : les troubles uri­naires, fécaux et sexuels.

Les lieux res­semblent à un cabi­net médi­cal clas­sique : un bureau d’accueil, une salle d’attente, des chaises et des murs bleus et blancs. Par les baies vitrées, on aper­çoit un sapin de Noël de 30 mètres de haut. On est à Strasbourg, dans une struc­ture en fait unique en France : la « Maison du péri­née ».

Celle qui a ouvert l’établissement à la fin du mois d’août nous accueille entre deux consul­ta­tions. Chloé Blum est doc­teure en méde­cine phy­sique et de réadap­ta­tion, et a vou­lu ras­sem­bler plu­sieurs pro­fes­sions autour de cet organe : méde­cin, sage-​femme, ostéo­pathe, kiné­si­thé­ra­peute et dié­té­ti­cienne, « chacun·e dans son domaine a une exper­tise à appor­ter », estime-​t-​elle. Car, aus­si mécon­nu qu’il soit, cet ensemble de muscles en forme de hamac entre le coc­cyx et le pubis peut être l’objet de nom­breux sou­cis. Il n’y a pas que la réédu­ca­tion post-partum !

Au-​delà de la réédu­ca­tion post-accouchement

« Je prends en charge les "trois tabous" : les troubles uri­naires, fécaux et sexuels », explique Chloé Blum. « Les dou­leurs, les troubles de l’érection, le vagi­nisme… Mais aus­si l’endométriose, car elle peut pro­vo­quer des pro­blèmes uri­naires ou fécaux si elle se mani­feste autour de la ves­sie ou du rec­tum ». Elle ajoute : « Pour ces patientes, le lieu est très adapté ».

Car si elle assure les pre­mières consul­ta­tions ou le sui­vi géné­ral, elle peut en paral­lèle leur pro­po­ser de faire des séances chez l’un des kinés de la mai­son, spé­cia­liste en dou­leurs chro­niques. L’autre kiné pour­ra prendre en charge les hommes et les enfants, sa spé­cia­li­té (les troubles du péri­née jouent un rôle dans l’énurésie des enfants). L’accompagnement pré et post-​partum, c’est le job de l’ostéopathe. Et la diététicienne-​nutritionniste accom­pagne les femmes enceintes et jeunes mamans, et toutes celles qui veulent mieux vivre la méno­pause, le syn­drome pré­mens­truel, etc. Tout ce beau monde occupe à tour de rôle l’un des cabi­nets de l’espace, en face de l’accueil.

« Il arrive aus­si qu’une patiente vienne pour un sou­ci pré­cis, des troubles uri­naires par exemple, mais qu’elle me parle ensuite de sa sexua­li­té », explique Dr Blum. « Je peux alors lui conseiller d’aller voir notre sage-​femme, juste au bout du couloir. »

Ne pas lâcher la patiente

Caroline Batzenhoffer est sage-​femme depuis 16 ans et par­tage son temps entre la mai­son du péri­née et son cabi­net libé­ral. Elle aborde la sexua­li­té en géné­ral : le sexe pen­dant la gros­sesse, le plai­sir, le désir, les pre­mières consul­ta­tions de contra­cep­tion… Ici, elle se sent plus ras­su­rée dans sa pra­tique : « Face à des patientes qui ont des dou­leurs chro­niques, on peut avoir l’impression d’avoir épui­sé toutes nos res­sources. En libé­ral, on doit par­fois la lais­ser par­tir, alors que là, on l’oriente. C’est vrai­ment une prise en charge glo­bale ». « L’idée n’est pas de tra­vailler sim­ple­ment les un·e·s à côté des autres », ajoute Chloé Blum. « On échange sur les cas, on s’entraide et ce, sans la hié­rar­chie habi­tuelle entre méde­cin et autres pro­fes­sions médicales. »

Offrir un espace trop rare

Une bien­veillance éri­gée comme prin­cipe, qui se retrouve dans l’accueil des patient·e·s. « Je n’ai pas du tout la même appré­hen­sion qu’avant mes rendez-​vous chez d’autres spé­cia­listes », raconte Jade, 19 ans, sui­vie par Dr Blum pour des troubles de la ves­sie, un vagi­nisme et une endo­mé­triose. La jeune femme estime que le lieu ouvre la parole sur tout ce qui entoure le péri­née : « C’est simple, on peut par­ler de tout : pipi, caca, sexe ». « Car le sujet est encore tou­chy », remarque Caroline, la sage-​femme. « Certain·e·s m’ont même dit que je ne devrais pas écrire “sexo­logue” sur ma plaque dans la rue. Moi je trouve ça super qu’on ait créé un endroit où on peut par­ler sexua­li­té sans tabou, être posi­tives et aller vers un “mieux-​être” ». Parfois, cela passe sim­ple­ment par le fait de… prendre le temps. « Mes consul­ta­tions sexo durent 45 minutes », explique la sage-​femme. « C’est néces­saire pour quelqu’un qui n’a pas eu de rap­port sans dou­leurs depuis 20 ans. » Jade aime avoir « la pos­si­bi­li­té de poser des ques­tions » et appré­cie la péda­go­gie de Magali Uettwiller, l’assistante médi­cale, qui l’a aidée pour la mise en place de son appa­reil d’électro-stimulation pour sa ves­sie. Elle se rap­pelle aus­si avoir pu contac­ter l’équipe par sms quand elle ne savait plus exac­te­ment com­ment tenir son calen­drier sur le rythme à laquelle elle allait uriner.

Des patientes au rendez-vous

Prenant cette mis­sion de sen­si­bi­li­sa­tion très à cœur, l’équipe pro­pose des ate­liers sur « tout ce qui touche au péri­née de près ou de loin » : ate­lier sur les règles et ate­lier Sex edu­ca­tion (des­ti­nés aux ados), « Vivre avec les dou­leurs chro­niques », ou encore « Nutrition et ménopause ».

Après à peine deux mois d’existence, le plan­ning de tou·te·s les professionnel·le·s est rem­pli. « On est sous l’eau », sou­rit Chloé Blum, qui constate que l’équipe accueille beau­coup de patientes « en bout de course », des femmes dont la réédu­ca­tion péri­néale n’a pas mar­ché, d’autres dont l’endométriose n’est pas prise au sérieux, et qui appré­cient cette prise en charge par une armée de pros. Certain·e·s viennent d’abord pour le Dr Blum, sans connaître la par­ti­cu­la­ri­té de la mai­son. C’est le cas de cette dame venue avec ses deux enfants ce mer­cre­di matin de novembre. Intriguée par les logos « Maison du péri­née » sur les vitres, elle demande à Magali, l’assistante médi­cale : « Et donc, expliquez-​moi, c’est quoi votre struc­ture ? ». Magali sou­rit et s’apprête à dérou­ler sa pré­sen­ta­tion : « Alors… ».

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