Une enquête d’Ifop démontre qu’en 2021, seulement 19% des Françaises pratiquent le topless. Deux grands facteurs expliquent ce désamour : d’une part, les expériences de harcèlement, et d’autre part, les complexes des femmes sur leur corps. Pour certaines, le simple fait de se mettre en maillot de bain est devenu difficile.
Le 26 août, c’est la journée mondiale du topless, le fait pour une femme d’aller dans des lieux de baignades les seins nus. A l’occasion, une enquête réalisée par Ifop pour Xcams Media montre que cette pratique est de moins en moins répandue chez les femmes en France. Si en 2009, 34% des femmes pratiquaient le topless en France, elles sont aujourd’hui seulement 19%.
De nombreuses raisons expliquent cette diminution constante depuis des années. 53% des femmes interrogées évoquent les risques du soleil sur la peau pour expliquer pourquoi elles ne pratiquent pas le topless. Mais les raisons sanitaires ne sont malheureusement pas les seules. Pour la plupart des jeunes femmes, au-delà du topless, c’est le maillot de bain en général qui est devenu problématique. La crainte de la remarque désobligeante voire du harcèlement (elles sont 50% à craindre une agression physique ou sexuelle, 48% de subir le regard concupiscent des hommes) les empêche de porter ce qu’elles veulent à la plage. C’est aussi le résultat de mauvaises expériences. Lorsque Meymouna1 avait 16 ans, elle a été harcelée par des agents de sécurité d’une base de loisirs “Coup sur coup, deux de ces personnes en poste m’ont mise extrêmement mal à l’aise avec leurs regards appuyés sur ma poitrine. « J’ai dit mon âge au premier, mais ça ne l’a pas gêné. Un autre me regardait en se mordant les lèvres comme si j’étais un bout de viande ». Aujourd’hui âgée de 21 ans, elle éprouve toutes les difficultés à se mettre en maillot de bain en public.
La plage, lieu traumatisant pour certaines femmes
Pour Anna, 32 ans, il aura fallu dix ans pour se sentir mieux dans sa peau, « Quand j'avais 15 ans et très peu confiance en moi, un mec sur une plage m'a abordée et m'a lancé, en scrutant mon maillot deux-pièces : « putain, qu'est-ce que t'es moche ! Mais au moins t'as des gros seins ! »» . A la suite de cette expérience de body shaming, elle s’est cachée pendant des années.
Ces agressions provoquent un automatisme de protection chez les femmes. 49% des femmes interrogées craignent des remarques désobligeantes sur au moins une partie de leur corps. Meymouna n’est retournée à la plage que cet été, avec un long paréo pour se protéger. Marine, quant à elle, a subi du harcèlement lorsqu'elle avait 14 ans, de la part d’un homme de 27 ans. Aujourd’hui encore, elle fait attention aux vêtements qu'elle porte à la plage : « Je ne me suis jamais sentie mal à l’aise avec mon corps mais depuis cet incident, j’attends toujours le dernier moment avant de me mettre en maillot de bain » déplore-t-elle.
Complexes et culpabilité
Pour certaines, il y a ce sentiment de honte et d’auto-punition qui les habite. C’est le cas de Manal, 21 ans. Lorsqu’elle avait 14 ans, elle a subi une agression sexuelle alors qu’elle était en vacances au Maroc. « J’avais déjà ce qu’on peut appeler un corps de femme pour mon âge, et je le vivais mal, raconte-t-elle. Cet homme me regardait avec insistance avant de commencer à me courser. Il a fini par m’attrapper violemment par la taille et j’ai eu la force de crier, des personnes sont venues à mon aide ». Cette expérience a accentué son complexe, en même temps qu’elle créait une peur qui la poursuit encore aujourd’hui. A l’heure actuelle, elle ne peut toujours pas se sentir à l’aise à la plage sans la présence d’un homme de son entourage. La jeune femme se demande toujours si ce n’est pas de sa faute. Un sentiment de culpabilité qui ne la délaisse pas.
Comme si le poids du regard masculin ne suffisait pas, de nombreuses femmes expliquent aussi ne pas oser le topless en raison de l’intériorisation des normes de beauté imposées au corps féminin. L’enquête montre que pour se permettre d’enlever le haut, les femmes doivent se sentir belles et satisfaites de leur corps. L’estime de soi est un facteur déterminant : 36% de celles qui adoptent le monokini se trouvent très jolies et seulement 4% ne se trouvent pas jolies. Laura fait partie des jeunes femmes qui ont une suffisamment bonne image d’elles-mêmes pour se le permettre. A 24 ans, elle a décidé d’adopter le monokini pour la première fois cet été : « J’en avais marre d’avoir les traces de bronzage et puis je me sens à l’aise dans mon corps ».
Enfin, de nombreuses femmes pratiquent le topless dans un souci d'émancipation. Pour beaucoup, le fait de se dévoiler est un geste militant, dans le sillage des pionnières qui ont tombé le haut sur les plages dans les années 70. 25% des moins de 30 ans revendiquent ainsi de pratiquer le topless pour “lutter contre la sexualisation des seins qui impose de les cacher” et 16% entendent ainsi montrer qu’elles sont affranchies du regard des autres. De fait, parmi les femmes qui portent le monokini, 27% d’entre-elles se disent très féministes et 11% féministes. Meymouna, quant à elle, a bon espoir que les filles de la génération suivante puissent s’afficher librement à la plage. « J’espère qu’on va continuer à en parler, conclut-elle. C’est vraiment triste que de mauvaises expériences à cause des hommes arrivent à des filles aussi jeunes. »
- Elle souhaite garder son anonymat[↩]