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“Le méta­vers n’est pas une zone de non-​droit” : entre­tien avec l’avocate Christiane Féral-​Schuhl sur les agres­sions sexuelles virtuelles

L’avocate Christiane Féral-​Schuhl, spé­cia­li­sée en droit des nou­velles tech­no­lo­gies, fait le point sur l’état actuel du droit concer­nant les agres­sions sexuelles dans le méta­vers, et sur les dif­fi­cul­tés qui se posent concer­nant la col­lecte de preuves ou l’identification du ou des coupables. 

Début jan­vier, le Daily Mail s’est fait l’écho d’une nou­velle agres­sion sexuelle au sein du méta­vers, un monde vir­tuel où l’on inter­agit avec des ava­tars. La vic­time, une jeune fille anglaise de 16 ans, s’est dite bou­le­ver­sée, après que son ava­tar a été vio­lé par plu­sieurs incon­nus. Pour la pre­mière fois, la police a ouvert une enquête outre-​Manche. De nom­breuses zones d’ombre l’entourent, néan­moins, tout comme les consé­quences judi­ciaires qui peuvent lui être don­nées. L’avocate Christiane Féral-​Schuhl, spé­cia­li­sée en droit des nou­velles tech­no­lo­gies et en droit de la pro­prié­té intel­lec­tuelle, fait le point sur l’état actuel du droit concer­nant les agres­sions sexuelles dans le méta­vers et sur les dif­fi­cul­tés qui se posent concer­nant la col­lecte de preuves ou l’identification du ou des coupables. 

Causette : Le droit pénal s’applique-t-il au méta­vers ?
Christiane Féral-​Schuhl
 : De manière géné­rale, ce qu’il faut avoir en tête, c’est que toutes les acti­vi­tés du monde se déroulent aus­si dans le méta­vers. Tout est pos­sible : avec les ava­tars, on peut se dépla­cer, échan­ger, par­ti­ci­per à des concerts, à des jeux, agres­ser les autres per­sonnes, voire ache­ter et vendre des actifs immo­bi­liers… Beaucoup de per­sonnes pensent qu’il s’agit d’une zone de non-​droit. Mais c’est faux. Nous sommes en pré­sence de pla­te­formes dont la res­pon­sa­bi­li­té est enca­drée par la loi. Dans cet espace vir­tuel, vous ne pou­vez pas faire ce que vous vou­lez : les uti­li­sa­teurs sont per­son­nel­le­ment res­pon­sables des actions de leur ava­tar parce que ces der­niers agissent à leur ini­tia­tive et sous leur contrôle. 

Qu’en est-​il dans le cadre d’une agres­sion sexuelle ?
C.F‑S. : L’agression sexuelle est défi­nie par le droit. Il faut qu’elle soit com­mise avec vio­lence, contrainte, menace ou sur­prise. L’enjeu est de savoir s’il inclut le contact vir­tuel dans son inter­pré­ta­tion de l’atteinte sexuelle. La juris­pru­dence, aujourd’hui, ne se pro­nonce pas. Je dirais qu’elle semble consi­dé­rer, a prio­ri, que le contact phy­sique entre l’auteur et la vic­time est néces­saire. Dans la sphère vir­tuelle, on voit cette mon­tée en puis­sance des agres­sions sur les ava­tars. Lors de ce type de vio­lences, on ima­gine assez bien les consé­quences, dans la réa­li­té, sur la per­sonne qui dirige l’avatar atta­qué. Ça ne risque donc pas d’être trai­té comme un viol ou une agres­sion sexuelle dans le monde réel, mais cela pour­rait être qua­li­fié autre­ment, comme du cybe­rhar­cè­le­ment, par exemple. Et au milieu de tout cela, la res­pon­sa­bi­li­té des pla­te­formes est enga­gée : elles doivent mettre en place des outils pour pro­té­ger les uti­li­sa­teurs. Certaines ont déve­lop­pé la pos­si­bi­li­té de créer des zones de sécu­ri­té autour des ava­tars, de manière à pré­ve­nir les agres­sions qui pour­raient avoir lieu.

Est-​ce plus dif­fi­cile de col­lec­ter des preuves dans le méta­vers ?
C.F‑S. : Ce n'est pas for­cé­ment simple d'avoir des preuves, parce que les actes dans le monde du méta­vers sont fugaces et qu'il va fal­loir les démon­trer. Vous avez la même contrainte de preuve dans le monde vir­tuel que dans le monde réel. Si vous vous faites insul­ter dans la rue, il vous faut un témoin. Si vous vous faites insul­ter dans le méta­vers, il existe deux pos­si­bi­li­tés. Soit vous avez un autre uti­li­sa­teur témoin, donc. Soit vous arri­vez à enre­gis­trer ou à cap­ter la scène. Le pro­blème qui se pose est que les images du monde vir­tuel ne sont pas sto­ckées par les pla­te­formes. Donc, aujourd'hui, ça ne consti­tue pas des élé­ments de preuves récu­pé­rables. Le seul véri­table moyen d'établir les faits reste les témoi­gnages. Mais comme dans la vie réelle, je pense qu'ils doivent être assez com­pli­qués à recueillir dans le monde virtuel.

Et pour retrou­ver le cou­pable ?
C.F‑S. :
L’identification des auteurs d’un délit dans le méta­vers pose plu­sieurs ques­tions qui res­tent ouvertes. Comment iden­ti­fier l’individu der­rière l’avatar ? Que fait-​on s’il quitte la sphère du méta­vers ? Ou s’il n’est pas sur le ter­ri­toire natio­nal ? Il y a eu une ten­ta­tive de réponse qui a été faite avec le Digital Service Act (DSA). Il s’agit d’un règle­ment euro­péen qui a pour objec­tif de garan­tir un envi­ron­ne­ment plus sûr et plus res­pon­sable en ligne, avec le signa­le­ment des infrac­tions pénales, de manière à essayer de remon­ter jusqu’aux per­sonnes qui ont créé les avatars.

Le droit doit-​il conti­nuer à évo­luer pour s’adapter à ces nou­velles pra­tiques en ligne ?
C.F‑S. : Je pense qu’il faut arrê­ter de légi­fé­rer : il me semble qu’il existe aujourd’hui pas mal d’outils. Ce qui est com­pli­qué, et c’est tou­jours la même chose en matière de cyber­cri­mi­na­li­té, c’est com­ment on éta­blit la preuve, com­ment on appré­hende le cou­pable, com­ment on l’identifie, parce que ce n’est pas tou­jours simple der­rière un ava­tar, et com­ment on applique la sanc­tion. Pour qu’il y ait une sanc­tion, il faut que l’infraction existe, c’est-à-dire que les élé­ments consti­tu­tifs de l’infraction soient bien réunis. Dans le cas d’une agres­sion sexuelle dans le méta­vers, la notion de contact phy­sique, en étant amé­na­gée, pour­rait peut-​être en consti­tuer une. Mais nous avons des outils pour beau­coup d’infractions, comme le har­cè­le­ment, et des paral­lèles peuvent être réa­li­sés entre cer­tains délits. Avec la recherche de preuves et du cou­pable, on voit bien que le pro­blème ne se limite pas qu’au code juri­dique ni à la loi.

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