Julie Simon et Éléonore Abadie, deux étudiantes à l’Institut Mines-Télécom de Brest, ont pris une année de césure pour développer un sous-vêtement masculin contraceptif.
Commercialiser un mode de contraception masculine réversible et non intrusif. C’est l’ambitieux projet de deux étudiantes ingénieures en troisième année à l’Institut Mines-Télécom Atlantique (IMT) de Brest (Finistère). Julie Simon et Éléonore Abadie, 22 et 23 ans, ont pris une année de césure pour développer leur projet d’entreprise baptisée Cobalt contraception. Au sein de l’incubateur de leur école, le duo travaille à la conception d’un dispositif médical de contraception masculine s’appuyant sur la contraception thermique via un vêtement.
Plus simplement, il s’agit d’un slip chauffant. Un sous-vêtement doté d’un anneau de compression dont la chaleur remonte les testicules contre le corps pour augmenter leur température de quelques degrés et stopper ainsi la spermatogénèse, soit la production de spermatozoïdes. « Un procédé non hormonal, non invasif et réversible », rappelle Éléonore Abadie à Causette. Pour l'utilisateur, il suffit en effet de le porter quinze heures par jour pour provoquer une infertilité temporaire, garantie par des spermogrammes faits tous les trois mois.
« On s’est demandé pourquoi il y avait tant de possibilités pour les femmes (pilule, implant, stérilet, patch…) et rien pour les hommes alors que beaucoup de femmes sont confrontées à des effets néfastes sur leur santé. »
Éléonore Abadie.
Les deux étudiantes ont eu l’idée du slip chauffant en 2021. « Pour les cours on devait travailler sur le processus de création d'une idée », explique Éléonore Abadie. Le concept leur vient en constatant auprès de couples d’amis que la contraception était en grande majorité portée par les femmes. « On connaît tous au moins une femme qui supporte mal sa contraception, pointe l'étudiante. On s’est demandé pourquoi il y avait tant de possibilités pour les femmes (pilule, implant, stérilet, patch…) et rien pour les hommes alors que beaucoup de femmes sont confrontées à des effets néfastes. » Après quelques recherches sur la méthode thermique, les deux étudiantes se lancent.
Leur projet est novateur, bien que la méthode ne soit pas nouvelle. La contraception thermique a été développée par le médecin andrologue Roger Mieusset dans les années 80. Aujourd'hui, si le concept est porté depuis plusieurs années par une poignée d’associations, Il n’existe pas de slip chauffant dans le commerce. « Aucun dispositif médical n’a été certifié et donc commercialisé », indique Julie Simon. Actuellement, seuls des tutoriels de fabrication artisanale sont disponibles sur Internet ou mis à disposition par des associations. Point important : il faut que le médecin donne son accord pour prescrire un spermogramme tous les trois mois. « Comme le dispositif n'est pas certifié médicalement, c’est souvent compliqué de trouver un médecin qui accepte », soutient l’étudiante.
Lauréat d’un prix
Le projet d’Éléonore et Julie n’en est encore qu’à ses débuts, mais a déjà remporté en décembre le premier prix du concours Coup de pouce Bretagne organisé par la Fondation Le Roch-Les Mousquetaires en partenariat avec leur école. Avec cette récompense, les deux étudiantes disposeront de 10 000 euros lors de la création de l’entreprise. Car l’heure est pour l’instant aux prototypes. « On a cousu nous-mêmes quelques slips, on aimerait que notre slip ressemble à un caleçon classique dans l'idéal, indique Julie Simon. Là, nous cherchons un sponsor médical pour faire un essai clinique, nous sommes actuellement en discussion avec les CHU de Brest et de Nantes. Le but est de démontrer son efficacité et ainsi obtenir les certifications de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé. Sans elles, on ne pourra pas le commercialiser. »
En parallèle de leur slip chauffant, Julie Simon et Éléonore Abadie planchent aussi sur la création d’une application de suivi pour les utilisateurs. Les deux futures ingénieures sont confiantes, elles disent recevoir un accueil très positif. « On sent qu’il y a de plus en plus de demandes de la part des hommes. Ils sont de plus en plus ouverts à essayer », assure Julie. Malgré cette demande, les étudiantes le savent : il faudra néanmoins informer les médecins et la population masculine. « Dans les craintes des hommes, celle qui revient le plus, c’est la douleur, explique Julie Simon. Ils ne veulent pas un truc qui leur fait mal. Il faut les rassurer là-dessus. » Pour la sortie de leur slip dans le commerce, les ingénieures tablent sur 2027, minimum.
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La fin de l’anneau
En novembre 2021, Giovanni1, 27 ans, nous confiait son expérience d’une autre contraception masculine novatrice : l’anneau thermique. Baptisé Andro-switch, l’anneau inventé par Maxime Labrit et commercialisé en 2019 s’inspire du slip chauffant. Il utilise également la méthode thermique en permettant – grâce à un simple anneau en silicone placé contre le pubis autour du pénis – la remontée mécanique des testicules dans le corps, la peau de ces dernières étant « coincée » dans l’anneau. Giovanni a porté cet anneau pendant plusieurs mois jusqu’à sa suspension par l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) un mois seulement après la publication de son témoignage. Selon l’ANSM, l’andro-switch n’a ni prouvé son efficacité ni sa sécurité. En conséquence, il ne doit plus être utilisé. Recontacté par Causette, Giovanni se dit très enthousiaste au projet de slip chauffant de Julie et Éléonore. « S’il est commercialisé, c'est sûr, je l’essayerais », nous assure-t-il.
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- Le prénom a été modifié.[↩]