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Chantal Birman : « Lorsqu’une femme accouche, elle ren­contre la vie et la mort, elle est Dieu, en quelque sorte »

Sage-​femme et fémi­niste, Chantal Birman a consa­cré sa vie à défendre les droits des femmes. Elle est au cœur d’À la vie, le docu­men­taire pas­sion­nant qu’Aude Pépin a réa­li­sé autour de la mater­ni­té et du post-​partum. Plus que jamais, écoutons-la !

Causette : Sincèrement, ça fait quoi d’être l’héroïne d’un film à 70 ans, après avoir été sage-​femme pen­dant cin­quante ans ?
Chantal Birman : J’ai accep­té la pro­po­si­tion d’Aude Pépin parce que c’était une pos­si­bi­li­té de mon­trer le tra­vail de sage-​femme. C’est énorme, l’accompagnement d’une mère, avant, pen­dant et après ! J’ai un immense res­pect pour mes col­lègues. Cela étant, je pense que si Aude est venue vers moi, c’est parce qu’elle a enten­du quelque chose d’intemporel dans le dis­cours que je porte. Car oui, j’aime réflé­chir et j’ai une vision poli­tique ! Mon pro­blème ? Comment inté­grer une pen­sée de la mère dans notre socié­té. Aujourd’hui, en France, faire le choix d’être mère, ça veut encore dire être dans le renon­ce­ment. De sa car­rière, de sa liber­té, de ses amours… Il y a zéro réflexion autour de ça. En gros, lorsqu’une femme devient mère, on lui dit : « Ah, vous avez vou­lu faire des enfants, donc démerdez-​vous ! » Eh bien ça, pour moi, c’est non ! 

À la vie parle du retour à la mai­son des accou­chées. De leur état de fra­gi­li­té, si peu trai­té ou même mon­tré. Comment l’expliquez-vous ? 
C. B. : Le film montre la période qui suit immé­dia­te­ment la nais­sance. Un saut dans le vide que toutes les femmes expé­ri­mentent. Pourquoi est-​ce tabou ? D’abord parce que lorsqu’une femme accouche, elle ren­contre la vie et la mort. Elle est Dieu, en quelque sorte. Or une femme qui a vécu ça garde pour tou­jours cette force en elle. Donc, tout va être fait pour cen­su­rer cette puis­sance. Ensuite, après l’éblouissement de la nais­sance, il y a le ver­tige de ren­con­trer son enfant. L’effet inverse… La femme vient d’être Dieu et, en trois jours, il va fal­loir qu’elle soit à l’endroit où se trouve son bébé ! Excusez-​moi, mais qui est capable de faire ça à part les femmes ? Donc de ça non plus, on ne parle pas. 

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Votre enga­ge­ment fémi­niste semble indis­so­ciable de votre métier. Votre com­bat pour l’avortement reste d’ailleurs irré­duc­tible. Expliquez-​nous…
C. B. : Il n’y a pas de gros­sesse sans ambi­guï­té, que l’on garde l’enfant ou que l’on avorte. Au com­men­ce­ment, il y a cette révé­la­tion : je suis enceinte ! Quoi que l’on décide, ça ouvre l’espace de l’avenir. Cela veut dire « Je peux, je ne suis pas ­sté­rile ». Ensuite, il y a ce tra­vail d’aller-retour : je garde, je ne garde pas. Une bonne sage-​femme est celle qui com­prend cette ambi­guï­té. Parce que la ques­tion fon­da­men­tale, c’est la liber­té. Si je veux, quand je veux ! Ne pas avoir d’enfant est une voie pos­sible, plus que res­pec­table. D’un autre côté, quand un bébé naît, il change le monde. C’est tel­le­ment un hon­neur d’être pré­sente à sa naissance !

Dans le film, vous dites que vous êtes « prête à mou­rir pour l’avortement ». Pensez-​vous que ce droit soit mena­cé en France ?
C. B. : Les régimes démo­cra­tiques sont tel­le­ment fra­giles ! Or, je ne connais aucun régime non démo­cra­tique qui soit favo­rable aux femmes… 

À la vie, d’Aude Pépin. Sortie le 20 octobre.

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