TOI
© Nell Crapart

“Nos âmes faibles” : la non-​reconnaissance de pater­ni­té sous les projos

Après avoir explo­ré les dédales de la mater­ni­té dans Notre sang, la com­pa­gnie Lilalune revient sur scène avec Nos âmes faibles. Une pièce cho­rale et per­cu­tante sur la non-​reconnaissance de paternité.

Trois ans après Notre sang, qui por­tait sur scène ce moment char­nière de la mise au monde d’un enfant, la com­pa­gnie Lilalune revient sur les planches avec Nos âmes faibles. Une his­toire de filia­tion et de (non-) recon­nais­sance pater­nelle, d’absence et de quête, où s’entremêlent liens fami­liaux et vio­lence patriar­cale. Une his­toire qui débute en 1967, avec la nais­sance d’une petite fille née de “père incon­nu”. Quelques mois plus tard, en pleine révo­lu­tion sexuelle, s’ouvre à la Haye (Pays-​Bas) le pro­cès d’un homme, son géni­teur, qui refuse obs­ti­né­ment de la recon­naître, allant jusqu’à convaincre plu­sieurs de ses amis de faire des faux témoi­gnages. “Cet homme, c’est mon père”, nous dit la nar­ra­trice, qui se trouve être son autre fille. Elle, l’enfant légi­time et recon­nue, née dix ans plus tard, qui découvre à l’âge de 15 ans qu’elle a donc une sœur.

Un quête de véri­té à quatre voix

Inspirée de l’histoire per­son­nelle de Nathalie Matti, autrice et met­teuse en scène de la pièce, Nos âmes faibles vient retra­cer les tra­jec­toires de ces deux familles ampu­tées. Dans un aller-​retour inces­sant entre pas­sé et pré­sent, entre les Pays-​Bas et la France, on se retrouve happé·e par cette quête de véri­té, où s’entrecroisent les voix de quatre femmes. Il y a la fille illé­gi­time qui, à force de per­sé­vé­rance, a fini par retrou­ver le père, à l’âge de 25 ans. Il y a la fille offi­cielle, qui ouvre grand les bras à cette sœur fan­tôme. Il y a aus­si cette his­to­rienne, qui a tra­vaillé sur le pro­cès du père. Et puis il y a la mère, celle qui s’est retrou­vée relé­guée au rang de “fille-​mère” et qui, depuis, a mis sous clé cette période de sa vie. Impassible, mutique, même. Jusqu’au moment où elle tombe la per­ruque, accep­tant enfin de reve­nir sur ce jour de 1968 où la jus­tice des hommes a esti­mé qu’elle mentait.

Tour à tour poi­gnant et révol­tant, émaillé d’ironie, Nos âmes faibles ne tisse pas seule­ment la toile d’une filia­tion déniée. En creux, c’est aus­si l’absence et ses effets qui se des­sinent. Celle d’un père qui, après avoir aban­don­née sa fille, s’empare d’elle comme d’une confi­dente à même de redon­ner son sens à une exis­tence tor­tu­rée. Celle d’une sœur dont on n’a jamais enten­du par­ler, mais qui, par la force de l’inconscient, fait naître chez une petite fille ce sen­ti­ment dif­fus de ne pas être à sa juste place. Et celle d’un homme dont la lâche­té pro­vo­que­ra la chute. Porté par une mise en scène où le faux vient par­fois se mêler au vrai, Nos âmes faibles est bien plus qu’une his­toire de famille : c’est un récit puis­sam­ment incar­né sur la jus­tice patriar­cale, les droits repro­duc­tifs et la fai­blesse humaine.

affiche nos ames faibles vdef webHD

Nos âmes faibles, de Nathalie Matti. Avec Marie Bringuier, Lucile Chevalier, Charlotte Dupont, Nathalie Matti et Marie-​Émilie Michel. À la Manufacture des Abesses, à Paris. Du 22 jan­vier au 14 février. Les lun­dis, mar­dis, mer­cre­dis à 21 heures et les dimanches à 20 heures.

Partager
Articles liés

Inverted wid­get

Turn on the "Inverted back­ground" option for any wid­get, to get an alter­na­tive sty­ling like this.

Accent wid­get

Turn on the "Accent back­ground" option for any wid­get, to get an alter­na­tive sty­ling like this.